Comment sortir par le haut du débat sur les coûts des innovations ? La question est aujourd’hui au centre des réflexions du LIR (Laboratoires Internationaux de Recherche), un think tank dont Jean-François Brochard a pris récemment la présidence. « On a un positionnement d’agitateurs d’idées. Et on regrette un peu l’immobilisme qu’on perçoit dans notre système de santé, » explique celui qui est aussi le président de GSK France. « Le grand défi est de savoir comment passer de la prise en charge de maladies aiguës à celle de pathologies chroniques, » poursuit David Setboun, président de Biogen et vice-président du LIR. À cette fin, ce groupe de réflexion, émanation de l’industrie pharmaceutique, a donc fait parvenir aux différentes écuries présidentielles des propositions de réforme pour le système de santé.
À la clé, près de 20 milliards d’euros d’économies avancées, en s’inspirant des expériences à l’œuvre chez nos voisins. Et, surprise ! La plupart passeraient par la case généraliste, via un recentrage du système sur les acteurs de soins primaires et une vaste redéfinition des règles de rémunération et d’exercice de celui que l’on présente depuis des années comme le « pivot » du système de soins.
Doubler la ROSP et tripler les MSP
Mais comment faire ? Les experts du LIR suggèrent de mettre l’accélérateur sur la réforme de la rémunération du généraliste. Et de suggérer que celle-ci comprenne rapidement 20 % de paiement à la performance, ce qui représenterait un quasi-doublement de la part de la ROSP dans les émoluments du médecin de famille. Le principe de la rémunération sur objectifs serait par la même occasion généralisé à l’ensemble des acteurs de santé via des « contrats de résultats en santé publique » en s’inspirant d’une dynamique suédoise.
Logique forfaitaire toujours, en proposant aux généralistes de gérer la gestion d’une enveloppe pour 50 % de leurs patients chroniques. Le think tank a fait ses comptes et estime que moyennant un intéressement de 100 € par an et par patient chronique pour que le praticien pilote cette gestion, une économie de l’ordre de 4 % du coût de ces pathologies est envisageable, soit 1,5 milliard d’euros de dégager chaque année… Ce « forfait ambulatoire » est en effet inspiré de nos voisins britanniques et allemands.
Pour la médecine générale, le remembrement ne s’arrêterait pas là. La feuille de route du LIR prévoit la création de « 3 000 structures collectives de soins de premiers recours pluriprofessionnelles ». Qu’elles soient de type Centres de santé salariés ou Maisons de Santé Pluriprofessionnelles, peu importe, pourvu qu’elles permettent une prise en charge plus importante et plus efficace en ambulatoire des pathologies chroniques courantes. Évidemment, ces nouvelles structures coûteraient cher. Le LIR ne fait pas l’impasse sur la facture qu’il chiffre à 1 milliard d’euros dont la moitié de financement public. Mais ses experts estiment que si cela devait permettre d’économiser 5 % des dépenses hospitalières des patients chroniques, il y a gros à économiser : plus de 2 milliards d’euros…
Transférer l'activité de l'hôpital vers la ville
Utopique ? Le think tank rêve d’aller plus loin, via la suppression de 15 à 20 % des lits hospitaliers et des postes et dépenses afférentes. Bingo ! C’est près de 6 milliards supplémentaires qui seraient dépensés en moins, si la ville prenait cette activité à l’hôpital. Et c’est possible, soutiennent les experts, moyennant la création de « plateformes territoriales d’information, de prévention et de coordination des soins de longue durée. »
Mais ce n’est pas tout… pourquoi ne pas développer davantage la prise en charge des urgences en médecine générale ? Le LIR soutient que 50 % des urgences des hôpitaux pourraient être assumées en ville. Comment ? Dans des MSP avec plateau technique ou en multipliant les MMG adossées à des cabinets de radiologie. Pour mieux convaincre de son réalisme, le rapport rappelle que la Suède a ainsi monté des cliniques gérées par la médecine ambulatoire. Economie potentielle chez nous : 280 millions d’euros.
Vers un binôme généraliste-infirmier
Le nouveau visage de la médecine générale française passerait aussi par un recentrage de ses activités sur les actes à haute valeur ajoutée, comme Outre-manche. L’idée est que dans un délai de cinq ans, la moitié des généralistes travaillent avec un personnel ou collaborateur infirmier au sein d’une même structure. Cela supposerait de créer une nouvelle profession - «assistant infirmier en médecine générale »- permettant au médecin d’optimiser ses interventions : un objectif indispensable, selon les auteurs, qui rappellent que le point le plus bas de la démographie médicale se produira en 2022… Gain escompté : moyennant une enveloppe de 10 000 euros par médecin généraliste, 1,1 milliard pourrait ainsi être dégagé, sur la base de 50 % des généralistes engagés dans le process et de 50 % des patients chroniques pris ainsi en charge…
Dernière audace du LIR pour désengorger l’hôpital : « rendre gratuite la consultation du médecin traitant » tout en révisant les participations financières à l’hôpital. Le but est que le patient n’ait plus un avantage comparatif à se rendre à l’hôpital. Le LIR a chiffré à 2 milliards d’euros le prix pour la collectivité de cette générosité. Mais il rappelle que la consultation hospitalière coûte en réalité beaucoup- plus cher que celle du généraliste.
Ce sont les principales audaces du LIR, mais pas les seules. Son rapport suggère notamment le regroupement des laboratoires de biologie, le déremboursement des médicaments à prescriptions facultatives ou la création de programmes d’éducation thérapeutique pour les patients, à adhésion obligatoire…
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