LE QUOTIDIEN : Pouvez-vous commencer par nous résumer votre parcours ?
CAPUCINE MIQUEL : Je suis interne au CHU de Lille, et j’effectue actuellement mon 4e semestre en périphérie, à l’hôpital de Roubaix. Je fais également une FST (Formation spécialisée transversale, NDLR) en andrologie et médecine de la reproduction. Au départ, j’avais choisi la médecine avec l’idée de faire de la chirurgie, et de m’intéresser à tout ce qui se faisait. C’est lors de mon externat, à Caen, que j’ai été amenée à faire des gardes au bloc des urgences, où l’on pratiquait des greffes rénales. Un interne m’a alors dit de venir voir en ce qui se faisait en urologie pour un stage ; j’y ai découvert l’entièreté de la spécialité, son aspect médico-chirurgical, l’accompagnement en cancérologie, le suivi qui crée un lien de long terme avec les patients, la possibilité de parler de sexualité avec eux… J’ai donc développé un fort attrait pour cette spécialité, et après le concours, au moment de choisir une ville, je suis tombée sur un interne lillois qui m’a vendu du rêve. Alors que je n’avais jamais mis les pieds à Lille, j’ai décidé d'y partir parce que je pensais que cela me donnerait toutes les possibilités.
NICOLAS DOUMERC : Pour ma part, je suis un peu plus ancien : j’ai 48 ans, je suis PH en chirurgie urologique et transplantation rénale au CHU de Toulouse. Je suis un Toulousain pur souche, j’y ai fait mes études de médecine. J’avais commencé par faire de la médecine interne, mais dès le premier stage, à Tarbes, je me suis rendu compte que j’avais plutôt envie d’une spécialité médico-chirurgicale, ce qui m’a amené à m’intéresser à l’urologie, et à me réorienter vers cette spécialité. J’ai donc fait mon internat puis mon clinicat à Toulouse, avec une pause pour un inter-CHU en Guadeloupe. À la fin de mon clinicat, en 2008, je suis parti en Australie où j’ai découvert la chirurgie robotique, et quand je suis rentré, mon hôpital avait acheté un robot, ce qui m’a amené à me spécialiser dans cette direction.
L’une des spécificités de l’urologie, c’est que bien que limitée à une zone anatomique précise, elle est particulièrement vaste…
C. M. : Effectivement, je ne pense pas qu’il y ait une spécialité chirurgicale aussi diversifiée. On peut passer de la maladie lithiasique au cancer, en passant par la greffe rénale, la chirurgie de la verge… Quand on est interne, c’est stimulant d’avoir ce panel à découvrir. Il y a toujours quelque chose de nouveau à apprendre. Mais bien sûr, cela signifie aussi qu’on ne peut pas être bon partout, et qu’il faut se spécialiser.
N. D. : Quand on fait la synthèse de tout ce qui est attractif en urologie, ce qui me paraît primordial, c’est son aspect médico-chirurgical : si on se compare par exemple aux chirurgiens digestifs, nous n’avons pas l’équivalent des gastro-entérologues. Nous gérons les patients de A à Z, avec une prise en charge globale, ce qui est assez satisfaisant. Et le deuxième point, effectivement, c’est la variété de l’exercice. Quand j’étais externe, je pensais que l’urologie se cantonnait à des choses simples, la prostate, etc. Il y a en réalité un éventail d’activités qui va de la transplantation à l’endoscopie, de la robotique à la chirurgie ouverte, en passant par les ultrasons, c’est extrêmement varié et chacun peut y trouver un pôle d’intérêt. J’ajouterais qu’en tant qu’interne, ce qui m’avait plu, c’était aussi l’autonomie qu’on avait très rapidement : on est vite capables de réaliser de nombreux gestes seuls.
Dans cette vaste spécialité, comment décide-t-on de son orientation ?
C. M. : J’ai toujours été attirée par ce qui était chirurgie de reconstruction. J’aimerais faire de la chirurgie de la verge. Je m’intéresse notamment à la prise en charge des personnes trans et j’ai fait un DU sur le sujet. Mais je ne peux pas me cantonner à cela, je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait, et je sais bien qu’il faut maîtriser les bases de l’urologie générale, les cancers de la prostate, du rein, la maladie lithiasique, qui sont notre quotidien.
N. D. : En ce qui me concerne, je me suis orienté vers la chirurgie mini-invasive au hasard des rencontres. Je voulais voyager médicalement, j’ai envoyé beaucoup de courriers, et le centre qui m’a répondu était un centre expert en robotique en Australie… J’ai vu que c’était une technologie intéressante, bénéfique pour le patient, je suis reparti avec plein d’idée… Et quand je suis revenu, j’ai eu la chance de pouvoir la développer, avec le soutien d’un chef qui m’a fait confiance et qui m’a proposé des patients.
