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Dossier

Arthrose, insufisance cardiaque, diabète, Parkinson, DMLA...

Les promesses des cellules souches à l’horizon 2018

Par Dr Alain Dorra - Publié le 14/10/2016
Les promesses des cellules souches à l’horizon 2018

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PIXOLOGICSTUDIO/SPL/PHANIE

Après plusieurs annonces médiatiques ayant soulevé beaucoup d’espoir, où en est la recherche sur les cellules souches ? Si des médicaments ont été obtenus à l’étranger pour la GVH et l’arthrose ils doivent être validés en Europe. Des études sont en cours sur la DMLA, l’insuffisance cardiaque, le diabète, le Parkinson… Résultats dans deux ans.

Soigner le coeur ou le cerveau grâce à des cellules souches ? Plusieurs annonces médiatiques ont soulevé l’espoir de pouvoir traiter un jour par ce biais des maladies aujourd’hui incurables. Souvent qualifiée de révolutionnaire, la thérapie par cellules souches consiste à greffer des cellules afin de restaurer la fonction d’un tissu ou d’un organe lésé.

L’objectif est de soigner durablement le patient grâce à une injection unique. Les cellules peuvent être obtenues à partir de cellules-souches pluripotentes (pouvant donner tous les types de cellules) : embryonnaires (obtenues à partir d’embryons de 5 à 7 jours) ou induites (« IPS », prélevées chez des adultes et reprogrammées en cellules pluripotentes par génie génétique). Elles peuvent aussi provenir de cellules multipotentes (pouvant donner un nombre limité de cellules), les plus couramment utilisées étant les cellules mésenchymateuses.


La voie des cellules embryonnaires


« Plusieurs maladies font l’objet d’essais en cours employant ces cellules », explique le Pr Marc Peschanski, coordinateur de la plateforme de thérapie cellulaire I-Stem, plus grand laboratoire français de recherche et de développement dédié aux cellules souches pluripotentes humaines, d’origine embryonnaire ou obtenues par reprogrammation génique.

> Les pathologies rétiniennes

[[asset:image:11286 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":["VOISIN\/PHANIE"],"field_asset_image_description":[]}]]On admet deux indications pour ce type de thérapie : la maladie de Stargardt, une rétinite pigmentaire et la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Des essais ont été menés aux États-Unis, en Grande Bretagne, et en Corée du sud. Les chercheurs ont publié leurs résultats à deux reprises.

La première publication montrait que la thérapie cellulaire ne posait pas de problème de sécurité. La deuxième présentait le cas de deux patients dont l’état semblait progresser et d’une quinzaine d’autres sur lesquels il était constaté une stabilisation de la pathologie ou une possibilité d’amélioration.

« Cependant », précise le Pr Peschanski, « ces résultats ont été obtenus sur la DMLA. Il n’y a pas eu de publications sur la maladie de Stargart ».On peut y ajouter des travaux israéliens de thérapie cellulaire sur les pathologies rétiniennes et un essai commencé par des chercheurs japonais (de Kobé) sur la DMLA avec des cellules IPS autologues prélevées à partir du patient puis induites à la pluripotence.

Cette dernière étude a été arrêtée avant l’implantation du deuxième patient, car les scientifiques se sont rendu compte que la reprogrammation des cellules y avait introduit une mutation hétérozygote potentiellement dangereuse. Les chercheurs ont le projet de réitérer cet essai en utilisant non plus des cellules autologues, mais des cellules allogéniques (de donneurs).

> Le Diabète

Un travail a également été entrepris fin 2014 aux États-Unis sur le diabète avec des cellules souches dérivées de cellules embryonnaires encapsulées dans du plastique poreux, de façon à créer une immuno-isolation. Les cellules doivent en effet libérer de l’insuline, passant par les pores vers le milieu environnant. Cet essai est destiné à évaluer la sécurité de l’emploi des cellules souches. « De ce point de vue, les résultats sont positifs », selon le Pr Peschanski. Les études en vue d’évaluer l’efficacité de ces techniques sont en train de démarrer. « Mais il faut plus de recul, et d’avantage de malades », souligne-t-il.

> Maladie d’Alzheimer

Selon Le Pr Peschanski « on a dit dans la presse beaucoup de choses sur des applications potentielles des thérapies par cellules souches qui paraissent en fait impossibles, comme pour la maladie d’Alzheimer ». Il n’y a en effet jamais eu d’éléments expérimentaux démontrant qu’une greffe de cellules peut améliorer la situation des malades atteints de cette pathologie.

> Maladie de Parkinson

[[asset:image:11291 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":["GJLP\/SPL\/PHANIE "],"field_asset_image_description":[]}]]En revanche, pour les chercheurs travaillant sur les applications des thérapies cellulaires en Europe et aux États-Unis, la maladie de Parkinson est un des objectifs prioritaires. Des essais de thérapie cellulaire ont eu lieu dans les années 89, 90, dans lesquels il a été utilisé des cellules de foetus issues d’interruptions volontaires de grossesse. Ces travaux ont montré qu’il était possible de traiter ces patients, ou du moins d’améliorer nettement leur situation en pratiquant des greffes cérébrales.

Les chercheurs ont cependant été obligés d’arrêter les essais du fait de la complexité de l’approvisionnement qui ne permettait pas de passer des résultats expérimentaux aux essais thérapeutiques. « L’arrivée des cellules souches a donné une certaine ouverture, que quantité d’équipes se sont empressées d’emprunter », explique le Pr Pechanski. Les premiers essais de thérapie par cellules souches dans cette indication devraient avoir lieu l’année prochaine ou dans deux ans. Ils seront effectués par deux équipes : une de l’université de Cambridge (Grande-Bretagne), et une autre à Lundt (Suède).

