Depuis quelques jours, certains médecins généralistes, notamment des présidents de commission paritaire locale (CPL), reçoivent des mails provenant de leur Caisse primaire d'Assurance maladie (CPAM) pour les informer du lancement imminent d'une nouvelle « campagne nationale MSO/MSAP » pour traquer les « forts prescripteurs d'arrêts de travail ».
« Cette campagne s’inscrit dans le contexte d’une très forte dynamique d’évolution de la dépense sur le poste des indemnités journalières », peut-on lire dans un mail de la CPAM de la Mayenne. Elle s'inscrit également dans le plan contre la fraude sociale annoncé fin mai par le gouvernement.
Hausse des dépenses d'indemnités journalières
Dans son rapport annuel, la Cour des comptes s'inquiétait, en effet, d'une hausse importante (+13,7 %) des dépenses d'indemnités journalières entre 2021 et 2022. « Les indemnités journalières (IJ) hors covid (15 Md€) constituent le poste de dépenses le plus dynamique de l’enveloppe soins de ville par rapport à 2021 (1,1 Md€, + 7,9 %) », écrivait-elle.
Et si selon les sages de la rue de Cambon cette augmentation s'expliquait en partie par la hausse des salaires et par le Covid, ils estimaient que ces deux facteurs n'en étaient pas l'unique cause.
Sans sommation
Dans ce contexte, l'Assurance maladie met donc les bouchées doubles et décide, dans le cadre de sa nouvelle campagne de procédure de « Mise sous objectif (MSO) » et de « Mise sous accord préalable (MSAP) », de supprimer la procédure d'entretien d'alerte préalable.
Cette pré-procédure permettait aux médecins d'être préalablement informés en cas de prescriptions d'indemnités journalières « anormalement élevés ». Les médecins contactés disposaient ainsi d'un délai pour tenter de revenir dans les clous.
Désormais, il n'y aura plus de sommation et les médecins concernés recevront « directement une proposition de MSO, assortie d’une période contradictoire d’un mois au cours de laquelle un échange avec la Cpam pourra être organisé à la demande du médecin », informe la CPAM de la Mayenne.
Pour rappel, un médecin identifié comme ayant une « activité de prescription d'arrêt de travail anormalement élevée », qui accepte la procédure MSO, s'engage à « atteindre un objectif de réduction de ses prescriptions dans un certain délai ».
« À l’issue de cette période, et en cas de refus de la MSO, la commission des pénalités pourra être sollicitée pour rendre un avis sur la mise en place d’une MSAP », poursuit la caisse.
Sanctions à l'aveugle
Pour le Dr Franck Devulder, président de la CSMF, la suppression de la procédure d'entretien d'alerte préalable est « inadmissible ».
« Je ne dis pas qu'il ne faut pas sanctionner, s'il y en a, les médecins qui trichent et qui délivrent des arrêts de travail facilement. Mais sanctionner à l'aveugle, sans essayer de chercher les causes et comprendre les raisons de cet écart, n'a vraiment aucun sens. Il ne faut pas oublier que les médecins ont tous des patientèles bien différentes ! »
Dans un communiqué de presse, l'organisation syndicale appelle « l'ensemble des médecins à refuser la procédure MSO qui revient à reconnaître des prescriptions abusives d'arrêt de travail et à se faire accompagner d'emblée par un de nos représentants CSMF dans le cadre de la procédure MSAP ».
Depuis la mi-juin, plusieurs médecins ont déjà été contactés par l'Assurance maladie puis mis sous objectif. Dans le département de la Mayenne, 6 médecins sont concernés par cette procédure.
Sur les réseaux, les témoignages de médecins sous le coup de procédure MSO sont nombreux :
Ça y est, les menaces de MSO sont tombées sur le canton.
— Mary Putnam (@DrMaryBzh) June 14, 2023
Il ont choisit la jeune MG maman débordée en pré-burn out.
Elle bosse bcp, donc démit statistique évident, elle va devoir le payer. Bravo la CPAM !
Au final, la seule chose positive de cette demande de MSO, c’est le soutien des collègues et leurs aides 1/
— Docdu22 (@Docdu22) June 13, 2023
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