Voilà une recommandation qui, si elle était appliquée, ne faciliterait guère les relations entre l’Assurance-maladie et les médecins libéraux ! Dans un rapport publié jeudi 2 mai, qui analyse la gouvernance et certaines fonctions de gestion de la Cnam, les Sages critiquent le pilotage stratégique de l’Assurance-maladie notamment en matière de contrôle des arrêts de travail exercé par le service médical.
Face à la croissance du montant des indemnités journalières (IJ) remboursées, le service médical a orienté son activité vers le contrôle de ces dépenses, les actions visant prioritairement à réduire les arrêts potentiellement non justifiés et à inciter les assurés à la reprise du travail. Des outils techniques ont été créés en ce sens : dématérialisation des arrêts de travail, généralisation d’un support unique pour toutes les prescriptions d’arrêt (maladie, ALD, AT-MP, maternité, décès d’un enfant ou d’une personne à charge), algorithme national (requête unique –RU), déployé hebdomadairement pour détecter les assurés dont l’arrêt de travail nécessite une analyse par le service médical, etc.
Accompagnement gradué des prescripteurs
Mais selon la Cour, ces actions restent « insuffisantes ». La dématérialisation atteignait à la fin 2021 seulement 59 % des arrêts de travail et 70 % en 2022. Le taux d’actions effectives suite au ciblage par la requête unique reste faible : 46,2 % alors que l’objectif est fixé à 70 %. Idem pour d’autres indicateurs, comme le taux des arrêts maladie contrôlés chez l’assuré avant 180 jours qui se situe à 57,3 % alors que l’objectif est à 80 %. Même insuffisance pour le taux d’arrêts de travail (risque AT-MP) contrôlés chez la personne avant 180 jours (38,9 % versus un taux attendu supérieur à 50 %). Enfin, le taux d’assurés vus par le service médical à 12 mois du fait générateur d’un arrêt de travail prolongé est de 68,2 % contre 90 % prévus.
Pour la Cour, la stratégie qui priorise l’action du service médical en direction des assurés devrait être revue – les « sages » recommandant de recentrer l’activité des praticiens conseils sur l’analyse des actes des confrères libéraux (ce que fait également la Cnam). Selon la Cour en effet, le passé montre que l’« accompagnement gradué » des médecins dans leur prescription d’arrêts de travail – depuis les échanges confraternels jusqu’à la mise sous accord préalable (MSAP), en passant par la mise sous objectif (MSO) – contribue à réduire les prescriptions d’IJ et permet à la Cnam de réaliser des économies significatives.
Des sanctions renforcées ?
Cette réorientation de l’activité des médecins-conseils nécessite des outils adaptés et une stratégie plus offensive. La Cour juge en particulier « nécessaire » le renforcement des sanctions prononcées car, à ses yeux, la « faiblesse » des pénalités « nuit à l’utilité du dispositif ».
Lors de la campagne 2018-2019, cite-t-elle, seuls 25 des 37 médecins sous MSO ont atteint l’objectif fixé. Et parmi les 12 autres, trois seulement ont subi des pénalités d’un montant compris entre 500 euros et 6 848 euros… Bref, la procédure ne serait pas assez dissuasive. Quant aux procédures de MSAP, leur mise en œuvre n’entraîne en définitive aucune sanction du médecin, ni des assurés, tacle la Cour.
Pour la rue Cambon la politique du service médical doit être « repensée dans un cadre plus global de gestion de la santé des salariés ». Les employeurs de leur côté devront agir « au travers des services de santé au travail » mais, aussi, ponctuellement, par le biais de leur propre capacité à faire contrôler les arrêts. Cette volonté de renforcer le pouvoir de contrôle des employeurs est partagée par le gouvernement. Ce dernier avait fait adopter une mesure dans le budget de la Sécurité sociale 2024, prévoyant la suspension automatique du versement des IJ à l'issue d'une contre-visite diligentée par l'employeur. Mais cette disposition décriée par les syndicats de médecins libéraux avait ensuite été retoquée par le Conseil constitutionnel.
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