Comment mettre rapidement en musique la « solidarité territoriale obligatoire » prévue dans le pacte Bayrou pour lutter contre les déserts médicaux ? Le gouvernement a répondu à cette question ce mardi 13 mai en utilisant comme vecteur législatif pour porter ses propres mesures sur l’accès aux soins la proposition de loi (PPL) portée par le sénateur LR Philippe Mouiller, moins clivante que la proposition de loi du député socialiste Guillaume Garot et plus compatible avec sa philosophie.
De fait, le gouvernement a introduit sous la forme d’un amendement au texte initial, adopté en fin de journée par les sénateurs, le principe d’une mission de « solidarité territoriale » obligatoire pour les médecins (libéraux et salariés) dans les zones prioritaires « sous forme de consultations avancées ». Dans un premier temps, cette solidarité s’effectuera dans les territoires « les plus prioritaires identifiés par les ARS, en lien avec les préfets, les conseils départementaux et l’Ordre des médecins », peut-on lire dans l’exposé des motifs de l’amendement. Cela correspond aux « zones rouges » évoquées dans le pacte Bayrou, censées être cartographiées d’ici à fin mai. Puis, secondairement, cette mission sera étendue à l’ensemble des zones sous-denses « au-delà des territoires les plus prioritaires et du premier recours ».
Obliger, réquisitionner, mais sans froisser
Drôlement écrit, l’amendement précise que la « participation » à ce principe de solidarité territoriale s’exerce « sur la base du volontariat » – l’exposé des motifs expliquant, lui, que la mission de solidarité relève bien de l’obligation. Tout est donc fait ensuite dans la rédaction de l’amendement pour verrouiller ce volontariat contraint sous la tutelle des ARS. « À défaut » du volontariat, la participation requise s’exercera « sur désignation du directeur général de l’agence régionale de santé ». Le droit de réquisition des ARS n’a lieu qu’« en cas de carence de médecins pour assurer la mission dans une zone donnée ». En pratique, les médecins installés et les remplaçants devront donc se relayer pour assurer la continuité d’exercice dans les zones sous-denses « avec des plannings définis à l’avance ».
Précision de taille, si le médecin désigné refuse de jouer le jeu, il sera passible d’une pénalité financière, qui peut être très salée. « Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, notamment le nombre de jours maximal pour lesquels un médecin peut être désigné pour participer à la mission et le montant de la pénalité financière dans la limite de mille euros par jour », lit-on dans l’article du gouvernement. Même votée, la mesure ne sera pas opérationnelle sans parution de ce fameux décret sur les modalités. Voilà pour le bâton.
Pour la carotte, le gouvernement a prévu comme annoncé une « indemnisation » qui réclamera de son côté un arrêté pour être concrétisée. Cette somme s’ajoutera à la rémunération des actes et consultations réalisés pendant ces journées de solidarité territoriale dans les zones fragiles.
Demander peu à beaucoup de médecins
« Ce principe de solidarité territoriale permet de demander peu à un grand nombre de médecins, plutôt que de demander beaucoup à peu de médecins », a défendu Yannick Neuder, ministre de la Santé, lundi 12 mai, lors de la discussion générale, devant des sénateurs attentifs. Sans nommer explicitement la proposition de loi transpartisane du socialiste Guillaume Garot, le ministre cardiologue a décoché sa flèche : « Quand on est face à une pénurie médicale, ce n'est pas en régulant ou en faisant de la coercition que l’on va améliorer le nombre de médecins (…) Par contre, [c’est mieux] qu'il y ait une solidarité collective, pour que, par exemple, les plus jeunes fassent plus de gardes que les moins jeunes. L’important est d’avoir une offre de soins. »
Après l’adoption de cet amendement, le vote de l’ensemble du texte, scruté par la profession, est attendu mercredi 14 mai.
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