Les territoires pour sortir de cette période noire ? Jeudi matin, médecins, conseillers ordinaux et parlementaires étaient conviés au siège du Conseil national de l’Ordre des médecins à Paris (CNOM) pour un débat sur le rôle joué par les territoires dans l’amélioration de l’accès aux soins. L’occasion de mettre en lumière certains exemples d’initiatives concluantes mais également d’évoquer certains freins.
« Nous commençons à avoir tous le même constat (...) Nous allons devoir engager une réforme structurelle profonde de notre modèle d’organisation de l’accès aux soins. Celle-ci ne devra pas se faire à partir de modèles normés nationaux mais bien à partir de responsabilités partagées sur les territoires, a affirmé en préambule le président de l’Ordre, le Dr Patrick Bouet. C’est en construisant des projets de santé territoriaux, en les animant, et en leur permettant de vivre que nous pouvons trouver aujourd’hui de nouvelles réflexions, de nouvelles méthodes organisationnelles qui nous permettent d’assurer cette priorité : garantir à tous les citoyens d’accéder à des soins de qualité, de proximité, dans une équipe harmonisée, organisée ».
Une voie sur laquelle l’Ordre s’est engagé en publiant, en juin, un Observatoire des initiatives dans les territoires répertoriant des « solutions nées du terrain apportant des réponses concrètes et efficaces dans les territoires de proximité ».
Renforcer l’attractivité des territoires
Convaincu que la réponse aux problèmes actuels du système de santé passe effectivement par l’implication des professionnels de santé des territoires, Julien Borowczik, médecin généraliste et député de la Loire a rappelé la nécessité de redonner de l’attractivité aux territoires. Laquelle doit s’accompagner également d’une simplification du travail des professionnels de santé. « Ce qu’on a perdu ces dernières années, c’est du temps médical », souligne le député médecin.
« On parle de déserts médicaux mais là où il n’y a pas de médecins, il n’y a en général pas grand-chose. On ne peut pas séparer l’attractivité médicale et celle des territoires », abonde Véronique Guillotin, sénatrice de Meurthe-et-Moselle et médecin. Néanmoins, la sénatrice prévient : « On ne peut plus résoudre les problèmes de la désertification médicale aujourd’hui avec les solutions d’hier. Il n’y aura plus un médecin par ville et les élus doivent également le comprendre ».
Une harmonisation des politiques locales est également nécessaire. Si le Dr Stéphane Pinard, généraliste à Belle-Île-en-Mer, assure n’avoir eu aucun frein en Bretagne pour son projet de pôle de santé (pour lequel il a remporté un Grand Prix du Généraliste en 2017, ndlr) composé de 9 généralistes et 13 spécialistes, il confie en avoir rencontré dans la région Centre, où il avait initialement prévu d'installer ce projet.
Les retraités prêts à reprendre du service, à certaines conditions
Autre piste pour renforcer l’attractivité de certains territoires : en finir avec la formule actuelle des études de médecines, selon Patrice Diot, doyen de la faculté de médecine de Tours. « Les études médicales sont encore aujourd’hui un carcan entre deux concours extrêmement difficile », note-t-il. Le doyen se félicite ainsi de la réforme du troisième cycle qui « donne la possibilité de sortir d’une formation excessivement hospitalo-centrée ».
Pour le Dr Jackie Ahr, un autre problème se pose : celui de la cotisation à l’URSSAF et à la CARMF des médecins retraités : « Il suffirait que demain l’État décide que les médecins retraités qui acceptent de retravailler trois jours par semaine soient exonérés de l’URSSAF et de la CARMF et à ce moment-là, on récupère 4 000 à 5 000 médecins directement sur le terrain », a-t-il affirmé, sous les applaudissements de plusieurs confrères… « Il y a eu une avancée dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale (LFSS), qui a augmenté les seuils de 12 000 à 40 000 euros annuels pour le cumul emploi-retraite. Probablement qu’il faut aller plus loin et le bon vecteur sera la prochaine LFSS. Je suis favorable à ce qu’on augmente encore les seuils », a déclaré Thomas Mesnier, député urgentiste et auteur d’un rapport sur la prise en charge des soins non programmés remis à Agnès Buzyn en mai dernier.
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