Jeudi 23 novembre, la Cnam et les syndicats représentatifs des médecins libéraux (CSMF, MG France, FMF, SML, Avenir Spé-Le Bloc et l'UFML-S) ont entamé le premier round conventionnel consacré à la qualité et à la pertinence des soins.
Cet axe de travail fait partie de la lettre de cadrage ministérielle. Aurélien Rousseau attend des médecins libéraux des engagements mesurables pour éviter traitements inadéquats et dépenses inutiles. Lors de la première séance multilatérale, Thomas Fatôme, le DG de la Cnam, s'est engagé à s’appuyer « sur des référentiels scientifiques » validés. Au menu de la première séance, trois champs majeurs ont été examinés : médicaments, examens biologiques et parcours de soins des patients chroniques (insuffisance cardiaque, diabète et maladie rénale).
Antibiotiques, IPP et antidiabétiques…
Les dépenses de médicaments remboursés ont augmenté de plus de 4 % entre 2021 et 2022. Sur les 22 milliards d'euros de dépenses de médicaments en ville en 2022, 13 milliards proviennent des prescripteurs libéraux – 8 milliards pour les seuls généralistes et 5 milliards pour les spécialistes. Parmi les produits les plus prescrits par les omnipraticiens figurent des antithrombotiques, analgésiques, antidiabétiques mais aussi des vaccins et des antibiotiques. La Cnam a identifié des marges d’efficience et de pertinence dans cinq classes thérapeutiques : antibiotiques, inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), antidiabétiques, analgésiques et benzodiazépines.
En matière d'antibiotiques, toutes populations confondues, la France se situe au cinquième rang de consommation en Europe, soit 31 % de plus que la moyenne européenne. Malgré une baisse de la prescription depuis 2012, les chiffres montrent une reprise plus importante chez les enfants de moins de quatre ans, plaçant la France en avant-dernière place. « Sur 1 000 patients enfants, 404 ont eu au moins une prescription d'antibiotiques dans l'année contre 75 aux Pays Bas », peut-on lire dans le document de travail de la caisse.
La même inquiétude concerne les IPP dont l'utilisation au long cours contribue à la polymédication et au risque iatrogène. Or, les données montrent le non-respect fréquent des recommandations de la HAS. Ces traitements largement utilisés sont souvent prescrits « de manière systématique ou pour des durées trop longues », écrit la Cnam. « Plus de 50 % des usages ne seraient pas justifiés », poursuit-elle.
Le mauvais usage est inquiétant chez les très jeunes enfants. Alors que la prescription d'IPP doit être réservée aux nourrissons de plus d'un mois et enfants ayant un RGO persistant et gênant, s'accompagnant de complications, si possible après avis spécialisés, la Cnam a enregistré une utilisation importante et croissante pour cette classe d'âge.
Autre marge identifiée : le mauvais usage présumé des antidiabétiques notamment sur la classe des analogues du GLP-1 – la Cnam ayant présenté aux syndicats un focus sur le mésusage présumé d'Ozempic à visée amaigrissante. Quelque 2 700 médecins prescripteurs libéraux (généralistes, endocrinologues, cliniques, etc.) seraient à l'origine de ces prescriptions à des patients en situation de mésusage.
Dans ce premier document de travail, l'Assurance-maladie fait aussi de la lutte contre la polymédication chez la personne âgée une marge d'amélioration. 6,7 millions de patients de plus de 65 ans sont polymédiquées (plus de 5 molécules) et 1,6 million de patients sont hyperpolymédiqués (plus de 10 molécules délivrées trois fois par an). Un médecin traitant a en moyenne 45 % de sa patientèle âgée en polymédication (contre 34,2 % en Belgique) et 12 % en hyperpolymédication.
Biologie médicale, peut mieux faire
Premier poste d’économies examiné, les dosages remboursés de vitamine D. Prescrits à 60 % par les généralistes, ils « connaissent une progression dynamique qui s’accélère depuis 2019 », relève la Cnam. En 2022, plus de 6,8 millions de dosages ont fait l’objet d’une prescription pour 42 millions d’euros (contre 32,1 millions d’euros en 2015). Or, selon l’Assurance-maladie, chez les patients âgés de 16 à 65 ans, « seuls 9 % des dosages de vitamine D » correspondent in fine à une indication recommandée par la HAS.
Des améliorations peuvent aussi être réalisées sur les dépenses de vitesse de sédimentation (VS). Si la caisse observe une baisse tendancielle de leurs prescriptions – l’obsolescence de cet acte étant reconnue – le niveau reste élevé avec 13,3 millions de tests prescrits par les généralistes et 2 millions par les spécialistes en 2022.
Enfin, en matière de dosages de TSH, la Cnam rappelle les nouvelles recommandations de la HAS qui, depuis 2023 privilégie la prescription des « dosages en cascade », en lieu et place (dans la grande majorité des cas) des triples et doubles dosages. En 2021, près de 30 millions de triples dosages étaient réalisés chez les adultes, dont 77 % par les généralistes.
Par ailleurs, entre 2019 et 2021, l’augmentation du volume d’actes de biologie remboursés par ordonnance a été de 7,7 % (tous prescripteurs).
Parcours de soins : éviter les hospitalisations !
La pertinence passe aussi par la bonne intervention du médecin au bon moment dans le parcours patients pour éviter les hospitalisations coûteuses. Selon la Cnam, « 265 000 hospitalisations » pour des pathologies chroniques auraient pu être évitées, soit un séjour hospitalier en médecine sur 40 ! « Quatre personnes hospitalisées de manière évitable sur cinq ont 65 ans ou plus, et une sur trois 85 ans ou plus », peut-on lire. Le risque d’hospitalisation augmente fortement pour les patients n’ayant pas consulté leur médecin traitant « au cours de l’année passée », ajoute la caisse.
L'insuffisance cardiaque représente plus de 50 % des hospitalisations évitables, au regard d'une mortalité intra-hospitalière qui s'élève à 11 %.
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