Située entre Bretagne et Pays de la Loire, la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) Atlantique Nord Loire – regroupant 330 blouses blanches – a fait de l'accès aux spécialistes une priorité. Comme d'autres zones médicalement fragiles, son territoire rural autour de la ville de Châteaubriant n'a plus de dermatologues depuis deux ans. Conséquence, le délai d’attente moyen pour obtenir un rendez-vous (hors urgences) est passé de 41 jours à plus de trois mois. Retards dans la prise en charge des cancers cutanés, des dermatoses inflammatoires, etc. : ce manque de bras spécialisés a des répercussions sur l'accès aux soins. C'est pour y remédier que cette CPTS créée en 2019 a intensifié ses partenariats avec le CHU de Nantes.
Modules pratiques
En mai 2021 déjà, les généralistes du territoire ont pu demander un avis en oncodermatologie au CHU de Nantes via une plateforme de téléconsultation (Covalia) mise à leur disposition par l'agence régionale de santé Pays de la Loire. « Ce premier partenariat avec le service de dermatologie du CHU a permis aux patients de se déplacer pendant le Covid, confie le Dr Élias Amiouni, médecin généraliste et président de la CPTS.
Mais la communauté territoriale a voulu aller plus loin, en formant directement des médecins de première ligne volontaires en dermatologie. Début 2022, sous l'égide du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), l'organisation a corédigé un cahier des charges avec l'hôpital nantais afin de proposer des formations adaptées à la médecine générale. « On voulait des enseignements pratiques et non théoriques, ajoute le généraliste installé à Saint-Vincent-des-Landes. Aujourd'hui, le libéral et l'hôpital doivent travailler ensemble avec les élus locaux pour améliorer l'accès aux soins ».
Dermatoscopes à 1 600 euros pièce
De fait, c'est grâce au soutien logistique de la communauté de communes de Châteaubriant que la CPTS a pu mettre en place une première journée de formation en octobre. Cette session qui a attiré 26 médecins généralistes – dont un hospitalier et des internes – était consacrée aux diagnostics fréquents en dermatologie pédiatrique, au dépistage des cancers cutanés, des dermatoses faciales ou à la maladie Verneuil.
« Et pour bien diagnostiquer, les médecins doivent être équipés d'un dermatoscope », ajoute le Dr Amiouni. Un matériel que la CPTS a pu financer sur ses fonds propres, puis mettre à la disposition des praticiens en formation. « Nous avons ainsi offert dix dermatoscopes à 1 600 euros pièce et formé les médecins à l'utilisation de cet outil », précise le généraliste. Une formation et un équipement appréciés par les généralistes concernés. C'est le cas du Dr Sylvain Giroux, 46 ans, installé depuis 2008 à Moisdon-la-Rivière (Loire-Atlantique) qui rencontre un grand nombre de pathologies dermatologiques, soit environ 10 % de ses consultations. « Grâce à la formation, je peux conforter mon diagnostic et l'urgence de certains rendez-vous comme les mélanomes », affirme-t-il.
Astuces et conseils
Grâce au matériel fourni, le médecin peut prendre la photo des lésions suspectes envoyées sur la plateforme de télé-expertise Omnidoc afin de solliciter un avis des dermatologues du CHU de Nantes. La réponse du spécialiste se fait sous 24 heures. « C'est une aide supplémentaire, note le Dr Giroux. Dernièrement, j'ai détecté un mélanome chez un patient de 60 ans en activité qui avait une tache noire depuis très longtemps. Le dermatologue m'a confirmé le diagnostic. Sans cela, l'issue aurait pu être fatale. »
Son confrère de 38 ans partage cet avis. Le Dr Samuel Vaillant, lui aussi généraliste à Moisdon-la-Rivière, reconnaît ne pas être « très à l'aise » avec les lésions dermatologiques, « faute d'avoir eu des stages » dans cette spécialité pendant ses études de médecine. « C'est pourquoi on a aussi besoin d'avoir des astuces, des conseils pratico-pratiques pour traiter tout en évitant de passer à côté des cas graves », confie le Dr Vaillant. Depuis sa formation, le praticien ressent moins le besoin de requérir l'expertise des dermatologues. « En sollicitant moins les spécialistes, les délais d'attente vont s'améliorer », espère le Dr Amiouni. La CPTS programme déjà une nouvelle formation fin novembre, consacrée aux maladies inflammatoires. Une session qui promet de faire salle comble.
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