Lundi 26 juin, une soixantaine de médecins généralistes du Valenciennois vont entrer officiellement « en résistance » en passant d'autorité à la consultation à 30 euros.
L'histoire a commencé il y a une quinzaine de jours. Afin d'alerter sur leurs conditions d’exercice et de protester contre le manque de considération à leur égard de la part des tutelles, un noyau de généralistes décide de mettre en route un « collectif » à Valenciennes avec l'objectif de basculer de façon concertée sur une cotation à 30 euros.
Le mouvement a pris comme une trainée de poudre. « On était cinq il y a quinze jours, puis le groupe WhatsApp est monté à 100 en une semaine, raconte au "Quotidien" le Dr Stéphane Decool, 62 ans, l’un des généralistes fers de lance de ce mouvement spontané de protestation tarifaire. La semaine suivante plus de 50 médecins ont fait le déplacement pour joindre la réunion que nous avons organisée. Maintenant, on est à 125 médecins inscrits sur le collectif. Une telle dynamique, en à peine deux semaines, prouve bien qu’il y a un problème et que tous les médecins cherchent à communiquer sur leur mal-être et celui de leurs patients. Nous, on est fait pour soigner les gens, pas pour leur dire "non" sur le pas de la porte et les remettre sur le trottoir en leur disant "désolé, débrouillez-vous, je n’ai pas de place" ».
« Appel au secours »
« C’est l’addition de plusieurs éléments qui a conduit à l’organisation de notre mouvement, parti d’un petit groupe de médecins de Valenciennes qui se rejoignent le mardi midi pour manger ensemble et profiter d’une petite soupape de décompression », développe aussi le Dr Alexandre Delobelle, 38 ans, installé dans la commune voisine de Marly depuis sept ans. À table forcément, on parle. Et notamment des conditions d’exercice et de la prise en charge des patients. « Valenciennes, depuis 2018, c’est 21 % de médecins en moins, souligne le Dr Delobelle. Rien que depuis le début de l’année, on a perdu trois généralistes qui ont moins de 40 ans ! On a réfléchi et on a trouvé cette action des 30 euros. Il fallait quelque chose de symbolique et de fort et qui rameute les gens. Mais je pense sincèrement qu’il n’y a pas un seul des médecins sur les 50 qui sont venus à notre réunion, lundi dernier, qui fasse ça pour l’argent. C’est un appel au secours et la façon la plus efficace que nous avons trouvée pour nous faire entendre ».
Un troisième généraliste membre du collectif, le Dr Clément Blangenois, 30 ans, également installé à Valenciennes, égrène la liste des sujets qui fâchent. « La chasse aux arrêts de travail par exemple, quand on regarde comment c’est fait, ce n’est que du chiffre, se désole-t-il. Hier soir, au cours de la réunion de garde, un collègue nous montrait un papier de la Sécu où il se fait "aligner" pour ses bons de transport. On lui reproche le fait qu’en trois ans, le nombre de ses prescriptions n’a pas diminué, mais il n’y a pas de réflexion sur le pourquoi de la part de la caisse. On a l’impression qu’on ne fait plus de l’humain, mais de la donnée, de la data, pour faire des économies. Ça devient terrible parce que ce sont nos patients qui vont payer cette approche comptable ».
Soutien spontané des patients
La question de la pénurie médicale et des risques de santé publique est mise en avant. « Ce C à 30, on fait ça aussi pour les patients. Ils sont de plus en plus nombreux à ne plus avoir de médecin traitant, ça en devient affolant. Chaque fois qu’on refuse quelqu’un parce qu’on ne peut pas le prendre, ce sont des gens qui ont des pertes de chance, parce qu’il y a un diagnostic à faire et qu’il n’est pas fait », alertent d’une même voix les trois praticiens.
Ces derniers peuvent compter sur le soutien de leur patientèle. Outre le fait que la majoration de 5 euros n’est « bien évidemment » pas appliquée aux assurés à 100 % ou aux bénéficiaires de la CMU, les trois généralistes, qui ont expliqué à leurs patients la raison de leur action, ont été surpris de voir certains d'entres eux rajouter spontanément cinq euros supplémentaires au moment de régler leur consultation.
La revalo de 1,50 euro « vexante »
« Cette action a débuté parce qu’on trouve aussi que 25 euros n’est pas le juste prix pour nos consultations qui sont plus compliquées qu’avant, compte tenu de la pénurie de médecins sur notre territoire et de la difficulté croissante d’avoir accès aux spécialistes, explique le Dr Decool. Valoriser les actes rendrait l’exercice plus attractif pour la médecine libérale et pourrait faire venir d’autres médecins. Nous avons tous trouvé la revalo de 1,50 euro du règlement arbitral pour le moins vexante. Et comme les mouvements de grève n’ont pas donné grand-chose, on a décidé de coter 30. Pour se faire entendre ».
La stratégie semble efficace. Des confrères de Maubeuge les ont déjà contactés pour savoir comment s’organiser et mener une action asyndicale et apolitique similaire. Jusqu’à risquer de s’attirer les foudres de l’Assurance-maladie ? « C’est bien sûr le risque et il y a une certaine crainte, mais le but du collectif, c’est justement d’être tous unis pour que l’on puisse se défendre si jamais l’un de nous se fait attaquer par la Sécu, que ce soit par des réprimandes, des amendes ou par une mise sous surveillance », rétorquent, déterminés, les trois généralistes valenciennois.
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