Les résultats de notre enquête RCFR 2016

Cancer : généraliste et patient, un couple indissociable

Publié le 09/12/2016
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Dans la prise en charge du cancer, le partenariat et la décision médicale partagée entre praticiens et malades sont devenus incontournables. Notre enquête réalisée à l’occasion des RCFR 2016 renvoie l’image de médecins traitants à l’écoute et au diapason avec ceux qui les consultent.
Ouverture

Ouverture
Crédit photo : GARO/PHANIE

Près de 15 ans après la loi Kouchner qui a consacré le droit à l’information du patient, les généralistes semblent conjuguer au présent cette dimension dans leur travail quotidien. C’est en tout cas, ce qui prévaut largement dans leurs rapports avec leurs patients atteints de cancer, une pathologie qui a pourtant bien longtemps rimé avec secret. Notre enquête en ligne -dont les résultats alimenteront mardi les débats des RCFR 2016- montre en tout cas que la décision partagée est une dimension bien intégrée par les praticiens. Autant l’enquête effectuée l’an passé à la même occasion avait montrée que la place du généraliste  dans le parcours de soins de cancérologie était incertaine et plutôt vécue avec frustration, autant le volet 2016 renvoie l’image de professionnels bien dans leur rôle d’accompagnateurs du patient.

A commencer par l’annonce du diagnostic. Sur les 160 médecins traitants qui ont répondu, seuls une infime minorité préfère en effet ne pas dire la vérité aux patients : 4% admettent le faire souvent et 8% parfois. Ce qui signifie que cette attitude est littéralement bannie de la pratique de 9 généralistes sur 10. L’annonce d’un cancer a sa place, toute sa place, dans le colloque singulier. Et c’est la plupart du temps (52%) par oral que la mauvaise nouvelle est transmise, même si un généraliste sur cinq recours aussi à un document écrit pour bien expliquer la situation.
 

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L’enquête réalisée avec le Collège de la Médecine Générale et les organisateurs des RCFR suggère aussi que la révélation d’un cancer n’est pas si brutale qu’on pourrait l’imaginer. Dans bien des cas, c’est tout un travail de pédagogie qui se déroule en effet en amont. Si 8% des généralistes annoncent la possibilité d’une affection tumorale lors d’une seule séance de consultation, un grand nombre a évoqué cette probabilité avant. Par exemple en prescrivant un dépistage (63% des praticiens), en parlant d’antécédents familiaux (61%), en prescrivant des examens (60%) ou en évaluant les facteurs de risque du patient (49%). Quatre médecins sur dix prendront même plusieurs séances pour annoncer progressivement le diagnostic.

Discussion sur les stratégies thérapeutiques

Entre médecin traitant et patient, les pathologies cancéreuses sont d’ailleurs affaire de partenariat. Et c’est vrai particulièrement en aval de la découverte. Pour la quasi-totalité des répondants à notre enquête 2016, la discussion sur les stratégies thérapeutiques a toute sa place dans la consultation. Et la décision partagée avec le patient se conjugue sur ce mode dans la plupart des cabinets médicaux. Huit praticiens sur dix affirment « toujours » discuter avec son malade des différentes options de prise en charge ; et à l’opposé, ils ne sont guère que 5% à passer outre à cette échange de vues. Pour 57%, la démarche est d’ailleurs naturelle et à finalité presque pédagogique: il s’agit « d’intégrer et d’impliquer le patient dès le début dans son traitement ». 38% mettant plutôt en avant un impératif de démocratie sanitaire, s’agissant pour eux de « prendre l’avis de mon patient dans la décision ».
 

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Seul un petit quart des praticiens évoque cependant des arguments d’autorité pour juger bon de ne pas consulter tel ou tel patient, soit parce que « le patient n’a pas toutes les connaissances suffisantes », soit parce que « la décision que je propose est la meilleure pour lui dans l’état actuel des connaissances. » Le manque de temps n’étant au final pas un argument souvent retenu pour couper court à une discussion nécessairement longue et prenante.

Le patient atteint de cancer n’est pas simplement entendu par son médecin généraliste, il est aussi écouté. L’enquête RCFR/Collège de médecine générale suggère que, dans un nombre non négligeable de cas, ce qui est exprimé par le malade peut aboutir à une remise en cause de la décision thérapeutique adoptée. 56% des praticiens évoquent ainsi cette hypothèse en cas d’incertitude sur le résultat ou le pronostic, 39% si c’est un impact sur la qualité de vie qui est redoutée, 38% si le patient se montre inquiet sur son intégration dans un essai clinique et 32% s’il y a crainte d’effets indésirables.

