Pendant vos études ou les premières années de votre carrière, avez-vous déjà craint que les autres découvrent que vos connaissances et vos compétences n’étaient pas à la hauteur de vos tâches ? Vous êtes-vous inquiété de ne pas réussir un projet ou un examen alors que votre entourage était confiant ? Si c’est le cas, faites le test de Clance (1) et découvrez si vous souffrez d’un syndrome de l’imposteur.
Ce concept a été développé à la fin des années 1970 par deux psychologues américaines (2), initialement à propos des femmes hautement diplômées (ingénieurs, docteurs en science, dirigeantes d’entreprises). Il correspond à une tendance psychologique à la peur, à la remise en question, au doute de ses propres réussites. Ce syndrome fait naître la peur infondée d’être démasqué et présenté comme un escroc, et ce, malgré des capacités démontrées.
En dépit, à travers les études, d’une prévalence du syndrome de l’imposteur variable, toutes s’accordent sur le fait que le milieu médical est un monde à risque. Pourquoi les médecins souffrent-ils tant d’auto-suspicion d’imposture ? Les raisons évoquées dans la littérature sont multiples : surévaluation des attentes de la profession en raison du travail à fournir et de la sélection, personnalité souvent perfectionniste du médecin, objectifs élevés, image du « surhumain », comparaison avec des collègues intelligents et performants, peur de demander de l’aide, enjeux élevés et marge d’erreur étroite, et enfin, nombreuses connaissances théoriques à maîtriser mais en constante évolution, pouvant faire ressentir un manque de savoir.
Même s’il est décrit que le syndrome de l’imposteur tend à diminuer avec l’âge, son évolution n’est pas linéaire. En effet, toutes les étapes de transition de vie, impliquant l’acquisition de nouveaux rôles, peuvent le faire apparaître ou réapparaître.
Une augmentation de la prévalence
Si la prévalence de ce trouble était estimée à 30 % chez les internes dans la littérature internationale (3) pendant les années 2000, ces chiffres semblent avoir augmenté et se situer dorénavant plus près de 50 % (4). Qu’en est-il en France chez les internes de médecine générale ? Deux thèses, publiées en 2022 et 2023, éclairent sur le sujet. Le Dr Quentin Roussel, qui a effectué un travail de recueil (5) auprès de 220 internes en médecine générale de la région de Strasbourg, conclut que 64 % des personnes interrogées souffraient de syndrome de l’imposteur, les femmes étant plus souvent concernées. Les chiffres recueillis par la Dr Valentine Chauvin dans la région de Nantes (6) sont assez similaires, avec 59 % des internes interrogés qui en souffraient. Les femmes étaient là aussi plus touchées que les hommes et les internes reçus dans le premier tiers du classement à l’ECN étaient relativement épargnés.
Quel est l’impact de ce syndrome sur la santé mentale des internes ? Augmentation du taux d’anxiété, de cynisme, d’insatisfaction sur la carrière, de mal-être au travail, de perte de motivation professionnelle ou encore dépression. On note aussi une dépersonnalisation et un épuisement professionnel qui font le lit du burn-out et de la mise en non-sécurité des patients. Le risque d’abandon de carrière est réel. La prévalence des idées suicidaires et des suicides est aussi majorée.
Mettre un nom sur les symptômes
Comment améliorer cette situation pour les promotions d’internes à venir ? Le Dr Valentine Chauvin propose différentes pistes pour un sujet « qui intéresse peu ». Même si le sentiment de tromper l’entourage peut initialement dissuader de se tourner vers les autres, mettre un nom sur ses symptômes est une étape primordiale. Au Canada, le média Affaires universitaires (qui porte sur le milieu universitaire canadien) a publié un article dédié aux étudiants intitulé « Vous n’êtes pas seuls à souffrir du syndrome de l’imposteur » (7). Son but ? Sensibiliser les étudiants à ce phénomène et les encourager à ouvrir le dialogue.
Le recours à un psychologue ou un psychiatre peut être nécessaire lorsque le syndrome impacte individuellement la vie personnelle et professionnelle du médecin. L’objectif est de rompre le cycle de l’imposteur. Un travail sur l’acceptation et l’affirmation de soi est souvent nécessaire. Il s’agit de retrouver une image positive et réaliste de soi et d’améliorer le sentiment d’efficacité personnelle. Cela passe notamment par une mise en question afin de diminuer le besoin de reconnaissance et d’approbation des autres. Une thérapie de groupe faite d’entretiens et de jeux de rôle peut permettre de renfoncer l’impact bienveillant de l’équipe.
Enfin, la prévention est un axe essentiel et l’accompagnement des jeunes internes par un tuteur permet d’aborder ce sujet – si toutefois le tuteur a été formé à repérer les signes – et de transformer les erreurs en axes d’amélioration des pratiques. Mais ces propositions sont encore loin d’être généralisées en France.
(1) https://paulineroseclance.com/pdf/IPTestandscoring.pdf
(2) Clance PR, Imes SA. The imposter phenomenon in high achieving women: Dynamics and therapeutic intervention. Psychother Theory Res Pract. 1978;15(3):241-7
(3) Chen C. Docteur qui? Réflexions sur le syndrome de l’imposteur chez les stagiaires en médecine. Can Fam Physician. 2020 Oct;66(10):e270–e272
(4) Gisselbaek M, Suppan M, Saxena S et coll. Association of impostor phenomenon and burnout among Swiss residents and junior anaesthesiologists: results of a cross-sectional survey.BMC Anesthesiol. 2025 Feb 22;25(1):98. DOI : 10.1186/s12871-025-02957-8.PMID: 39987071
(5) Roussel Q. Prévalence du Syndrome de l’Imposteur chez les internes de médecine générale [Thèse d’exercice]. [France]: Université de Lorraine; 2022 [cité 3 janv 2023]
(6) Le syndrome de l’imposteur : étude auprès des internes de médecine générale de la faculté de Nantes Valentine Chauvin. Thèse 2023
(7) https://www.affairesuniversitaires.ca/career-advice-fr/vous-netes-pas-s…
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