Il aura fallu moins d’une semaine pour que la quasi-totalité des syndicats de médecins libéraux, mono comme polycatégoriels, dénoncent les conclusions du rapport de l’Académie de Médecine pour améliorer l’accès aux soins, rendu public le 2 juillet.
Dans le collimateur des douze* organisations syndicales signataires, des remplaçants aux internes, en passant par SOS médecins, MG France ou encore la CSMF ? Le fond du propos, qui propose d’« assouplir » l’accès direct à certaines spécialités en grande tension, comme la dermatologie ou la rhumatologie. Mais aussi sa forme, les Académiciens n’hésitant à qualifier ce parcours de soins orchestré par le médecin traitant de « handicap particulièrement pénalisant en pédiatrie et en psychiatrie » quand il s’agit de prendre un rendez-vous. « Le médecin traitant n’est pas un obstacle, mais un repère », ripostent ainsi douze chefs de files syndicaux le 7 juillet. « Parler du parcours médecin traitant comme d’un handicap, c’est confondre la boussole avec l’ornière », insistent-ils dans un communiqué commun.
Pas un « gate keeper »
« Le parcours de soins tel qu’il a été défini avec la mise en place du médecin traitant est quelque chose qui améliore la prise en charge des patients, surtout à un moment où l’accès au second recours est extrêmement compliqué compte tenu des difficultés démographiques », analyse le Dr Bruno Perrouty, chef de file de la branche spécialiste de la CSMF. « Le généraliste n’est pas un gate-keeper chez qui on va chercher un bon de sortie. Il a un rôle de coordination. Ouvrir la voie à un accès direct à des spécialités de second recours aura surtout pour conséquence d’aggraver le problème d’accès aux soins », renchérit le Dr Franck Devulder. Comment ? En entraînant des pertes de chances pour les patients qui ont un réel besoin d’expertise et dont la consultation, programmée à la suite de l’adressage par le médecin traitant, risque d’être bousculée voire reportée sous le poids des demandes non programmées d’autres patients qui n’auront pas bénéficié, eux, de la régulation du médecin traitant, développe le président de la Conf’.
« Autant l’accès direct pour des spécialités comme la gynécologie ou la pédiatrie a tout son sens, mais il existe déjà (dans certains cas, NDLR), autant le passage devant un spécialiste d’organe sans aucun diagnostic préalable reviendrait, in fine, à embouteiller le système », résume la Dr Sophie Bauer, patronne du SML, à l’unisson des autres organisations syndicales. Les difficultés actuelles d’accès aux soins ne seront pas résolues en désorganisant davantage ce qui fonctionne, alertent les signataires. D’autant que ces difficultés « ne relèvent pas d’un excès de coordination, mais d’un manque de moyens de reconnaissance et d’attractivité pour la médecine générale », réaffirment-ils.
Pas de polémique
Ce qui n’est pas du tout l’avis du Dr Patrick Gasser. « Je ne veux pas engager de polémique, mais ce que dit l’Académie, c’est qu’il y a un problème d’accès aux soins, ce qui est vrai, et peut-être qu’on pourrait faire autrement », juge pour le patron d’Avenir Spé-Le Bloc, syndicat représentatif majoritaire chez les spécialistes qui n’a pas cosigné le communiqué de ses homologues. Logique, puisque la centrale propose de longue date d’autoriser dans quelques situations un accès direct aux spécialistes sans passer par la case médecin traitant, en cotant une consultation nouvelle à 60 euros. « Un gastro-entérologue qui voit un patient et qui l’adresse ensuite à un chirurgien, faut-il qu’il repasse nécessairement par le médecin traitant ? Doit-on toujours repasser par la case départ ? On marche sur la tête ! », estime le gastro-entérologue de Nantes. Pour autant, le Dr Gasser se défend de vouloir mettre à mal la coordination des soins. Ce qu’il suggère « ne remet pas en cause le rôle du médecin traitant, mais ce dernier a sans doute autre chose à faire qu’à émettre des bons pour envoyer les patients chez tel ou tel spécialiste. Médecin traitant, ce n’est pas faire que de l’orientation », argue-t-il.
* Médecins pour Demain, Isnar-IMG, SML, Jeunes médecins, CSMF, MG France, ISNI, FMF, InterComeli, UFML-Syndicat, SOS Médecins France, Reagjir
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