Le dialogue, indispensable à l’observance et à l’éducation du patient

Au total, la décision partagée avec le patient semble complètement intégrée par les généralistes en cancérologie. Et pour justifier la pertinence de cette approche, les médecins mettent en avant son incidence bénéfique sur l’observance ou d’une manière générale sur l’éducation du patient. 93% s’accordent pour dire que la décision médicale partagée permet de « mieux impliquer le patient dans sa prise en charge et la gestion de sa maladie. » 69% qu’elle améliore « l’observance des traitements prescrits » et 54% qu’elle est une occasion pour « éduquer le patient sur sa maladie »

C’est tout dire de l’importance du relationnel dans la prise en charge du patient en médecine générale, même dans un domaine aussi technique que la cancérologie. Ils sont à l’inverse très peu dans l’enquête à motiver cette cogestion avec le patient par le souci de se prémunir de suites légales : « respecter la loi » (16%), se « protéger médico légalement « (13%) ou « se décharger d’une responsabilité » (1%).

Reste que les médecins généralistes pratiquent la décision partagée un peu comme Monsieur Jourdain faisait de la prose : seuls 20% ont en effet suivi une formation à la décision partagée. Un taux sans doute optimiste, compte tenu du fait que notre échantillon de répondants rassemble sans doute les plus motivés par cette approche… 
 

Paroles de généralistes

• «  Il faut toujours un travail d'équipe avec IDE / PSYCHO … D’où l’intérêt des MSP ! »

• « Chaque cas est particulier et unique. »

• « Avoir la confiance du patient est nécessaire et indispensable. »

• «  Si un patient veut très fort quelque chose ou le refuse après informations, je me plie toujours à sa décision, le patient est maître de sa vie même dans le cadre d'un cancer. »

• « Rien ne peut se faire sans le malade l'impliquer dans la décision thérapeutique est  primordial. »

• « Ne jamais oublier l’humanité du patient. »

• « Pas facile de trouver des DPC de formation des généralistes sur les thérapies ciblées ou l'immunothérapie nouveaux traitements des cancers. »

• « Comme toujours ....chaque cas est particulier et c'est au médecin de s'adapter. »

• « Tous les cancers sont loin d'avoir la même problématique... autant en pronostic, en thérapeutique, en risques sur la qualité de vie, et quant à la possibilité de guérison… Il faut vraiment adapter à chaque patient et pour chaque diagnostic... »

• « L’envoi par les équipes d’une fiche avec les effets secondaires et attentes de traitement proposés seraient bénéfiques pour le partage de la prise en charge concertée des patients. »

• « Il est exceptionnel que je prenne une décision partagée avec un patient en cancérologie : les décisions sont prises pendant les RCP, entre spécialistes, et "ordonnées" aux patients par ces spé qui éventuellement me mettent au courant. Je suis réduit à parfois commenter les décisions, de loin, sans position d'acteur. »


 

Qui a répondu ?

La file active des patients atteints de cancer semble toujours importante en médecine générale. Lors de l’enquête de l’an passé, 7 généralistes sur 10 estimaient d’ailleurs que cette pathologie avait pris une place accrue dans leur activité ces dernières années. Dans le questionnaire 2015, on estimait à plus d’une quinzaine les patients atteints de cancer dans la clientèle de 60% de généralistes. Selon les résultats 2016 un cabinet sur deux compterait entre 5 et 10% de malades du cancer dans sa patientèle, un tiers en avançant moins de 5% et un cinquième plus de 10%.

Les 160 répondants à notre enquête (en ligne sur legeneraliste.fr du 16/11 au 1/12) étaient par ailleurs un sur deux (54%) à exercer en zone urbaine, le reste se répartissant à peu près à parts égales en rural (21%) ou en semi-rural (25%). Parmi les participants, les plus de 60 ans étaient les plus nombreux (42%), suivi des 51-60 ans (33%), des moins de 40 ans (15%) et des 41-50 ans (10%). Enfin, notre échantillon comportait 56% d’hommes et 44% de femmes, soit une surreprésentation de celles-ci par rapport à la moyenne de la profession.

 

 

Les résultats de notre enquête RCFR 2016
Paul Bretagne

Source : lequotidiendumedecin.fr