Antoine Perrault est maire de Saint-Julien-sur-Sarthe (Orne) depuis 25 ans. La semaine dernière, il faisait partie des édiles qui ont pu interroger le chef de l’État, lors du lancement du Grand Débat National. Également généraliste sur la commune voisine du Mêle-sur-Sarthe, il n’a pas manqué d’interpeller Emmanuel Macron sur la démographie médicale et de formuler une proposition choc : obliger les remplaçants à s’installer au maximum cinq ans après leur thèse. Il revient pour Le Généraliste sur cette intervention remarquée.
Pourquoi avoir décidé d’interroger Emmanuel Macron sur ce sujet ?
Les problèmes de la démographie médicale, je vis ça depuis tellement longtemps. J’ai fait 40 ans de médecine, j’ai eu des responsabilités ordinales, syndicales, j’ai été vice-président de mon département pendant 23 ans et ça fait 25 ans que je suis maire. Je suis jeune retraité depuis deux mois et il y a quelques années j’avais réussi à trouver une jeune associée mais pas de successeur. Quand il y a quelques années, certains ont eu la bonne idée de se dire : diminuer le nombre de médecins est une formidable manière de faire baisser les dépenses de santé, nous sommes passés de 8 500 médecins formés à 3 500. Aujourd’hui nous revenons sur le numerus clausus, mais les effets de la suppression ne vont pas être immédiats, il faut des mesures d’urgence.
Quels types de mesures d’urgence ?
Il faut des mesures facilitatrices pour les anciens, car aujourd’hui les médecins qui continuent après la retraite n’y gagnent aucun avantage. Cela ne leur permet pas d’augmenter leur retraite. Je défends aussi l’idée que les remplaçants, trois ou peut-être jusqu’à cinq ans après leur thèse, soient obligés de s’installer. À mon époque, il n’y avait pas ce problème, directement après l’armée on s’installait.
Lors de votre intervention, vous êtes allés jusqu’à dire que « les remplaçants professionnels », avaient une éthique différente de la vôtre, qu’entendez-vous par là ?
Je ne veux pas dire qu’ils n’ont pas d’éthique. Mais si on se place dans l’optique d’un professionnel qui se destine à la médecine de famille de A à Z, les pieds dans la terre, ce n’est pas possible en voyant les gens une fois tous les deux mois, en exerçant une médecine en trait d’union. Il y a des milliers de remplaçants qui sont des remplaçants professionnels, il y a véritable problème d’engagement au service de la population. La nouvelle génération est également tentée par le salariat, ils veulent des congés payés, finir à 19 heures et ne plus faire du 8 h/22 h, être dans des maisons de santé, or toutes les maisons ne bénéficient pas des mêmes aides. À mon avis, il serait bénéfique de pouvoir faciliter un exercice mixte dans ces structures.
Malgré tout, la médecine a aussi besoin des remplaçants …
Bien sûr que les remplaçants sont utiles, il en faut. Mais lorsqu’ils écrivent leur thèse, ça leur prend bien trois ans et pendant toute cette période, cela constitue déjà un réservoir de remplaçants conséquent.
Beaucoup de vos collègues maires de petites villes militent aujourd’hui pour des mesures coercitives à l’installation. Avec votre double casquette, quelle position avez-vous par rapport à ces demandes ?
En tant qu’élu, dans les réunions, j’entends beaucoup de collègues qui ne connaissent pas vraiment la médecine et qui disent : pourquoi ne pas faire comme les pharmaciens et contraindre l’installation des médecins, après tout une partie de leurs études sont financés par l’État. Je leur rappelle que pendant une grande partie de leurs études, ils font fonctionner les hôpitaux en n'étant pas ou très peu payés et sans cotiser. Dans les départements ruraux, on couve nos étudiants pour qu’ils reviennent sur leurs terres mais le fléchage financier, les mesures incitatives ont un effet limité. Il ne faut pas non plus déshabiller Pierre pour habiller Paul. Nous avons fait venir beaucoup de médecins roumains mais aujourd’hui en Roumanie, il en manque et ils font venir des médecins chinois, on marche sur la tête. Il faut trouver des solutions rapides car aujourd’hui les déserts concernent tous les territoires, même les villes, et créer des postes d'assistants c’est bien, mais on peut faire mieux que ça.
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