LE QUOTIDIEN : Les 13e Rencontres d’AvecSanté (14 et 15 mars) s’ouvrent au Havre en présence du ministre de la Santé. Un signal fort pour les maisons de santé ?
DR PASCAL GENDRY : Oui, cette première rencontre avec le ministre de la Santé est forcément un temps fort pour le mouvement et les équipes pluriprofessionnelles. Nous n’attendons pas forcément d’annonces spectaculaires mais des garanties que le gouvernement poursuit résolument le plan des 4 000 maisons de santé à l’horizon 2027 en garantissant les moyens pour leur développement. Nous remonterons aussi les difficultés du quotidien et rappellerons que l’innovation est notre ADN.
Au fil du temps, les maisons de santé ont imaginé de nouvelles organisations en pluripro : les protocoles, les réunions de concertation pluridisciplinaire, un système d’information partagé, de nouveaux modes de rémunération. Aujourd’hui, 40 000 professionnels de santé exercent en maison de santé et on espère qu’il y en aura encore plus ! Pour accompagner cette dynamique, le ministre devra dire clairement si et comment il soutient le cadrage des négociations en cours avec la Cnam.
Justement, avez-vous de la visibilité sur les moyens qui seront alloués demain aux équipes ?
Les négociations sont bien engagées mais nous ne sommes pas encore entrés dans le dur, à savoir le niveau des moyens financiers dont les équipes disposeront pour remplir les missions actuelles mais aussi les nouvelles que les pouvoirs publics ont intérêt à leur confier. La prise en charge des soins non programmés est un bon exemple. Aujourd’hui, nous voyons proliférer des centres de soins non programmés ! Or, il n’y a aucune incitation pour que les maisons de santé prennent en charge les consultations sans rendez-vous hors de la patientèle habituelle des médecins traitants.
Je le répète : investir dans les équipes pluripro, c’est résoudre une partie des difficultés de l’hôpital avec moins de passages aux urgences. Aujourd’hui, chaque MSP touche en moyenne une aide conventionnelle forfaitaire de 80 000 euros par an. Si on veut leur confier davantage de missions et attirer des projets, il faut marquer le coup lors de ces négociations. Les équipes pluriprofessionnelles ont besoin d’un vrai choc d’attractivité.
Quelles évolutions du mode de rémunération des MSP attendez-vous ?
L’introduction de l’IPEP (incitation à une prise en charge partagée, N.D.L.R.) est une piste proposée par la Cnam et nous la soutenons. Ce modèle innovant a déjà été testé par quelques équipes dans le cadre expérimental de l’article 51. Il a pour objectif d’améliorer la qualité du service rendu aux patients et l’efficience des dépenses de santé, en incitant financièrement et collectivement des professionnels de santé volontaires à mettre en œuvre des actions coordonnées au bénéfice d’une patientèle commune en termes d’accès aux soins, de lien ville-hôpital, de prévention ou encore de pertinence des prescriptions médicamenteuses. Cela encourage les équipes à progresser sur la pertinence des soins. Mais ce dispositif ne conviendra pas à tous les collectifs de libéraux. Il faut une certaine maturité pour être capables de regarder les données, d’analyser la patientèle sur la performance, la diminution des hospitalisations et des passages aux urgences ou encore le recours aux spécialistes.
Et l’idée d’une rémunération sur objectifs par équipe ?
Oui, nous pouvons aussi imaginer des objectifs de santé publique en termes de dépistage, de vaccination, de prévention avec une rémunération à partager entre les médecins, les infirmiers et les kinés de l’équipe en cas d’atteinte des indicateurs. C’est plus équitable. Un dépistage fluide du diabète, par exemple, ne peut se faire simplement grâce au bon vouloir du médecin. C'est aussi grâce à l'infirmière qui fera les tests sanguins et éduquera le patient, grâce aussi au diététicien et à l’éducateur de l’activité physique. La Cnam est ouverte à cette idée mais cela reste à discuter avec les syndicats.
Quid de la simplification des indicateurs pour le calcul de la rémunération des MSP ?
Effectivement, c’est un objectif important des négociations pour diminuer le nombre d’indicateurs « socles et prérequis » vécus par les structures comme trop pointilleux. Je pense aux réunions de concertation pluriprofessionnelle. A-t-on besoin de tracer le nombre de ces réunions ? Le fait d’avoir un nombre de patients suivis en commun suffit. Cela sous-entend que les professionnels utilisent un système d'information partagé, qu'ils sont capables de se concerter pour tel patient. Il n'y pas besoin de remplir dans un tableau Excel le nombre de séances.
L’Igas a critiqué le manque de productivité des centres de santé. Est-ce aussi le cas des maisons de santé ?
Je sais que certains esprits chagrins mélangent allègrement ces deux modèles pour servir leur cause. Mais il suffit de lire les rapports de l’Irdes : un médecin exerçant dans une maison de santé voit 10 % à 15 % de patients de plus qu'un médecin isolé en moyenne au niveau national. La question de notre manque de productivité n’existe pas.
Repères
2 758 MSP implantées en France fin 2024 (dont 81 % ont signé l’ACI avec la Cnam)
Une maison de santé héberge en moyenne 15 professionnels de santé (dont 4,5 ETP de médecin généraliste)
En 2023, 8 255 généralistes exerçaient en MSP
AVECsanté, à travers ses 14 fédérations régionales, représente environ 40 000 professionnels de santé libéraux
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