En plus d’offrir de nombreuses possibilités de surspécialisation, l’urologie permet d’exercer aussi bien dans le privé que dans le public. Qu’est-ce qui a pu ou pourra guider vos choix sur ce sujet ?
N. D. : J’ai eu le choix de partir dans le privé, on m’a déjà proposé un poste. La question de quitter l’hôpital s’est donc concrètement posée pour moi. Aujourd'hui, l’activité des collègues du privé n’est pas si différente de la nôtre, même si nous développons davantage le versant transplantation et prélèvement, ainsi que tout le côté universitaire. En ce qui me concerne, le fait d’avoir des internes, des inter-CHU qui viennent de partout, la possibilité de garder le contact avec les jeunes, tout cela est très stimulant, et je me rends compte quand je discute avec des confrères du privé que cela manque un peu chez eux. Il y a en revanche l’aspect financier, qui est en moyenne plus avantageux dans le privé, mais à l’hôpital on peut faire aussi du secteur privé, de manière modérée.
C. M. : En ce qui me concerne, il est un peu tôt dans mon cursus pour répondre à cette question. Cela dépendra probablement des opportunités, sachant que si je poursuis dans la chirurgie de la reconstruction, les options dans le privé risquent d’être plutôt limitées, sauf peut-être en région parisienne. Mais les deux exercices me semblent intéressants.
Le côté technologique de l’urologie fait-il partie de ses atouts ?
C. M. : C’est vrai que c’est une spécialité ou nous avons plein de « joujoux ». À l’hôpital, la pharmacie ne nous apprécie pas toujours, car nous voulons toujours le dernier laser, le dernier résecteur, et bien entendu le robot le plus sophistiqué avec toutes les pinces possibles et imaginables…
N. D. : L’urologie a été pionnière dans le domaine de la chirurgie robot-assistée, et pour moi qui ai vu arriver cette technologie, il a été très gratifiant d’être dans les premiers à utiliser ces outils. Ils sont maintenant démocratisés, et pour nos internes, il est tout à fait naturel de les utiliser de manière courante.
Comment imaginez-vous l’évolution de la spécialité dans dix ans ?
C. M. : C’est difficile de se représenter le futur, beaucoup de technologies sont en cours de développement… Ce qui me paraît compliqué, c’est d’imaginer, parmi tout ce qui est en train de se développer aujourd'hui, ce qu’on va garder et qui va devenir notre quotidien dans les années à venir. Mais une chose est sûre, c’est que la chirurgie que je pratiquerai dans dix ans ne sera pas la même que celle que j’apprends aujourd’hui… Et je trouve cela particulièrement intéressant !
N. D. : Je pense que plusieurs domaines vont se développer. Aux États-Unis on voit par exemple apparaître des formes d’urologie interventionnelle, cela me paraît intéressant. Par ailleurs, nous ne sommes qu’à la préhistoire de la robotique, et c’est un pan qui va exploser. Aujourd'hui, il faut être clair, ce que nous faisons n’a rien de réellement robotique, nous sommes simplement des opérateurs. Je pense que la téléchirurgie va se développer, on pourra avoir des robots dans des centres périphériques opérés par des opérateurs dans les centres universitaires. Par ailleurs, des systèmes d’aide à la chirurgie vont arriver pour diminuer le taux de complication : on voit que dans l’automobile, le conducteur va progressivement lâcher le volant avec la voiture autonome, et ce sont des évolutions qui vont arriver rapidement en urologie. La réalité mixte et la réalité virtuelle vont progressivement entrer dans nos blocs, par exemple en superposant une image par transparence sur nos écrans durant l’opération pour retirer une tumeur du rein. Enfin, la pédagogie est en train de se modifier : on va beaucoup évoluer avec la simulation, avec les jumeaux numériques, avec l’intervention du patient lui-même au cours de la formation. Je pense qu’on va atteindre un niveau de qualité de la formation qu’on n’a jamais connu jusqu’ici.
Parcours
Capucine Miquel
2013 : Assiste pour la première fois à une chirurgie, au CH de Perpignan, avant de choisir les études de médecine
2020 : Stage d’externat en urologie, au CHU de Caen, dans le service du Pr Tillou
2021 : Début d’internat d’urologie avec un stage au CH Arras, dans le service du Dr Bozzini
Nicolas Doumerc
2000 : Concours de l'internat
2008 : Fellowship en chirurgie robotique à Sydney, Australie
2011 : Chirurgien des hôpitaux de Toulouse - Praticien Hospitalier
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