Le stress des examens et du résultat a fait place à l’angoisse du choix. Depuis le 30 août et jusqu’au 19 septembre les étudiants reçus aux ECN décident de leur spécialité et de leur ville d’internat. L’amphi de garnison, informatisé depuis 2011, va donc voir se répartir les 8 124 étudiants de cette cuvée 2016. Si les très bien classés ont l’embarras du choix, il n’en va pas de même pour tous.
En médecine générale, ceci dit, à la différence de ce qui se passe dans certaines spécialités, il y a assez de place pour tout le monde. En 2015, 97 % des postes ont été pourvus, 136 ne trouvant toutefois pas preneurs. C’est donc sur le choix de la ville que les dilemmes peuvent survenir. Les deux premières étudiantes à opter pour la médecine générale en 2016, classées respectivement 24e et 34e, viennent, par exemple, de choisir de faire leur internat en Ile-de-France pour l’une et à Rennes pour l’autre. Comme d'habitude, certains départements de médecine générale vont en effet remplir leurs rangs plus vite que d’autres. Le Généraliste a réalisé un classement des universités les plus sollicitées par les IMG ces trois dernières années. À ce petit jeu, Rennes, Grenoble, Nantes, Bordeaux et Angers tirent leur épingle du jeu et constituent le top 5 des facs « MG friendly ».
La prime à la qualité de vie
Mais pour quelles raisons ces villes sont-elles plébiscitées par les internes ? Le premier argument est plutôt prosaïque. À en croire les principaux intéressés, la qualité de vie serait le critère principal. « On aimerait penser que c’est la qualité de la formation qui pèse avant tout, mais il faut être réaliste, les attraits de la région ne sont pas pour rien dans le choix des internes », convient le Pr Bernard Gay directeur du département de médecine générale de Bordeaux. Même analyse du côté du directeur du DMG d’Angers : « Le choix des facultés dépend surtout de l’attractivité des villes en question. Ainsi, on ne pourra pas lutter contre Nantes, à cause de la mer et du fait que c’est la ville la plus souhaitée par les Français. » « C’est très compréhensible, poursuit le Pr François Garnier, puisque les internes en DES de médecine générale n’ont pas à attendre de postes, de nominations. Dans les autres spécialités, il est normal qu’ils recherchent les meilleures dans la discipline. Mais si l’ambition c’est devenir médecin en ambulatoire ou praticien hospitalier dans un hôpital périphérique, à mon avis l’endroit où vous êtes formé importe peu. ».
De fait, pour Gregory Cuffel, IMG à Angers, actuel président du syndicat d’IMG de la ville (SIMGA), c’est effectivement la question géographique qui a pesé sur son choix : « Je suis de Rouen et, bêtement, je voulais me rapprocher un peu du soleil », explique-t-il. La qualité de vie globale joue comme critère de sélection mais aussi d’élimination. Le coût de la vie, du logement par exemple, impacte négativement, l’Ile-de-France en particulier.
De l’importance des stages
La qualité de vie est donc un argument de poids mais n'explique pas tout. « On ne peut pas nier le nombre de kilomètres de côtes que nous avons à proximité, mais on n’est pas les seuls. Toute la Méditerranée aurait pu être choisie ; or ce n’est pas le cas », avance ainsi le Dr Éric Mener, directeur du DMG de Rennes.
À Grenoble, par exemple, le DMG a effectué des études pour en savoir plus sur ce qui amenait là les futurs généralistes. « Ils viennent essentiellement pour la maquette. Ressortait surtout l’offre de stages pratiques car, ici, on peut faire réaliser la maquette de médecine générale telle qu’elle est prévue dans la loi. Les internes passent donc chez le praticien dans les deux premières années, nous proposons aussi de façon systématique le passage en SASPAS », souligne le directeur du DMG de Grenoble qui explique : « Pour nous, la priorité, c’est l’ambulatoire ; certains internes arrivent même à faire trois stages dont deux SASPAS ». Pour expliquer la bonne fortune de son département, le Pr Patrick Imbert évoque aussi un environnement favorable : « Je crois que la subdivision présente une géographie sanitaire permettant d’avoir des postes extrêmement variés et un certain nombre de stages hospitaliers qui se trouvent dans des périphéries importantes que sont Annecy ou Chambéry ». Une analyse partagée par Gauthier Courtois, président du syndicat des IMG de la région, Aravis, pour lequel c’est bien « la qualité des stages » qui attire à Grenoble.
Priorité à l’ambulatoire
À l’évidence, la diversité et la qualité des stages proposés sont une préoccupation importante pour les internes et permettent de plus en plus à certaines universités de s'en sortir mieux que d'autres. C'est du moins ce que mettent en avant ceux qui ont choisi Rennes, première, en moyenne, du classement des trois dernières années. « Les stages en périphérie sont particulièrement attractifs à Rennes », explique le président de l’association des IMG de Rennes (AIMGER), Guillaume Couetil. « On peut aussi faire le stage de gynéco et de pédiatrie en faisant deux fois trois mois. Peu d’universités offrent cette possibilité », ajoute-t-il.