> Maladie de Duchenne

Pour les dégénérescences musculaires, comme la maladie de Duchenne, la mise en oeuvre d’une thérapie cellulaire est plus compliquée. Une injection de cellules dans un muscle ne suffit pas pour traiter la maladie, les muscles étant répartis dans le corps entier. En revanche, pour des myopathies touchant spécifiquement les paupières, ou la face, il est possible d’envisager ce type de thérapie.

> Maladies hématopoïétiques

Concernant ces pathologies, il existe des travaux qui se font dans un autre cadre, toujours au moyen de cellules souches pluripotentes. Mais cette fois, dans le but de chercher des remèdes pharmacologiques en utilisant les cellules souches comme modèle de laboratoire de la pathologie.

> Les cardiomyopathies

Un essai de traitement de l’insuffisance cardiaque par cellules souches a été entrepris par l’équipe du Pr Philippe Menasché (HEGP, Paris). (Voir "Traiter l'insuffisance cardiaque")

La voie des cellules mésenchymateuses


« Un autre type de recherches implique des cellules souches mésenchymateuses », détaille le Pr Christian Jorgensen (directeur de l’institut de médecine régénératrice et de biothérapie, Unité INSERM 844). Ces cellules sont présentes dans tout l’organisme au sein du tissu adipeux, de la moelle osseuse, des tissus de soutien des organes, mais également au sein des os, des cartilages, des muscles… Ces cellules sont utilisées quand on veut produire du mésenchyme : muscles, cartilage, os. Elles sont aussi employées à visée immunologique et de cicatrisation.

De plus, « les cellules mésenchymateuses présentent moins de risque en thérapie cellulaire pour les patients que les cellules embryonnaires, d’où le fait que trois cents essais validés dans le monde utilisent cette technique », note Christian Jorgensen. Ce champ thérapeutique, concerne pour l’instant la prévention de la GVH (réaction du greffon contre l’hôte), le traitement de la sclérodermie, celui de l’insuffisance rénale, et du diabète.

« Il s’agit majoritairement d’essais préliminaires pour identifier la bonne stratégie », précise le Pr Jorgensen, « mais quelques études ont clairement démontré l’efficacité de cette thérapie, dans le domaine de l’arthrose (travaux d’une équipe coréenne) et dans celui de la prévention du rejet de greffe rénale (études chinoises) ». Plusieurs produits, élaborés par cette technique, ont obtenu des AMM dans le monde.

> GVH chez l’enfant

Ainsi le Mesoblast, au Canada, destiné à la prévention de GVH chez l’enfant en cas de résistance à la cyclosporine. Ce traitement est également disponible aux Etats-Unis.

> Arthrose

[[asset:image:11301 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":["ZEPHYR\/SPL\/PHANIE"],"field_asset_image_description":[]}]]Autre médicament à base de cellules souches, le Medipost, a obtenu en Corée une AMM dans l’arthrose. Ce traitement permet une disparition de l’inflammation locale, des douleurs, une amélioration du score fonctionnel, et au bout d’un an, une amélioration qualitative à l’IRM du cartilage, avec une augmentation de la richesse en protéoglycanes.

Résultat d’autant plus intéressant qu’il n’existe pas de traitement de l’arthrose et qu’un Français sur deux souffre de douleurs articulaires. « Ces médicaments ne sont cependant pas encore arrivés sur le marché en Europe », développe le Pr Jorgensen, « car les agences sanitaires européennes demandent des études réalisées avec des normes européennes, avec des plates-formes agréées en Europe ».

Ce qui devrait être effectif en 2018, 2020. « Dans ce domaine, on s’oriente maintenant de plus en plus vers l’utilisation de cellules allogéniques (provenant d’un donneur différent) » relève Christian Jorgensen. C’est en effet une technique beaucoup plus simple en termes de logistique et de traitement. Il est ainsi possible d’utiliser des cellules congelées pendant un certain temps. De plus, une production de cellules mésenchymateuses est très coûteuse en termes de contrôle qualité, car elle doit respecter les « good manufacture practice ». Coûts qui sont réduits si l’on peut pratiquer l’opération sur un seul donneur au lieu de la répéter sur chaque patient.

Ultime avantage des cellules mésenchymateuses, elles ne présentent pas de problème de compatibilité HLA, car ce sont des cellules qui expriment très peu les HLA de classe 2. Il n’y a donc pratiquement pas de rejet avec ce type de cellules. On est dans l’attente de la fin des études en cours sur l’insuffisance cardiaque vers fin 2017, début 2018. Des travaux sur l’ischémie des membres inférieurs devraient aboutir en 2018. Des données sur l’efficacité de ce type de thérapie dans l’arthrose lombaire devraient également être obtenues à la fin de cette même année. « Jusqu’à présent, aucune complication n’a été rapportée avec ces cellules », fait valoir le spécialiste.

Cependant, il s’agit de produits nouveaux, qui doivent être fabriqués dans des conditions précises de qualité, et leur efficacité doit être évaluée au cours d’essais bien menés, durant deux, trois ans. Le fait que les résultats soient encore peu nombreux s’explique, selon lui, par la lourdeur des réglementations européennes. « Un essai clinique nécessite au moins deux ans pour le montage réglementaire, puis l’essai lui-même dure deux ans, soit quatre ans en tout ». Il s’agit en effet de cellules médicaments, qui cumulent les contraintes attachées aux médicaments et celles attachées aux cellules thérapeutiques, avec tous les contrôles qualité nécessaires.


Dr Alain Dorra