« Il venait devant chez moi en pleine nuit et criait mon nom » : le calvaire d’une psychiatre harcelée par un patient

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Publié le 19/09/2024
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Psychiatre dans l’est de la France depuis 1985, la Dr Martin* raconte avoir subi à plusieurs reprises du harcèlement sexuel de la part de certains de ses patients. Dans les années 1990, alors qu’elle est jeune mère, un de ses patients psychotiques est même allé jusqu’à se rendre devant chez elle la nuit pour lui asséner des propos à caractère sexuel.

Crédit photo : GARO/PHANIE

En près de quarante ans de carrière, la Dr Martin*, psychiatre installée à Auxerre (Yonne), dans l’est de la France, a été de nombreuses fois confrontée à des comportements inadaptés de la part de certains de ses patients. « La plupart du temps, c’était du registre de la séduction, de la drague, indique la spécialiste aujourd’hui âgée de 71 ans. Comme je suis à la campagne, on m’offrait souvent des petits cadeaux : des fruits, des légumes du jardin ou encore des bouquets de fleurs. Un jour, un patient m’a même offert un maillot de bain », se souvient-elle.

En psychiatrie, ces comportements seraient assez courants, explique-t-elle. « Tous mes confrères psychiatres ont un jour été exposés à ce genre de situations. Les hommes aussi se font draguer. Notre patientèle est un peu particulière, on sait en plus qu’il peut y avoir des transferts en psychiatrie. Mais dans la mesure où le patient arrête lorsqu’on dit stop et qu’on remet les pendules à l’heure, cela ne pose pas de problèmes, on est habitués. »

Harcelée jusqu’à son domicile

Mais dans certains cas, notamment lorsque les patients souffrent d’érotomanie, la situation peut rapidement dégénérer. C’est ce qui est arrivé à la Dr Martin* dans les années 1990, lorsqu'elle a été victime de harcèlement sexuel de la part de deux de ses patients. « Le premier était un homme qui, au départ, ne présentait pas de signes de délire, mais qui en a développé par la suite. Il avait trouvé mon adresse et venait chez moi à vélo, proférait des propos à connotation sexuelle, et m’avait même dit qu’il avait ramassé des vipères qu’il gardait dans son frigo pour moi – une symbolique évidemment sexuelle », raconte-t-elle. Malgré cela, la Dr Martin* continue de suivre son patient par éthique professionnelle jusqu’à ce que sa pathologie s’aggrave et qu’il se fasse finalement hospitaliser. « Il ne m’effrayait pas, c’était clairement un délire. Si j'avais dû continuer à le suivre, je l'aurais fait », confie-t-elle.

Je me suis demandé jusqu’où cette histoire irait

Dr Martin*, psychiatre libérale à Auxerre

Finalement, l’épisode le plus traumatisant pour la psychiatre est survenu quelques années plus tard, avec un « jeune homme très perturbé ». « Il était psychotique et faisait clairement une fixation sur moi, confesse-t-elle. Comme mon cabinet est situé à mon domicile, il savait où j’habitais. La nuit, il venait devant chez moi et criait mon nom. Il proférait également des propos sexuels très explicites à mon égard du type “je vais te baiser”. À l’époque, mon fils était encore petit, ce qui rendait la situation très difficile à gérer. Un jour, il est même allé jusqu’à esquinter une voiture en pensant que c’était la mienne », se remémore-t-elle.

Très inquiète de la situation, la médecin redouble alors de vigilance : « J’étais tout sauf tranquille, je me disais : “qu’est-ce qu’il va me faire la prochaine fois, jusqu’où va-t-il aller ?” On ne sait jamais ce qui peut leur passer par la tête. Quand je sortais de chez moi, je regardais à droite et à gauche pour m’assurer qu’il n’était pas dans les parages ».

Devant cette situation, la Dr Martin* décide d'arrêter de le prendre en charge. « C'était devenu ingérable, reconnaît-elle. Les choses se sont finalement apaisées lorsqu'après un passage à l'acte, il a été hospitalisé. L'un de mes collègues psychiatres de l'époque lui a alors ordonné de cesser de me harceler, en le menaçant de l'enfermer définitivement s'il persistait. »

Précautions

Si jusqu'à présent, la psychiatre se considère « chanceuse » de n'avoir été victime « que » d'agressions verbales, elle a néanmoins pris des précautions pour renforcer la sécurité de son cabinet. « À l'époque, j'avais un système d'ouverture où les patients entraient directement dans la salle d'attente en sonnant à l'interphone. Maintenant, c'est moi qui leur ouvre personnellement. J'ai également installé un bouton d'alarme sur mon bureau, en pensant que cela pourrait dissuader certains patients. »

Point positif, depuis qu’elle est en pré-retraite, la psychiatre ne ressent plus « ce sentiment d’insécurité qu’elle a pu ressentir autrefois ». « Je suis en cumul emploi-retraite depuis 6 ou 7 ans, et durant cette période, je n’ai accepté aucun nouveau patient. Je connais très bien ma patientèle, qui est désormais composée à 90 % de femmes. Il faut bien l’admettre, on est généralement moins importunée par les patientes que par les patients. »

Le harcèlement sexuel, risque professionnel majeur selon l’OMS

L’histoire de la Dr Martin fait écho à une récente étude mondiale, qui montre que les femmes médecins sont particulièrement exposées au harcèlement sexuel dans le cadre de leur travail. Ainsi, 52,2 % d'entre elles ont déjà subi du harcèlement sexuel de la part de patients, contre 34,4 % des hommes. Depuis plusieurs années, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) plaide pour classer le harcèlement sexuel comme un risque professionnel majeur.

*Son nom de famille a été modifié


Source : lequotidiendumedecin.fr