Le nombre de départements qui ont eu recours aux réquisitions a « bondi » par rapport aux années précédentes. Cette tendance est révélée dans le rapport annuel de l'Ordre des médecins sur la permanence des soins ambulatoire (PDS-A), publié mardi par l'instance ordinale.
De fait, dans « 44 départements au cours de l'année 2022 » contre seulement 23 en 2021 et 11 en 2020, des carences de couverture de PDS ont conduit les préfets à réquisitionner des généralistes libéraux. Ces réquisitions étaient « ponctuelles » dans 33 départements et « récurrentes » dans les 11 autres – Haut-Rhin, Vosges, Eure-et-Loir, Gers, Deux-Sèvres, Dordogne, Martinique, Charente, Haute-Loire, Lot et Loire.
Les grèves de décembre 2022, facteur explicatif
Mais pour le Dr Jean-Luc Fontenoy, président de la commission nationale de la permanence des soins et de l'aide médicale urgente, ces chiffres de réquisitions doivent être interprétés avec prudence. « 2022 a été une année particulière. Ce bond est lié surtout aux grèves des médecins libéraux de décembre 2022, nuance l'élu ordinal. Les médecins grévistes qui n'avaient pas pris leur tour de garde ont été réquisitionnés ».
En dehors de ces poussées de fièvre libérale, les réquisitions récurrentes dans onze départements (soit sept de plus par rapport à 2021) sont surtout liées au « manque de médecins effecteurs volontaires », phénomène accentué durant les jours fériés et les week-ends, ou à cause de la désertification médicale.
L'absence d'organisations locales comme les associations départementales de PDS-A ou SOS médecins a aussi pesé dans certains secteurs. À Paris en revanche, la « professionnalisation » des gardes autour d’associations de type SOS conduit à « un taux de participation relativement faible sans pour autant que les tableaux de garde peinent à être complétés ». À noter que le réquisitions peuvent concerner les médecins régulateurs, comme dans le Haut-Rhin ou en Martinique.
SAS et centres de soins non programmés : des soutiens
Même si les « zones blanches » demeurent très rares (5 % du territoire), la hausse des réquisitions ne risque-t-elle pas de donner de l'eau au moulin de ceux qui prônent la fin du volontariat et le retour des gardes obligatoires ? « C'est un courant de pensée qui existe chez les politiques, admet le Dr Fontenoy. De leur côté, les médecins sont très majoritairement pour le volontariat même si un certain nombre d'entre eux considèrent que, si on n'arrive pas à remplir les tableaux de garde, il faut rendre la PDS obligatoire. Mais cette solution serait désastreuse et contreproductive ».
L'offensive récente de parlementaires sur le sujet de la PDS – dont celle du groupe transpartisan de députés piloté par le socialiste Guillaume Garot – a conduit le ministre de la Santé à s'opposer de son côté à tout retour des gardes obligatoires en ville.
Toutefois, les réquisitions préfectorales peuvent-elles devenir une tendance lourde ? Le Dr Fontenoy ne croit pas à ce scénario grâce, notamment, à la généralisation du service d'accès aux soins (SAS) qui doit permettre aux patients de trouver une réponse rapide aux soins urgents et non programmés en journée. « Cette solution va aussi modifier la demande de soins pendant les horaires de PDS-A et il y aura moins de réquisitions », anticipe l'élu ordinal.
Le Dr Fontenoy cite aussi le développement des centres de soins non programmés qui devraient diminuer par ricochet le recours à la permanence des soins. Enfin, des cabinets médicaux libéraux ont déjà élargi leurs horaires notamment dans les Bouches-du-Rhône. « Les médecins décalent leur rendez-vous et restent ouverts le soir. Cela permet aux patients de ne pas avoir recours à la PDS-A », soutient l'élu ordinal.
Missions, consultation et diagnostic, prescription : le projet Valletoux sur la profession infirmière inquiète (déjà) les médecins
Désert médical : une commune de l’Orne passe une annonce sur Leboncoin pour trouver un généraliste
Pratique libérale : la chirurgie en cabinet, sillon à creuser
Le déconventionnement tombe à l’eau ? Les médecins corses se tournent vers les députés pour se faire entendre