Près de trois semaines après la publication d’un rapport sévère de l’Inspection générale des affaires sociales(Igas) qui épinglait le manque de productivité des centres de santé – et dans lequel s’est engouffrée la CSMF pour condamner le modèle économique de ces anciens dispensaires – la Fédération nationale des centres de santé (FNCS, gestionnaires) et l’Union syndicale des professionnels des centres de santé (USPCS) montent au créneau pour répondre aux critiques.
Alors que la CSMF avait ironisé dans la foulée sur l’existence d’un salariat « planqué » pendant que la médecine libérale, elle, « cravache », cette critique ne passe pas. « Nous nous inscrivons en faux contre l’ensemble de l’argumentaire fallacieux du président de la CSMF », tonne le Dr Frédéric Villebrun, coprésident de l’USPCS.
Précarité et zones sous-denses
Primo : le rappel du contexte local. « La majorité des centres de santé sont implantés en zones sous-denses et consolident l’offre de soins territoriale en réalisant des prestations délaissées ou peu prisées par les professionnels de santé libéraux », insistent les médecins et les gestionnaires des centres dans un communiqué commun publié ce lundi. Difficile donc de comparer ce qui n’est pas toujours comparable.
Secundo, le degré de précarité sociale de la patientèle est « nettement plus élevé en centre de santé pluriprofessionnel qu’en exercice libéral au niveau national », insistent les avocats de ces structures. Le taux moyen national global de la patientèle des centres de santé associant C2S (complémentaire santé solidaire) et AME est de 18,2 % contre 10 % pour le libéral. Un quart des centres ont un taux supérieur ou égal à 25,2 % et 10 % ont un taux supérieur ou égal à 33,6 % ! Là encore, difficile de comparer la productivité quand les profils de patientèle ne sont pas équivalents.
Patientèle comparable
Mais surtout, selon les gestionnaires et les praticiens des centres de santé, la patientèle de médecine générale par équivalent temps plein (ETP) des généralistes salariés des centres serait en réalité « comparable » à celle des généralistes libéraux. Le ratio médian de la file active de patients suivis en médecine générale/ETP en centre de santé est de 1 481 patients en 2022 contre 1 556 patients par médecin généraliste libéral. « Cela impliquerait une file active des centres de santé inférieure de seulement 5 % par rapport aux médecins généralistes libéraux, si et seulement si ceux-ci travaillaient en moyenne 35 heures/semaine », avancent-ils. Comme les généralistes libéraux travaillent 54 heures hebdomadaires en moyenne (dont 44 h 30 en consultation), la file active des centres de santé est donc « au moins comparable si ce n’est supérieure à celle des médecins généralistes libéraux », calculent leurs défenseurs.
In fine, gestionnaires et médecins jugent que l’Igas « commet des contresens » en pointant du doigt la productivité des centres de santé et des généralistes qui y travaillent. « La productivité est un indicateur inadapté et réducteur en santé : la qualité de prise en soin des patients ne s’évalue pas au nombre d’actes réalisés, mais au service médical rendu et à sa pertinence. Les patients des centres de santé sont plus précaires et requièrent des temps de consultation plus longs », insistent-ils.
Déficit d’accompagnement
Au-delà des bisbilles syndicales et des comparaisons difficiles, le Dr Frédéric Villebrun, au nom de ses confrères salariés des centres de santé, préfère voir le verre à moitié plein dans le rapport critique de l’Igas. De fait, le document souligne l’urgence de faire évoluer le modèle de financement des centres de santé et d’obtenir un meilleur accompagnement des tutelles – agences régionales de santé et caisses primaires.
L’objectif serait à cet égard un juste financement des « missions de service public » et des « engagements populationnels » des centres de santé « dans le cadre d’un nouveau modèle économique », insistent la FNCS et l’USPCS. Une rémunération à la capitation alternative à l’acte pourrait aussi être mise en place dans les centres de santé volontaires dont l’organisation est fondée sur une équipe traitante identifiée. Or, aujourd’hui, le financement des centres de santé repose pour une part encore très majoritaire (80 %) sur des actes négociés et pensés pour une activité libérale, déplorent les gestionnaires et les praticiens des centres.
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