« Cette agression est inadmissible ! » : la colère du Dr Pierre-Henry Juan, président de SOS médecins Lyon

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Publié le 12/06/2024

Le président de la structure lyonnaise de SOS médecins se confie au Quotidien après la violente agression dont a été victime l’un des membres de son équipe.

Crédit photo : DR

Lundi 10 juin, en début de soirée, un généraliste de l’antenne lyonnaise de SOS médecins a été très violemment agressé dans un quartier de Rillieux-la-Pape (69). Alors qu’il quittait le domicile d’un patient lors d’une visite, ses assaillants l’ont brutalement frappé au visage avant de prendre la fuite. L’un d’entre eux a été retrouvé et arrêté par la police. Encore sous le choc, le président de SOS médecins Lyon donne des nouvelles de son confrère et revient sur les circonstances de cette agression.

LE QUOTIDIEN : Comment va votre confrère depuis son agression ?

DR PIERRE-HENRY JUAN : Sur le plan physique, il porte les stigmates de l’agression, il a eu une fracture du nez, une suture d’arcade sourcilière, une commotion faciale. Il a été pris en charge et a passé un bilan avec scanner, radio. Tout ce qu’il faut. Mais sur le plan moral et psychique, il est très choqué par ce s’est passé.

Sait-on ce qui s’est passé ?

Il réalisait une visite chez un patient, qu’il a d’ailleurs hospitalisé. De ce que je sais, il a juste demandé à une petite fille qui jouait devant le perron de l’immeuble de se pousser pour qu’il puisse passer et s’est fait prendre à partie par des personnes dans l’immeuble. Je ne m’explique pas pourquoi il s’est fait taper dessus. C’est un médecin dans la deuxième moitié de la trentaine qui est tout sauf un excité. Il est posé, calme et rassurant et gentil.

Il y a des communes où on ne se rend plus parce que c’est trop dangereux

Il s’agit de la deuxième agression d’un médecin en visite à Rillieux-la-Pape, en trois mois. Avez-vous une explication ? Ce secteur est-il particulièrement sensible ?

Non, on y intervient de façon régulière. Il y a bien certains endroits un peu chauds, mais nous n’avions pas eu d’incident jusqu’ici à SOS et l’agression de mars ne concernait pas SOS, c’était un médecin traitant qui allait faire une visite. Il y a d’autres communes en revanche où on ne se rend plus parce que c’est trop dangereux ! On essaie de circonscrire nos zones de cessation d’activité. On comprend l’impact sur la population, alors on y va la journée plutôt que la nuit. Mais, en volumétrie, je ne sais même pas si on atteint 1 % de la métropole. Et on couvre toujours 55 des 59 communes de la métropole lyonnaise.

Traditionnellement, les médecins en déplacement dans les cités étaient respectés par les personnes qui y vivent. Diriez-vous que ce n’est-ce plus le cas ?

Je suis président de SOS médecins Lyon depuis 2008. Il y avait des zones où se produisaient de petites agressions. Ça n’allait pas forcément très loin, ça pouvait être du vandalisme de véhicule, avec souvent les gens interpellés assez vite.
Mais quand les choses dégénèrent, c’est souvent lié à un individu précis au sein d’un système. Par exemple, il y a une commune avec une avenue sur laquelle les entrées d’immeubles formaient le plus gros point de deal de la région. Vous vous faites fouiller une fois, trois fois, molester… Un collègue s’est fait casser le nez. C’était avant le Covid, on a dit stop. Depuis, on n’y a plus jamais envoyé un médecin. Dans l’historique d’évolution, il y a toujours eu sporadiquement des flambées de violence, mais les médecins restaient respectés, a priori on passe partout. Ce qui s’est passé est inadmissible et insupportable. Ces actes sont incompréhensibles.

Dans quel état d’esprit sont vos troupes aujourd’hui ?

Un tel événement est forcément traumatisant. Nous prenons contact avec la mairie, la préfecture, et les politiques. Les autorités compétentes ont été saisies. La police a retrouvé l’agresseur. On ne fait plus de visites à Rillieux jusqu’à nouvel ordre. Je dois avoir environ 30 % d’effectifs féminins, elles aussi bossent la nuit, le week-end, H24 et je n’ai pas envie qu’il leur arrive un souci.

Propos recueillis par François Petty

Source : lequotidiendumedecin.fr