Les représentants des biologistes n'ont pas décoléré de tout l'été. Après l'annonce, fin juin, dans le rapport « Charges et produits », d’une nouvelle prévision d’économies massives (180 millions d'euros) à réaliser sur les dépenses de biologie médicale en 2020, les quatre syndicats représentatifs des biologistes médicaux libéraux avaient pris la décision de quitter la table des négociations de leur protocole d’accord triennal avec la CNAM.
Après avoir écrit une lettre au directeur de l'Assurance-maladie Nicolas Revel, « restée sans réponse », où ils réclamaient des propositions compatibles avec le maintien des missions des biologistes médicaux dans les territoires, syndicats et représentants de la profession* ont publié un courrier d'alerte destiné à tous les biologistes libéraux.
Ils y expliquent que la baisse de tarifs de 180 millions d’euros est « inédite par son ampleur » et s’annonce comme « un point de rupture économique pour la profession ». Pour eux, cette offensive serait le signe d’une volonté d’en finir avec un modèle de biologie médicale, qui conjugue « qualité, proximité et innovation ». « La baisse exigée représente un effort de -4,8 % sur une enveloppe de 3,7 milliards d’euros. Les dépenses de biologie médicale sont strictement contenues par un taux d’évolution de 0,25 % par an depuis 6 ans, très deçà de l’augmentation votée de l’ONDAM (+2,5 % en 2019) pour les autres secteurs de soins », rappellent les auteurs de la lettre.
Erreur stratégique
Selon eux, toute restructuration supplémentaire se traduira par la fermeture de nombreux sites de proximité jugés insuffisamment rentables, et donc par le licenciement de salariés du secteur et d'une perte de qualité. « Il s’agit d’une erreur stratégique majeure sur le plan économique et de la santé publique. Les États-Unis ou la Belgique, qui avaient fait le pari d’une biologie médicale industrielle sans biologistes médicaux, sont en train de faire machine arrière », assurent les représentants du secteur. Fermer des laboratoires, c’est contribuer « à dégrader encore un peu plus l’offre de soins primaires », plaident-ils.
La profession « n’est pas rétive au changement », comme l'ont prouvé les chantiers menés concernant l’accréditation mais la profession se refuse à évoluer vers un modèle industriel « sans plus-value médicale ».
Fermetures envisagées
Les représentants de la profession invitent les biologistes à faire connaître « largement » leurs craintes et revendications auprès des patients, des élus et des décideurs. Une lettre à l’ensemble des élus sera envoyée dans les jours qui viennent, « pour les informer d’une situation devenue très préoccupante ». Des éléments de communication sont à l'étude pour sensibiliser les 500 000 patients « pris en charge quotidiennement » sur la politique économique menée et ses conséquences.
Surtout, un plan de fermeture de l’ensemble des laboratoires pour tous les sites (hors établissements de soins), chaque après-midi, est envisagé dans la semaine du 11 septembre, date de la prochaine réunion avec la CNAM, si celle-ci n’est pas constructive. « Ce bras de fer est malheureusement la seule voie possible pour permettre de retrouver les conditions d’un dialogue constructif », concluent les biologistes médicaux.
* Syndicat des biologistes (SDB), Syndicat des jeunes biologistes médicaux (SJBM), Syndicat national des médecins biologistes (SNMB), Syndicat des laboratoires de biologie clinique (SLBC), Fédération des syndicats d'internes en pharmacie et biologie médicale, Association pour le progrès de la biologie médicale et présidents des principaux groupes de laboratoires.
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