C'est fois, les lignes bougent et la reprise des discussions entre l'Assurance-maladie et les praticiens libéraux se rapproche à grands pas. Le ministre de la Santé Aurélien Rousseau a annoncé ce week-end qu'il allait officiellement relancer les négociations conventionnelles avec la profession, en conflit dur avec le gouvernement, en adressant ce 17 octobre sa très attendue lettre de cadrage fixant la feuille de route de ces pourparlers.
« Mardi, j’adresserai au directeur général de l’Assurance-maladie la lettre de cadrage contenant les lignes directrices de la négociation conventionnelle avec les médecins. Elle sera beaucoup plus courte, avec moins d’objectifs », a déclaré Aurélien Rousseau dans un entretien à Ouest-France paru ce dimanche.
Pas de surdité, clame le ministre
La reprise des discussions intervient dans un climat conflictuel. Les médecins, à l'appel d'une large intersyndicale réunissant toutes les organisations représentatives (Avenir Spé-Le Bloc, CSMF, MG France, FMF, SML, et UFML-S) mais aussi les jeunes, ont entamé vendredi dernier un mouvement de grève nationale reconductible, en amont de ces négociations et de l'examen au Sénat de la controversée proposition de loi Valletoux sur l'accès aux soins. La grève devait se poursuivre au moins jusqu'à ce lundi soir, avant une réunion des syndicats pour décider sur la suite de la stratégie.
« Il n’y a aucune surdité de ma part à ce qui se passe », a plaidé le ministre de la Santé dans Ouest-France en confirmant renoncer au contrat d'engagement territorial (CET), qui avait hérissé les médecins cet hiver et conduit à l'échec des négos. Ce contrat prévoyait de formaliser divers engagements (gardes, travail le samedi, patients supplémentaires, etc.) en contrepartie de l'accès à des tarifs supérieurs de consultation (30 euros pour les généralistes). « Il n’y a pas de doute pour moi sur le fait que l’engagement territorial des médecins est en marche. Il y a près de 80 % de la population qui est couverte par une CPTS (...) Je ne renonce pas du tout à cette notion d’engagement territorial, mais je pense qu’elle n’a pas nécessairement besoin de la démarche conventionnelle pour progresser d’elle-même », temporise Aurélien Rousseau.
Dans l'entourage du ministre de la Santé, on confirme ce lundi au Quotidien la volonté d'écoute de Ségur. « Le ministre a entendu les revendications portées par les médecins en grève. Il est difficile de ne pas l'entendre tant il est œcuménique et porté par l'ensemble des organisations syndicales. Ce mouvement n'est pas neutre dans le calendrier qui est le nôtre ».
Mobilisation très variable selon les secteurs
L'intervention d'Aurélien Rousseau tombe à point nommé. Selon l'intersyndicale des grévistes, la mobilisation des médecins libéraux a été « très importante ce vendredi 13 octobre avec un taux de participation estimé à plus de 60 %, atteignant jusqu’à 90 % dans certaines régions », avance-t-elle ce lundi. « De nombreuses réquisitions organisées dès jeudi soir par les préfectures ont eu lieu dès vendredi 13 au matin, témoignant du rôle essentiel, mais souvent non reconnu des médecins libéraux dans l’accès aux soins urgents et non urgents », complète-t-elle.
La mobilisation a en réalité été très variable, selon les premiers retours. « À Paris le mouvement n'est pas très suivi mais en province, énormément se sont arrêtés », confirme le Dr Philippe Cuq, coprésident d'Avenir Spé - Le Bloc et porte-parole de cette intersyndicale. Le Dr Jean-Christophe Nogrette, secrétaire général adjoint de MG France, a estimé de son côté à 60 % la part de grévistes, avec « les plus actifs en Rhône-Alpes, dans le Grand Est ou le Nord ». « Ce qui est surtout historique c'est que tous les syndicats, sans exception, appellent à la grève », s'est-il réjoui.
Dans le Maine-et-Loire, Olivier Leroy, responsable d'un collectif intersyndical, cité par l'AFP, a recensé « 400 grévistes sur 650 généralistes. Mais ici on est organisés ensemble depuis janvier, ce qui facilite les échanges, la prise de conscience collective » face à un « service de santé en perdition ». Frédéric Thibault, chirurgien urologue et président d'une CPTS dans le Val-de-Marne a constaté lui « une forte adhésion de principe » à la grève, mais une faible mobilisation, principalement liée à la surcharge de travail et aux délais d'attente que subissent les patients.
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