Le 1er janvier 2023, l’obligation de certification périodique des professionnels de santé est entrée en vigueur. Les médecins généralistes déjà en exercice ont neuf ans pour se faire certifier, ils ont donc le temps. Heureusement… car les textes qui précisent le fonctionnement, le contenu, etc. de la certification prennent aussi leur temps à sortir.
Concrètement, que sait-on déjà et que reste-t-il à définir ? Le Généraliste fait le point.
➔ Ce que l’on sait déjà
• Sur la gouvernance
Après l’ordonnance de juillet 2021, qui définissait les grands objectifs de la certification, en décembre, un arrêté ministériel a nommé le Pr Lionel Collet à la tête du Conseil national de la certification périodique (CNCP) de santé.
Il aura ensuite fallu attendre mai 2022 pour voir paraître le décret sur la composition et le fonctionnement du CNCP. Le CNCP est composé d’une instance collégiale et de commissions professionnelles. La première, composée de 27 membres et présidée par le Pr Collet, fixe les orientations scientifiques. Les sept commissions professionnelles, une pour chaque profession, s’assurent de leur déclinaison.
En septembre dernier, un arrêté est paru pour désigner les membres de l’instance collégiale du CNCP. Les membres des commissions professionnelles, 25 maximum pour chacune d’entre elles, attendent encore leur nomination officielle. Même si, comme l’explique le Pr Paul Frappé, président du Collègue de la médecine générale (CMG), les membres sont déjà connus. « Pour la commission des médecins, un peu plus de la moitié des membres sont des généralistes », explique-t-il.
• Sur l’élaboration des référentiels
La nomination des membres des commissions est attendue puisque, pour chaque spécialité, ce sont les CNP, donc le CMG pour la médecine générale, qui vont définir le référentiel exigé pour chaque discipline. « Pour la spécialité, cette définition du référentiel sera confiée aux membres de la commission professionnelle », explique le Pr Frappé.
Sur ces fameux référentiels, fin juillet, la Haute Autorité de santé (HAS) a publié un guide pour proposer une méthode d’élaboration. Après avis du CNCP, un arrêté daté du 20 décembre dernier confirme que « l'élaboration de celui-ci (le référentiel) (…) par les commissions professionnelles du Conseil national de la certification périodique doit être conforme à la méthode proposée par la Haute Autorité de santé ».
• Sur la plateforme numérique
Autre chantier, la plateforme numérique qui va servir à la certification périodique. Sa conception et sa gestion ont été confiées par décret en août 2022 à l’Agence du numérique en santé (ANS).
• Sur le financement
Enfin, côté financement, en novembre dernier, un rapport de l’Igas donnait des orientations envisageant un surcoût des dépenses de formation de l’ordre de 1,5 à 5,4 milliards d’euros sur six ans et préconisait « une montée en charge progressive », avec peut-être un démarrage différé selon les professions.
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➔ Ce qu’il reste à cadrer
Beaucoup. Mais les différentes instances y travaillent. « L’instance collégiale du CNCP s’est déjà réunie deux fois en fin d’année et doit le faire à nouveau fin janvier », confie le Pr Collet.
• Le périmètre et le contenu
Le texte attendu en premier est le décret en Conseil d’État qui doit décrire le périmètre et le contenu de la certification.
« Il y a eu une première phase de concertation entre la DGOS et l’ensemble des acteurs, où nous nous sommes mis d’accord sur ce que l’on souhaitait voir dans la certification », détaille le Pr Collet.
La suite est donc entre les mains du Conseil d’État. « Normalement, c’est un des objectifs du premier trimestre 2023 », précise le président du CNCP.
• Les référentiels
« Il y avait un flou sur qui allait vraiment faire les référentiels, les commissions ou les CNP. C’est une nuance importante pour les autres spécialités car elles ne sont pas toutes représentées dans les commissions professionnelles », précise le Pr Frappé pour expliquer une partie du délai.
Les membres des commissions professionnelles, même s’ils se sont déjà réunis, attendent aussi toujours leur nomination officielle. « Nous pensions que ça passerait par le Journal officiel mais visiblement c’est trop compliqué par cette voie, donc cela se fera autrement. Mais dès que nous avons ce feu vert, nous sommes prêts à bosser », ajoute-t-il.
Côté calendrier, même s’il n’est pas précisé, le président du CMG explique qu’a été évoquée l’idée que les référentiels soient fixés « avant l’été ».
• La plateforme numérique
L’ANS indique aujourd’hui que « les travaux de conception sont engagés et le planning en cours de cadrage ».
Un décret en Conseil d’État viendra fixer le contenu détaillé, les modalités d’accès et d’utilisation des comptes individuels sur la plateforme.
Lors de l’annonce de sa désignation, l’ANS expliquait qu’elle allait concerter les différents acteurs concernés. Une étape indispensable pour le Pr Frappé. « Nous essayons d’alerter sur le fait que si nous ne sommes pas dedans, il va y avoir de gros soucis. Nous ne pourrons pas conseiller les médecins si nous ne sommes pas un minimum impliqués », avertit-il.
L’objectif est d’éviter l’usine à gaz mais aussi d’avoir conscience d’enjeux propres à certaines disciplines. Par exemple, pour la médecine générale, « nous voulons que les médecins se certifient sur leur exercice réel et pas sur leur diplôme. Parce que combien de médecins diplômés de médecine générale ne font pas de la médecine générale ? Il y a un gros enjeu à pouvoir réorienter les diplômes de MG vers le référentiel d’urgence si c’est leur activité par exemple ».
Et pour l’instant, la petite série de groupes de travail qui ont eu lieu avec l’ANS ne sont pas forcément de nature à rassurer le président du CMG. « C’était un peu décevant, ils voulaient faire sans les CNP alors que, justement, certains enjeux primordiaux leur échappaient. »
• Et tout le reste
Après le rapport de l’Igas sur le financement, on attend toujours les arbitrages pour savoir comment va être effectivement financée la certification, si des crédits supplémentaires seront accordés à la formation.
Autre texte de cadrage qui doit aussi voir le jour, celui sur les modalités de contrôle de l’obligation par les Ordres professionnels.
Les chantiers sont donc encore nombreux malgré l’entrée en vigueur de l’obligation. Mais, pour le Pr Frappé, il vaut mieux faire les choses correctement que dans la précipitation. « Ce qui est primordial c’est d’abord la fonctionnalité, avant le timing. Vouloir mettre en place quelque chose qui ne fonctionne pas serait désastreux », estime le généraliste stéphanois.
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