Des généralistes aux ophtalmos en passant par les gynécologues et les pédiatres : 83 % des Français résident dans un désert médical pour au moins l'une de ces spécialités en accès direct ne pratiquant pas de dépassements d’honoraires. Face à « l'aggravation dramatique » de la démographie médicale, l'association UFC Que choisir saisit cette fois le Conseil d'État pour faire constater et sanctionner « la coupable inaction » du gouvernement face aux inégalités croissantes d'accès aux soins. Il s'agit aussi de défendre « le droit constitutionnel à la santé », défend l'association dans un communiqué.
Vers 10 heures, une dizaine de membres de l'UFC Que Choisir se sont rassemblés silencieusement à cet effet devant le ministère de la Santé, brandissant des pancartes et accrochant autour d'eux du ruban de chantier afin de symboliser cet impossible accès aux soins.
« J'accuse l'État »
En se basant sur la mise à jour de sa carte interactive des inégalités d'accès aux médecins, dévoilée en novembre 2022, l'association dénonce en particulier le rejet avec « une inquiétante obstination de l'exécutif de réguler l’installation des médecins ». Face au « déplorable accès géographique et financier aux soins », elle invite les Français à signer et « partager massivement » sa pétition « Accès aux soins : j'accuse l'État ».
Cette étude croise deux critères : l'éloignement géographique des médecins – les déserts étant caractérisés par une densité 60 % inférieure à la moyenne pour les spécialistes situés à moins de 45 minutes de route, ou 30 minutes pour les généralistes – et les tarifs pratiqués.
Or, selon les données de Que Choisir, les déserts médicaux avancent toujours, quoi qu'en dise l'exécutif. La situation est critique dans les trois spécialités étudiées. 19,3 % des Français (soit un peu plus de 12,8 millions de personnes) vivraient dans un désert en ophtalmologie et 24,8 % des femmes de plus de 15 ans dans un désert gynécologique. « La triste palme de la répartition » revient aux pédiatres : 28,9 % des enfants de moins de dix ans vivent à plus de 45 minutes de route d'un pédiatre.
La difficulté de trouver un médecin traitant
Concernant les généralistes, si les déserts médicaux restent moins répandus (2,6 %, soit 1,7 million de Français), l'association rappelle que 21 % des patients y ont un « accès difficile » (densité au moins 30 % inférieure à la moyenne). Surtout, entre 2021 et 2023, 44,4 % de la population a vu l'accessibilité aux généralistes se dégrader.
Des bénévoles ont aussi contacté anonymement 2 642 médecins généralistes pour leur demander s'ils accepteraient de les suivre en tant de médecin traitant. La majorité (51,5 %) ont refusé, contre 44 % lors d'une précédente enquête en 2019. La plupart suivaient déjà trop de patients (74 %), ou devaient bientôt partir en retraite (12 %).
Pour résorber cette fracture sanitaire, l'UFC Que choisir accuse donc l'État de « freiner des quatre fers » pour instaurer une régulation à l’installation, en particulier sous la forme d’un conventionnement sélectif « ne permettant plus de s’installer en zones surdotées, à l’exception du secteur 1 » et avec la fermeture du secteur 2 à honoraires libres.
Alors que la Cnam et les syndicats de médecins libéraux ont entamé le premier round de négociations, l'association insiste sur le fait que d'autres professions comme les infirmiers, les pharmaciens et les chirurgiens-dentistes ont accepté cette solution de régulation. « Les médecins font de plus en plus figure d’exception, et leur liberté d’installation apparaît moins justifiable que jamais », enfonce l'UFC Que choisir.
La cartographie de l’association repose plus précisément sur l’accessibilité potentielle localisée (APL), qui mesure le nombre de médecins libéraux accessibles par patient et par commune. En fonction de la localisation de chaque praticien, l’étude tient compte de l’éloignement géographique – les communes étant classées en fonction de cette densité.
Le constat de Que Choisir est confirmé par la dernière étude de la Drees (ministère) portant sur cet indicateur APL qui indique « la poursuite de la baisse du nombre de médecins généralistes libéraux et de leur activité moyenne, ainsi que la croissance de la population ». Cette dégradation s’effectue toutefois à un rythme moins important que les années précédentes (-0,8 % contre -1,8 % par an en moyenne entre 2015 et 2021), en particulier sous l’effet de l’augmentation de l’offre de soins en centre de santé.
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