L’Assurance maladie avait annoncé la couleur : elle voulait une négociation « rapide voire très rapide ». Finalement, malgré des discussions pas toujours évidentes, la Caisse aura réussi à aboutir à la signature de l’avenant 9 avant la fin du mois de juillet, comme souhaité. Le directeur général de la Cnam, Thomas Fatôme, a exprimé sa « satisfaction, d'avoir abouti sur un avenant qui va permettre de mettre en place des mesures autour de quatre objectifs » : renforcer l’accès aux soins pour les publics prioritaires, mettre en place une réponse organisée pour faire face aux besoins de soins non programmés, consolider le parcours de soins et accompagner le virage numérique de la médecine de ville.
Il faut dire que les négociations avaient déjà échoué une première fois fin 2020, l’Assurance maladie avait alors renvoyé les discussions à l’après élection URPS, qui a eu lieu en avril. Avec un nouveau rapport de force entre les syndicats, les médecins libéraux attendaient avec impatience ces négociations conventionnelles, souhaitant voir l’aboutissement d’un Ségur de la ville. Finalement ce sont 786 millions d'euros qui auront été mis sur la table dans le cadre de cet avenant (dont 300 millions sur le numérique en santé).
Au menu de l'avenant 9 : visite à domicile, téléconsultation et téléexpertise, soins non programmés avec le SAS ou encore numérique en santé.
L’Assurance maladie souhaitant absolument aboutir à une signature et à la faveur de tractations de dernière minute, les syndicats auront finalement obtenu quelques avancées supplémentaires par rapport aux premières propositions de la Caisse.
4 VL par an, la téléexpertise à 20 euros
L’apport principal de ce texte pour les généralistes est la revalorisation de la visite. La visite longue et complexe (VL) de 70 euros est étendue aux patients de plus de 80 ans en ALD. Finalement, contrairement à la première version de l’avenant qui prévoyait qu’elle puisse être cotée trois fois par an, les syndicats et l’Assurance maladie se sont entendus sur un usage : une fois par trimestre (soit 4 par an) et par patient. Cette fréquence de recours à la VL s’applique également aux consultations à domicile pour les patients atteints de maladie neurodégénérative, et celles pour les soins palliatifs.
Côté télémédecine, l’avenant 9 entérine une revalorisation de la téléexpertise, la rémunération du médecin requis est portée à 20 euros (contre 12 actuellement), dans la limite de 4 actes par an, par médecin, pour un même patient.
Côté téléconsultation, pour éviter les dérives, « les partenaires conventionnels s’accordent pour considérer qu’un médecin conventionné ne peut pas réaliser plus de 20 % de son volume d’activité globale conventionnée à distance (téléconsultations et téléexpertises cumulées) sur une année civile », précise l’avenant. Pour les téléconsultations de médecine générale, la condition de consultation en présentielle dans les 12 mois précédant la téléconsultation est supprimée. Il est aussi possible de déroger au « principe de territorialité » : pour les patients qui n’ont pas de médecin traitant dans les zones sous-denses ou lorsqu’ils sont orientés par le régulateur du Services d’accès aux soins (SAS) « en cas d’échec d’une prise de rendez-vous sur le territoire ».
90 euros l'heure pour la régulation libérale
L’accès aux soins non programmés (SNP), avec le déploiement du SAS, sujet prioritaire pour le ministère, était également un point majeur de ces négociations. La participation des médecins à la régulation libérale est valorisée à hauteur de 90 euros l’heure, avec une prise en charge des cotisations sociales pour les médecins en secteur 1. Côté effection, la rémunération sera assurée dans le cadre du forfait structure. 1 400 euros par an sont prévus pour la participation à un dispositif de prise en charge des SNP, conditionnés au fait d'être inscrit dans le dispositif SAS ou d'être dans une CPTS qui y participe, et d'avoir un agenda ouvert au public pour la prise de rendez-vous en ligne, ou partagé avec le régulateur. En plus de ce volet participation, pour la réalisation des actes, le barème de points s’étalera sur cinq paliers. Un médecin effecteur recevra 10 points pour 5 à 15 actes de soins non programmés sur le trimestre, 30 points de 16 à 25 actes, 50 points de 26 à 35 actes, 70 points de 36 à 45 actes, et 90 points au-delà de 45 actes. Dans l’avenant, l’assurance maladie précise qu’elle « s’engage à étudier la faisabilité d’un versement trimestriel de cette rémunération sans attendre le paiement annuel du forfait structure ».
