Ça y est, mon sac est prêt. J’y ai mis tout ce que je pensais pouvoir être utile : mon stéthoscope, mon otoscope, mon tensiomètre manuel, des crayons en pagaille, mes fiches doudou durement acquises au fur et à mesure de mon internat. C’est le jour de la rentrée, mon premier en tant que remplaçante en cabinet de ville.
Je l’avoue, j’ai le ventre noué et les mains qui tremblent un peu. Il faut dire que je me sers de cette expérience comme d’un crash test pour savoir si la médecine générale libérale est finalement faite pour moi – ce sera selon l’issue de cette journée –, mon stage de niveau 1 ayant été un échec monumental qui m’a laissé un goût amer. J’ai farfouillé sur les sites d’annonces plusieurs heures, comparé les adresses des cabinets, leur proximité avec mon domicile, la rétrocession, l’environnement du cabinet, les horaires, le matériel à disposition. J’ai trouvé un tout petit cabinet près de chez moi, une aubaine, un médecin à peine installé qui cherchait un ou une remplaçante pour ses vacances. Je n’étais pas disponible à ces dates mais j’y suis allée au culot et j’ai demandé si, à tout hasard, une remplaçante régulière l’intéresserait : bingo !
J’arrive donc un peu en avance et je prends possession des lieux. Ça me rappelle mon stage de niveau 1, et pourtant c’est différent. Quelle angoisse. Où sont les ordonnances ? les feuilles de soins papier ? le papier pour l’imprimante ? Et si jamais l’ordinateur plante ? ! Au secours !
Je jette un œil à mon planning, c’est l’heure. J’ouvre la porte qui communique avec la salle d’attente et je me jette à l’eau. Je suis en apnée les premières minutes, je me demande ce que je fais là, je me collerais volontiers des baffes devant cette idée stupide de remplacement. Un·e patient·e, deux, puis trois qui s’enchaînent. J’arrête de compter. Brasse coulée le reste de l’après-midi, je sens que je suis noyée, j’ai du retard mais je tiens bon. Je fais au mieux, et de mon mieux ; de toute façon, les patient·e·s sont indulgent·e·s (et plutôt content·e·s de voir une nouvelle tête !). Ce n’est pas parfait mais il faut bien commencer un jour.
Et voilà, l’ultime patient est parti, je ferme la porte du cabinet. Je retourne m’asseoir à mon bureau, un peu sonnée par l’effervescence de la journée. Un calme soudain règne dans les lieux. Je finalise ma comptabilité, lance la transmission des feuilles de soins électroniques, et m’attelle à la lecture des biologies reçues ces dernières heures.
Je range finalement mes affaires, éteins la lumière, ferme la porte et grimpe dans ma voiture. Je suis contente. Je l’ai fait. Eh oui, mon stage ambulatoire s’étant mal passé, retourner en cabinet me donnait des sueurs froides. Je suis donc fière de moi. C’était dur, j’en ai bavé, mais je suis restée. Au fur et à mesure, je me suis détendue, et j’ai senti que je reprenais mes automatismes, les consultations devenaient de plus en plus fluides. Ça m’a plu. J’aime la médecine de ville, la prévention, le lien humain.
Je suis ressortie fatiguée mais avec le sourire. J’ai entrevu le bout du tunnel, après des années de doutes et d’incertitudes, le tout avec un rapport très ambivalent à ma spécialité. Je savais enfin ce qui m’attendait et que j’en étais capable. Le soulagement est réel.
Désormais, quand je pousse la porte du cabinet, je le fais en étant heureuse d’avoir (enfin) trouvé ma voie.
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