En prévision de la fin des expérimentations Étapes et conformément aux orientations du Ségur de la Santé, la télésurveillance médicale va entrer dans le droit commun le 1er juillet 2023, c’est-à-dire bénéficier d’une prise en charge par l’Assurance-maladie. En effet, l’article 36 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) 2022 a été complété par le décret n° 2022-1767 du 30 décembre 2022, relatif à la prise en charge et au remboursement des activités de télésurveillance médicale.
Le grand principe du modèle de droit commun de la télésurveillance est d’associer obligatoirement les activités de télésurveillance au recours à un dispositif médical numérique de télésurveillance (DMN-TLS). Ces deux composantes complémentaires bénéficient chacune d’une tarification différente fixée par le ministère et donnant lieu à remboursement par l’Assurance-maladie.
Pas de délégation hors de l’équipe
Les activités sont exercées par un « opérateur de télésurveillance », qui peut être un médecin seul, ou une équipe. Dans les deux cas, l’inscription se fait par télédéclaration auprès de l’Agence régionale de santé (ARS). Le périmètre des activités de télésurveillance inclut :
− Le paramétrage du DMN-TLS ;
− La formation du patient ;
− La vérification et le filtrage des alertes ;
− Les interactions avec le patient, y compris l’éducation ou l’accompagnement thérapeutique ;
− L’analyse médicale des alertes.
L’équipe médicale de télésurveillance est composée de professionnels de santé dont au moins un médecin. Sa composition est laissée libre, du moment que cette équipe est en mesure d’exercer l’ensemble des activités de télésurveillance. Elle repose sur une complémentarité des compétences de chacun. En fonction des ressources locales, il peut être fait appel par exemple à des infirmièr·es diplômées d’État (IDE) libérales, des infirmièr·es de pratique avancée (IPA), des assistants médicaux, ou à des moyens qui seraient disponibles dans les équipes de soins spécialisées (ESS), ou dans les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), etc. Une convention est passée entre les membres de l’équipe, précisant les rôles de chacun au sein de celle-ci.
Des dispositifs certifiés par l’ANS
Le DMN-TLS est fourni par une société commerciale et bénéficie d’une tarification propre de droit commun. Les DMN-TLS utilisés pour la télésurveillance devront avoir été certifié par l’Agence du Numérique en santé (ANS), sur des critères de sécurité, d’interopérabilité et de respect des droits à la protection des données, et figurer sur une liste en cours d’élaboration qui sera consultable sur le site du ministère chargé de la Santé et de la Sécurité sociale.
Toute demande d’inscription de nouveaux dispositifs de DMN TLS sera simultanément adressée à la Haute autorité de santé (HAS) et aux conseils nationaux professionnels (la Fédération française de pneumologie [FFP] pour les activités en lien avec la pneumologie).
Ces principes généraux concernent l’ensemble des pathologies : prothèses cardiaques implantables, insuffisants rénaux, respiratoires ou cardiaques chroniques diabétiques.
L’activité de télésurveillance sera rémunérée, pour la partie pneumologique, 28 €/mois/patient, un chiffre en légère progression par rapport à Étapes (lire encadré).
Apprivoiser la télédéclaration
La pneumologie présente quelques particularités : la télésurveillance est une activité médicale prescrite et le pneumologue peut être à la fois le prescripteur et l’opérateur — alors que, pour d’autres pathologies, un médecin généraliste peut être opérateur. Ce n’est pas si souvent qu’apparaît un nouvel acte tarifé en pneumologie !
La complexité du processus est plus apparente que réelle. Quand il est seul opérateur, le pneumologue doit simplement faire une télédéclaration de télésurveillance à l’ARS, décrivant comment il opère, à lui seul, l’intégralité de cette télésurveillance. Pour ceux qui font le choix d’une équipe opérant la télésurveillance, une organisation innovante va s’imposer. Une réflexion associant les différents modes d’exercice est en cours pour structurer une aide au déploiement de la télésurveillance dans notre spécialité.
Le projet amputé de l’oxygénothérapie
Une des difficultés que vont rencontrer les médecins opérateurs de télésurveillance en pneumologie tient au faible nombre de patients concernés. En effet, sans aucune concertation préalable, l’avis de projet du ministère a supprimé les indications de télésurveillance de l’oxygénothérapie de courte et de longue durée, qui avaient pourtant été ajoutées à la ventilation non invasive (VNI) dans le cahier des charges validé par la HAS, élaboré conjointement avec la FFP. Ces indications ont été maintenues par la HAS dans son avis définitif après consultation de la FFP. Mais l’incertitude plane toujours, au moment de la rédaction de cet article, sur la réintegration par le ministère des indications d’oxygénotherapie.
Cette frilosité des services ministériels, qui limitent ainsi drastiquement le nombre de patients concernés, paraît très étonnante, dans un pays qui, au plus haut niveau de l’État, ambitionne d’être « start-up nation » et prétend à un leadership mondial en matière de santé numérique. Pourtant, la France est actuellement très en avance au niveau mondial et à une toute autre échelle en matière de télésurveillance, si l’on prend l’exemple du traitement par pression positive continue (PPC), qui concerne environ 1,5 million de patients. Soit un rapport d’une VNI pour 500 PPC.
Dans le monde de la santé numérique, compte tenu de la rapidité des évolutions technologiques, la fable du lièvre et de la tortue n’a plus cours, pas plus que celle, absolument invraisemblable, de la tortue qui se transformerait en licorne !
Exergue : « La tortue ne va pas se transformer en licorne numérique de la start-up nation ! »
Vice-président de la Fédération française de pneumologie (FFP) et de la Fédération des spécialités médicales (FSM)