Des nouveaux indicateurs pour l'usage des téléservices
Dans le cadre du volet numérique en santé, une révision du forfait structure était aussi prévue pour inciter à l’usage et au développement des services numériques. L’assurance maladie souhaitait intégrer ces nouveaux items au volet 1 du forfait structure, qui conditionne son versement. Devant la levée de boucliers des syndicats, ces indicateurs seront finalement dans le volet 2. Il s’agit donc de l’utilisation et l’alimentation du DMP (20 % de consultations dans l’année ayant donné lieu à une alimentation), de la messagerie sécurisée de santé (5 % des consultations comprenant un échange par mail sécurisé avec un patient), des e-prescriptions (50 % des prescriptions de produits de santé), et de l’application carte Vitale (taux de 5 % des FSE réalisées avec l’application carte Vitale). Même si ces indicateurs d’usage des téléservices sont pour l’instant intégrés dans le volet 2, l’assurance maladie précise qu’ils ont « vocation à être transférés dans le volet 1 dans la nouvelle convention de 2023 ».
Pour inciter les médecins à remplir le Volet de Synthèse Médicale (VSM) dans le cadre du DMP, un nouveau forfait a aussi été créé. Il s’élèvera à 1 500 euros pour le médecin traitant pour 50 % de VSM élaborés pour ses patients en ALD et 3 000 euros pour 90 %. Une majoration de 20 % est prévue si plus d'un tiers des VSM alimentés sont au format structuré.
Des syndicats divisés
Côté syndicats, les positions sont divisées. La CSMF, Avenir Spé - Le Bloc et MG France ont signé l'avenant 9. L'Assurance maladie y voit le signe « d'une adhésion large », « puisqu'il faut 30 % pour que l'avenant soit adopté et que ces trois syndicats représentent 54 % des votants lors des dernières élections pour les MG et 61 % chez les spécialistes », souligne Thomas Fatôme.
En position de force, le syndicat numéro un chez les généralistes libéraux, MG France, a défendu un texte, « beaucoup plus équilibré, avec une disparition des contraintes et de vraies revalorisations, notamment la visite à domicile, très importante pour nous », comme l'explique au Généraliste Dr Jacques Battistoni, président du syndicat, en sortant de la réunion avec la Cnam. « Cet accord va dans le bon sens. Un exemple : la messagerie sécurisée avec les patients. On s’adapte au monde moderne, il n’y a pas que la consultation, on vit avec notre temps ».
Chez les Généralistes-CSMF, 93 % des adhérents ont voté en faveur de l’avenant, avec certes « d’énormes réserves sur le volet de synthèse médical dans le DMP et le SAS », comme le racontait au Généraliste Dr Luc Duquesnel en amont de la signature. Mais, selon le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, il s’agissait surtout d’adopter « des mesures de revalorisations tarifaires significatives comme la visite à domicile », même si « ce n’est clairement pas à la hauteur » de leurs attentes et que les négociations se sont déroulées de manière « catastrophique ». Pour le néphorologue, « à l’issue d’une négociation, le verre est toujours à moitié vide et plein, mais ce n’est qu’un avenant. En 2023, nous aurons une nouvelle convention à écrire ».
Un grand pôle d'opposition libérale
La FMF n'est a priori pas favorable au texte, qu’elle qualifie de « fourre-tout » dans un communiqué, mais n'a pas encore réuni son CA pour décider de la signature. Pour le syndicat présidé par Dr Corinne Le Sauder, « les sommes allouées ne correspondent pas à un réel investissement dans la médecine libérale ». Pire encore, l’avenant « va à l’encontre de la simplification souhaitée par tous les médecins et ne répond pas à l’exercice » de la majorité des libéraux.
C’est ce que pense également le SML, lequel a indiqué dans un communiqué « prendre ses responsabilités » en ne signant pas « une énième rustine conventionnelle, alors que la profession attendait une nouvelle convention ». Le syndicat présidé par Dr Philippe Vermesch a annoncé qu'il construira un « grand pôle d’opposition libérale avec la FMF et l’UFML-S pour porter des idées dans le cadre de l’élection présidentielle 2022 et convaincre de l’urgence d’un aggiornamento conventionnel ».
Le Dr Jérôme Marty déclare sans « surprise » ne pas signer l’avenant 9 car son syndicat, l’UFLM-S, « ne reconnaît pas la convention », ni le contenu proposé par l’Assurance maladie, qui traite, selon lui, les médecins libéraux avec « mépris ». Il s’insurge de la « marche forcée vers les CPTS », les « quatre visites par an, déconnectées de la réalité » et la « téléconsultation par téléphone non rémunérée » notamment. Il est cependant enthousiaste à l’idée du pôle d’opposition qui sera « une force polycatégorielle pour aller chercher des négociations conventionnelles avant la présidentielle… car il y a urgence ! »
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