Les nombreuses interactions entre la santé et le travail font de la médecine du travail une spécialité de premier plan jouant un rôle majeur pour la protection des travailleurs. Les évolutions permanentes du rapport au travail, de la réglementation ou encore des risques professionnels confrontent les services de santé spécialisés à de multiples enjeux et à la nécessité de prendre en compte ces changements constants.
De fortes inégalités
Cette spécialité doit faire face à ces évolutions avec de moins en moins de moyens notamment humains. Elle souffre avant tout d’un déficit démographique puisqu’on dénombre 15,4 % de médecins du travail en moins en 2025 par rapport à 2012 : les effectifs sont passés de 5 738 praticiens à 4 853 entre ces deux dates. En moyenne, il y a 5,33 médecins du travail pour 100 000 habitants en 2025 (la France comptant un peu plus de 27 millions de salariés au premier trimestre 2025, selon l’Insee).
À cette chute démographique s’ajoute une inégale répartition de ces médecins sur le territoire. Le rapport montre que les départements sont inégalement pourvus. La Meuse en compte 1,7 pour 100 000 habitants alors que ce taux s’élève à 24,1 pour la ville de Paris.
Cette diminution des effectifs limite les médecins du travail dans leur exercice et les empêche souvent de remplir l’ensemble de leurs missions alors qu’ils sont confrontés à de nouvelles pathologies. Les accidents de travail diminuent progressivement mais de plus en plus d’arrêts maladies concernent des accidents de trajets : 89 483 accidents en 2022 et 94 023 en 2023 impliquant toujours plus de bicyclettes et de trottinettes (9,2 % en 2023).
Augmentation des risques liés au travail
La prise en compte de la santé mentale, déclarée grande cause nationale en 2025, constitue désormais un enjeu majeur pour ces professionnels puisque les maladies psychiques d’origine professionnelles avaient déjà progressé de 25 % en 2023 et que 12 000 accidents du travail sont liés à ces risques.
Plus largement, les risques psychosociaux et les problématiques liées à la souffrance au travail occupent toujours plus les services de santé au travail. « La part des maladies psychiques liées au travail dont l’origine professionnelle a été reconnue avoisine depuis cinq ans 50 % des demandes alors que, sur la même période, le nombre de dossiers a été multiplié par deux », écrit l’Assurance-maladie dans son dernier rapport annuel sur les risques professionnels. Et les nouvelles formes de travail (télétravail, flexibilité, outils numériques) imposent aux médecins de définir de nouvelles procédures pour suivre à distance les salariés.
Nouvelles réglementations
Répondre à ces enjeux de santé publique demande de réadapter l’offre de médecine du travail. La loi de 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail a par exemple apporté des modifications en matière de suivi des salariés. Elle vise à renforcer le rôle des médecins du travail et rendre leur action plus efficace en remaniant des dispositifs préexistants ou en en créant de nouveaux pour prévenir la désinsertion professionnelle.
Le rapport d’information sur l’application de cette loi par la Commission des affaires sociales dresse un premier bilan. Soulignant qu’il est « trop tôt pour apprécier de manière exhaustive et précise les incidences de la loi », il montre quelques axes d’amélioration. Comme sur l’évaluation des risques professionnels et l’élaboration du document unique que doivent fournir les employeurs aux services de santé au travail. Le rapport indique qu’en 2022 seuls 3 % des établissements l’avaient transmis et que les actions de conseil à la rédaction ne représentaient que 5 % des actions des services de prévention et de santé au travail (SPST).
De nouvelles réglementations pourraient également intervenir et modifier l’exercice des médecins du travail. En prévision des discussions autour du projet de loi de finance de la Sécurité sociale 2025, François Bayrou avait annoncé vouloir transférer la visite médicale de reprise aux médecins généralistes. Difficile de savoir quels seront les arbitrages du futur gouvernement.
La Société française de santé au travail (SFST) et l’Association nationale des internes en médecine du travail proposent de supprimer des visites jugées « inutiles »
Une mesure qui modifierait le parcours de reprise du travail pour les salariés. Or les médecins du travail et les médecins traitants bien que complémentaires, ne remplissent pas les mêmes missions. Le cœur du métier des médecins du travail se situe autour de la prévention et de la santé au travail. Cela requiert de veiller à la compatibilité entre l’état de santé d’un salarié et son poste de travail et de mettre en place d’éventuelles adaptations et aménagements.
Souhaitant répondre de manière constructive à cette proposition, la Société française de santé au travail (SFST) et l’Association nationale des internes en médecine du travail proposent de supprimer des visites jugées « inutiles », c’est-à-dire soit lorsque la pathologie à l’origine de l’arrêt de travail est guérie et n’a aucune conséquence sur le retour au poste soit lorsqu’une visite de préreprise s’est révélée conclusive.
Dans le cas d’un arrêt maladie de plus de soixante jours n’ayant donné lieu à aucune visite de préreprise, les deux associations jugent l’examen d’un professionnel de santé indispensable car « seule à même de confronter l’état de santé aux conditions réelles de travail que ne connaît pas le médecin généraliste ».
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