Opter pour Rennes, c'est également avoir la garantie pour tous ceux qui le souhaitent de pouvoir faire le stage en situation de responsabilité, le fameux SASPAS. En effet, pour les IMG, la question de la disponibilité des stages en ambulatoire se pose. Toutes les villes du peloton de tête assurent à leurs IMG de pouvoir réaliser au moins deux stages en ambulatoire. C’est prévu par la loi mais, ce n’est malheureusement pas encore une évidence partout. Pourtant, malgré leur bonne réputation dans ce domaine, les départements de médecine générale les plus choisis savent que c’est un équilibre délicat. à Bordeaux, « le ministère voulait absolument nous affecter 200 étudiants, ce qui était le cas il y a deux ans, explique le Pr Gay ; or on sait que ça devient vraiment compliqué en termes de gestion des ressources. On a donc insisté pour rester entre 180 et 190 ». À Rennes, cette année, 105 postes sont ouverts. « On pourrait difficilement avoir beaucoup plus d’internes parce qu’on se heurte, comme tous les DMG, à la problématique des terrains de stage », confirme le Dr Mener.
Concernant les stages, la géographie de la région et, plus précisément, la taille des subdivisions peut aussi avoir son importance dans le choix de la ville d’internat. « À Angers, c’est un petit réseau, la taille de la subdivision n’est pas trop grande. À l’inverse, par exemple, si vous êtes à Tours, vous pouvez vous retrouver avec un stage à plus de 200 kilomètres. À Angers on a un temps honnête de transport. Quand ils se renseignent, les étudiants nous demandent la distance des hôpitaux périphériques », souligne Gregory Cuffel. « Clairement, en Bretagne, le fait d’avoir de petits territoires plus restreints est un avantage », abonde Guillaume Couetil :« A Rennes, au maximum tu peux te retrouver à Lorient, c’est à 1h30 de route et notre réseau routier est bien fichu ».
« Nous n’avons pas une très grande subdivision, mais étant donné qu’on est en montagne la circulation est plus compliquée, donc cet argument ne joue pas trop ici », nuance, en revanche, Gauthier Courtois pour Grenoble. En effet, si la distance entre les différents terrains de stage favorise certaines facs, elle en pénalise forcément d’autres. « Pour les internes qui viennent en couple, par exemple, c’est vrai que c’est un plus d’avoir des terrains de stage pas trop éloignés », note Juliette Cassagnau, secrétaire du syndicat des IMG de Nantes (SIMGO). « L’Aquitaine est une région assez vaste. Nos internes peuvent être amenés à être un trimestre à Bergerac en Dordogne et le semestre d’après à Orthez dans les Pyrénées-Atlantiques. Donc, la diversité des choix est à la fois un atout et un inconvénient car nos IMG voyagent beaucoup quand même », ajoute également le Pr Gay pour Bordeaux.
Un début d’émulation entre facs ?
Au-delà des stages, c’est le travail pédagogique tout entier et la qualité de la formation dans son ensemble qui est recherchée par les IMG. « Ça se sait », confirment les internes. « Quand je vois les universités les plus choisies, je me dis que c’est la prime à une approche pédagogique intéressante, explique Bernard Gay. À Bordeaux, on a essayé de faire avancer la pédagogie et de partir non pas d’un enseignement théorique mais d’un apprentissage de compétence dans le contexte de la pratique clinique. Les internes ont fait six ans d’études, on ne va pas encore leur rabâcher du théorique.»
La mise en place du DES de médecine générale, il y a un peu plus de dix ans, aurait-elle créé une certaine émulation entre départements ? Peut-être bien. « Au tout début, on était choisi en dernier, ça ne nous faisait pas plaisir et on y a réfléchi. Que depuis trois ou quatre ans Angers soit choisi systématiquement avant les derniers, forcément, c’est plus agréable. Tout comme le fait d’avoir des étudiants qui ont voulu venir plutôt que des étudiants qu’on a forcés », note le Pr Garnier.
Dans certains lieux, cette dynamique a permis de combler le différentiel d'attractivité par rapport aux autres spécialités. Dans les universités du top 5, plusieurs soulignent en effet la bonne place accordée à la médecine générale par rapport aux autres disciplines.
À Rennes, le directeur du DMG met notamment en avant « le soutien très fort du doyen à la médecine générale. On a toute notre place au sein de la faculté, ce qui nous a permis de développer, par exemple, le pôle de recherche ». Une légitimité qui a visiblement du prix aux yeux des internes : « à Nantes, la médecine générale n’est pas dénigrée par rapport aux autres spécialités. On a un rôle à part entière il n’y a pas de ségrégation et c’est forcément un point très positif », explique Juliette Cassagnau. Et si c'était ça aussi qui a fait de Nantes le DMG le plus choisi par les IMG en 2015 ? Il reste encore quelques jours de choix aux futurs internes pour en avoir confirmation…
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