« Ce qui nous fâche avec ce gel tarifaire, même si on comprend les difficultés financières de l’Assurance-maladie, c’est que la solution pour faire des économies n’est pas de faire les poches des médecins qui sont déjà au bas de l’échelle des revenus », peste la Dr Brigitte Virey. La cheffe de file du Syndicat national des pédiatres français (SNPF, libéraux), et première vice-présidente d’Avenir Spé-Le Bloc a sorti la calculette. Elle estime à « environ 5 000 euros » le manque à gagner pour les quelque 2 700 pédiatres libéraux qui se verront priver pour six mois des revalorisations ciblées qui devait intervenir ce 1er juillet. Pour mémoire, il s’agit en particulier des trois consultations obligatoires avec certificat qui devaient être tarifées à 60 euros (contre 54 euros). D’autres examens obligatoires jusqu’à 2 ans devraient être revalorisés (de 45 à 50 euros), tout comme des consultations de suivi courant pour les moins de 2 ans (de 39 à 40 euros).
Injustice et incohérence
Le sentiment d’injustice est d’autant plus prégnant chez les pédiatres que « le président de la République, comme le ministre de la Santé, ont fait plusieurs annonces pour dire que la santé des enfants et des adolescents était une préoccupation majeure de la nation », souligne la Dr Virey. Or, ce gel des honoraires impacte les pédiatres et les pédopsychiatres, deux spécialités en première ligne dans le suivi de ce jeune public en souffrance. « Où est la logique ? », s’interroge-t-elle. Une aberration que pédiatres et psychiatres dénoncent ce lundi dans un communiqué conjoint intitulé « La médecine de l’enfant et la santé mentale, victimes collatérales du gel des tarifs conventionnels », texte cosigné par la Dr Virey et le Dr Élie Winter, président de l’Association française des psychiatres d’exercice privé et du Syndicat national des psychiatres privés.
Du côté du Syndicat des psychiatres français (SPF), le Dr Maurice Bensoussan fustige « ce choix politique très discutable alors que les psychiatres libéraux ont besoin d’être remobilisés pour s’inscrire dans des pratiques territoriales, dans une amélioration de la fluidité des parcours ». Pour cette spécialité, la suspension impacte plusieurs revalorisations attendues en juillet. D’abord la hausse de la consultation de référence à 57 euros (contre 55 euros) en incluant la majoration de coordination de 5 euros (MCS). D’autres coups de pouce tarifaires avaient été prévus pour la pédopsychiatrie en juillet (75 euros la consultation contre 67 euros), tout comme la hausse de plusieurs consultations complexes. « La Cnam fait des économies directes mais on ne regarde pas tous les coûts induits par le retard dans l’accès aux soins et l’afflux des patients aux urgences faute de psychiatres en ville, des hospitalisations qui auraient pu être évitées », se désole le spécialiste.
Le ton est aussi très critique du côté du Syndicat national des dermatologues-vénéréologues (SNDV). Son président, le Dr Luc Sulimovic, souligne que la hausse programmée de la consultation coordonnée de dépistage du mélanome (CDE) à hauteur de six euros (de 54 euros à 60 euros) était particulièrement attendue par la spécialité qui réalise 1,1 million de CDE par an pour 2 093 dermatologues libéraux. « C’est un acte clé pour nous ! Contrairement à ce que dit le ministre, les dermatologues ne font pas que de la médecine esthétique », s’agace le Dr Sulimovic, qui a lui aussi fait ses calculs. « Cela va représenter un manque à gagner de 1 400 euros pour nous et une économie de… trois millions d’euros pour la Cnam sur les six mois. C’est ridicule », déclare le spécialiste.
Contrairement à ce que dit le ministre, les dermatologues ne font pas que de la médecine esthétique
Dr Luc Sulimovic, président du SNDV
Mépris
Pour les gynécologues médicaux, la consultation de référence devait être valorisée de 37 à 40 euros, toujours en incluant la majoration MCS. « C’était notre petite bulle d’air, pour nous qui sommes aussi dans le bas de l’échelle des revenus », témoigne la Dr Joëlle Robion. Cette gynécologue médicale de secteur1 exerce dans une maison de santé en Seine-et-Marne au sein de laquelle travaillent également deux kinés. « Eux aussi sont concernés et sont particulièrement remontés ! Ils comptent manifester à Paris le mardi 1er juillet, à l’appel de l’UNPS ».
Quant aux quelque 2 500 gynécologues libéraux (dont 1 000 médicaux, directement pénalisés), certains se préparent à la mobilisation. « Je ne sais pas ce que décideront les syndicats mais je crois savoir que des rendez-vous sont programmés cette semaine dans plusieurs centrales de médecins libéraux », poursuit la praticienne adhérente d’Avenir Spé–Le Bloc. Qui envisage d’anticiper son départ à la retraite. « Il me reste un an et demi mais je pense arrêter en décembre, confie-t-elle. D’autant que nos représentants syndicaux nous disent être très inquiets quant à une possible reconduction de ce gel tarifaire le 1er janvier prochain ».
Au-delà des conséquences sur les honoraires, la méthode qui a abouti à suspendre les revalorisations pour six mois a exaspéré nombre de praticiens. « Elle témoigne d’un profond mépris pour la médecine libérale et revient à une remise en cause du pacte conventionnel », résume la Dr Robion, à l’unisson de plusieurs praticiens joints par Le Quotidien depuis jeudi.
Président de l’Union nationale des professionnels de santé (UNPS, libéraux), Sébastien Guérard assure être en contact avec l’ensemble des organisations de médecins libéraux pour préparer la riposte. Selon le président de la FFMKR (kinés), plusieurs syndicats médicaux pourraient s’associer à une manifestation parisienne du 1er juillet pour dénoncer le « coup de canif au contrat » conventionnel.
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