L’Europe invalide la majoration fiscale française
En effet au terme d’une affaire qui aura duré de 2007 à 2023, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a jugé le 7 décembre 2023 que la majoration fiscale, mise en place par le législateur dès 2006 sur les revenus des contribuables choisissant de ne pas adhérer à une AGA ou à un organisme de gestion agréé (OGA) pour leurs déclarations au réel, viole l’article 1 du Protocole n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. S’agissant de la plus haute juridiction européenne en la matière, elle s’impose de fait aux juridictions françaises qui en avaient jugé à l’inverse. Cette décision majeure est applicable à toutes les situations similaires, et cela de manière rétroactive dans la limite de la forclusion.
Rappel historique - Lors de la réforme globale de l’impôt en 2006 (loi de finances pour 2006), le législateur français avait remplacé l’abattement de 20 % dont bénéficiaient les contribuables adhérents d’une AGA ou d’un OGA sur leurs revenus imposables, par une absence de majoration fiscale de 25 %. Entraînant de fait une pénalité fiscale de 25 % sur les revenus des contribuables déclarant au réel et choisissant de ne pas adhérer à une AGA ou une OGA. Cette mesure avait été contestée au plus haut niveau de notre juridiction française (Constitutionnalités et Conseil d’État), mais sans jamais aboutir. Puis dès 2019, le législateur français avait acté lui-même la disparition progressive de cette mesure, en la faisant passer à 20 % au titre des revenus de 2020, 15 % pour 2021, 10 % pour 2022 et suppression pure et simple dès le 1er janvier 2023.
Quels médecins sont directement concernés ?
Nombreux sont nos lecteurs exerçant en secteur 1 (installés et collaborateurs inclus) ayant choisi à partir de 2020-2021 d’utiliser la possibilité de déclarer leurs BNC en utilisant leur système national interrégime (SNIR) et les abattements conventionnels (Cf. QdM n° 9911 du 1er octobre 2021). Renonçant alors de fait à déclarer via leur AGA, ils acceptaient de subir la majoration fiscale déclarée illégale par la CEDH le 7 décembre 2023.
Jusqu’à quelle date obtenir le remboursement de votre supplément d’impôt ?
Si vous êtes concerné, deux cas de figure sont possibles selon le délai légal de forclusion.
1/ Dans la voie déclarative normale – Si vous avez déclaré hors AGA au printemps 2022 votre BNC de l’année 2021, vous avez jusqu’au 31 décembre 2024 pour réclamer le remboursement du supplément d’impôt correspondant à la majoration de 15 % que votre BNC a subi. Soit le délai classique bien connu de trois ans, plus l’année en cours. Et vous aurez jusqu’au 31 décembre 2025 pour votre revenu de 2022 (majoration de 10 % hors AGA). Par contre et à ce jour, dans la voie déclarative normale, vous ne pouvez plus prétendre à déposer une demande de remboursement du supplément d’impôt sur le revenu de l’année 2020 (majoration de 20 %) : le délai de réclamation est forclos.
2/ Dans la voie déclarative rectificative – Nombreux ont été nos lecteurs ayant découvert tardivement qu’ils avaient intérêt à annuler leur déclaration de revenus 2020 déposée initialement au printemps 2021 via leur AGA, au profit d’une déclaration rectificative hors AGA en utilisant le relevé SNIR et les abattements conventionnels. Beaucoup l’ont fait courant 2022, cette fois par voie de réclamation. Or dans ce cas précis, le délai de forclusion court à partir de la date d’avis d’imposition rectificatif de l’impôt contesté. Et donc au-delà du 31 décembre 2023, dès lors que le fisc vous aurait appliqué la pénalité de +20 % après le 31 décembre 2021. Par exemple, si vous aviez déposé votre déclaration rectificative (concernant 2020) fin 2022, l’avis d’imposition rectifié (concernant 2020) datant ici de début 2023 emporterait chez vous un délai de contestation (forclusion) allant jusqu’au 31 décembre 2025.
Le formalisme de votre réclamation
Afin de transmettre directement à votre service des impôts votre demande de restitution du supplément d’impôt dont vous vous êtes acquitté sur vos revenus des années non prescrites, vous utiliserez la messagerie sécurisée de votre compte fiscal sur impots.gouv.fr, en faisant référence à la décision de la CEDH du 7 décembre 2023 dont les références sont « Requête n° 26604/16 – Affaire Waldner/France ». Précision : si contre toute attente, vous êtes encore adhérent d’une AGA (mais… pourquoi ?), cette dernière n’est en rien concernée par votre demande de restitution du supplément d’impôt et n’a pas à être informée de votre démarche.
N’hésitez donc plus à formuler une réclamation sur vos BNC 2021 et 2022 - En raison du séisme fiscal du 7 décembre 2023, chez tous les médecins ayant exercé en secteur 1, il n’existe (presque) plus aucune entrave à réclamer l’application des deux avantages conventionnels du Groupe III et de la déduction de 3 %. Voire à utiliser leur relevé SNIR en lieu et place de leurs recettes réelles si cela est accepté. Il suffit de rectifier leur liasse fiscale n° 2035 en la déclarant cette fois hors AGA, tout en prévenant cette dernière si elle existe encore. Nous consulter.
Un avis, une question – Vous pouvez contacter plamperti@media-sante.com
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