À Tourcoing (Nord), la violente agression le mardi 18 novembre d’un généraliste de SOS Médecins relance la question de la protection des professionnels de santé dans le cadre de leur exercice. Dans son édition du 20 novembre, « La Voix du Nord » donne la parole au Dr P., médecin généraliste d’une quarantaine d’années qui travaille dans un centre de l’association de cette commune difficile du Nord, limitrophe de la Belgique et qui affiche un taux de pauvreté de 29 % (le double de la moyenne française).
Mardi, le généraliste enchaîne les consultations dans son cabinet. Dans la salle d’attente, un enfant turbulent perturbe son travail. Le médecin demande alors à deux reprises à la mère du garçonnet « d’intervenir pour le calmer », raconte-t-il au quotidien régional. Le raffut se poursuit, la famille est prise en charge par un autre médecin du centre.
Menaces et invectives au quotidien
L’histoire aurait pu en rester là. Mais plus tard dans la journée, la mère de famille revient cette fois avec son mari très mécontent. Le ton monte, le médecin est bousculé, ses affaires jetées au sol. Le généraliste est ensuite projeté contre le mur, se blessant au coude, avant de recevoir un coup de poing dans les côtes, rapporte le journal. « Tout cela est allé très vite, explique la victime. J’essayais d’appeler la police mais il [l’agresseur, NDLR] a fait tomber mon téléphone. Ce monsieur disait qu’il allait m’apprendre à parler à sa femme et aux enfants. »
Des soignants du centre interviennent alors pour faire partir la famille, mais le mal est fait. Traumatisé, le médecin, qui a continué à travailler le jour de l’agression jusqu’à 22 heures avant de porter plainte le lendemain, s’interroge : « Je me demande si je vais continuer à exercer ce métier ». C’est la première fois qu’il subit une agression physique mais les menaces, les invectives et les cris font partie de son « lot quotidien ».
Une enquête a été ouverte pour « violence sur un professionnel de santé », a confirmé le 20 novembre le parquet de Lille à l’AFP. L'agresseur présumé, le père de l'enfant, s'est « présenté spontanément au commissariat » et a été placé en garde à vue mercredi soir, a également précisé le parquet.
« Casser du médecin »
Ce fait de violence rappelle par son mode opératoire l’agression en juillet d’un autre généraliste d’un centre lillois de l’association SOS. « Les personnes reviennent pour casser du médecin, dénonce le Dr Serge Bomoko, président de SOS Médecins Roubaix-Tourcoing-Nord métropole dans La Voix du Nord. Ils entrent dans le bâtiment en prétextant récupérer un document. À Lille, ou notre collègue a été violemment agressé, et où il n’a pas d’ailleurs pas repris son activité, c’était ce même subterfuge ». Pour le Dr Bomoko, lui-même généraliste, il s’agit là encore d’une « expédition punitive ». En signe de solidarité avec leur confrère agressé, SOS Médecins a annoncé la fermeture les 20 et 21 novembre des trois centres de Lille, Roubaix et Tourcoing.
En 2024, 400 médecins ont signalé des faits d’agression dans ce département. La même année, l’Assemblée nationale a adopté la loi Pradal, qui vise à renforcer la sécurité des soignants, notamment en aggravant les sanctions et en favorisant le dépôt de plainte.
« L’accès aux médecins généralistes et spécialistes se détériore encore », selon le collectif Nos services publics
Pr Paul Frappé (CMG) : « Le métier de généraliste a besoin d’une reconnaissance européenne »
« Asphyxie », « folie douce » : colère unanime des médecins libéraux face à un Ondam soins de ville « intenable »
« Excusez-moi du terme, mais c’est un peu la chienlit » : à La Grande-Motte, les cadres du SML sonnent l’alarme