Portées par les libéraux un peu partout dans les territoires, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) apparaissent a priori comme des acteurs clés pour gérer la crise sanitaire. Mais quelles actions ont-elles pu vraiment mener ? Avec quels acteurs du territoire ont-elles travaillé ? Quels freins ont-elles rencontrés ? Pour le savoir, la direction de l’offre des soins (DGOS, ministère) a interrogé 34 CPTS*.
L'enquête montre que les collectifs de libéraux ont su s’adapter pour répondre aux besoins des professionnels de santé et de la population au déclenchement de la crise du Covid, quel que soit leur degré de maturité. Toutes les CPTS répondants ont assuré l’approvisionnement en équipement de protection individuelle (EPI) aux professionnels de santé et aux aides à domicile. Cela passe par l’inventaire de matériels, leur récupération puis leur distribution. La CPTS du Douaisis a créé une filière locale de confection de masques en tissu avec des couturières bénévoles. Celle de Nancy a mis en place une filière de distribution en partenariat avec le Lions Clubs, la mairie, les ordres professionnels.
La deuxième action constante proposée par les CPTS est d'assurer l’accès aux soins des patients atteints du Covid. Pour cela, elles ont créé des centres Covid, organisé des accès spécifiques dans les cabinets et maisons de santé pluriprofessionnelles ou encore mis en place des équipes mobiles Covid infirmières pour le suivi à domicile, avec une attention particulière à la prévention et aux patients fragiles. Les CPTS ont pu s’appuyer sur l’aide logistique des collectivités locales, des hôpitaux publics ou privés pour la mise à disposition des locaux dédiés par exemple.
Pendant cette crise, les professionnels de santé avaient besoin d’informations et de conseils. Là aussi, les CPTS ont rempli ce rôle, en proposant des données scientifiques valides, des guides de bonnes pratiques, des protocoles spécifiques… Plusieurs collectifs de libéraux ont même créé des cellules de soutien psychologique pour épauler les professionnels de santé (CPTS Haute Tarentaise) ou une astreinte téléphonique de psychologues pour le public et les professionnels de santé (CPTS de Metz). Cette gestion de l’épidémie a aussi permis aux CPTS de créer ou d’approfondir de nombreuses coopérations avec les services des urgences en participant à la régulation au centre 15 et avec les EHPAD. Dans plusieurs régions, comme le Centre Val-de-Loire, les coopérations inter-CPTS ont été stimulées pour mutualiser « les moyens d’action ainsi que les communications avec les institutions », selon la DGOS.
Des freins du côté des ARS
Pour remplir leur mission, les CPTS ont reçu une aide constante, tant financière que logistique, de la part des collectivités territoriales et dans une moindre mesure celle des ARS, de l’assurance maladie et des URPS. Néanmoins, les structures répondant ont évoqué plusieurs difficultés : la course au matériel en raison de la pénurie des EPI, le manque de moyens dédiés à la gestion de la crise ou encore les relations « hétérogènes » avec les ARS. Certaines sont très « accueillantes et aidantes » tandis que d'autres « non réactives » voire « absentes ». Les CPTS ont aussi été confrontées à l’absence de transparence (multiplicité des protocoles et injonctions venant d’en haut, changement de doctrine…), à la multitude de cellule de crise donc d’interlocuteurs ou encore à la communication parfois difficile avec l’hôpital (absence de messagerie sécurisée commune et de SI compatibles).
Selon la DGOS, les CPTS ont effectué « pleinement leurs missions » fixées dans l’accord conventionnel interprofessionnel (ACI, accès aux médecins traitants, accès aux soins non programmés, accompagnement des professionnels.) mais elles sont allées encore plus loin sur le plan de la gestion de crise. À la suite du Ségur de la santé, certaines lignes devraient bouger pour développer ces organisations collectives. Au dernier bilan présenté par la CNAM, 580 CPTS étaient en projets dont 24 signataires de l'ACI CPTS. L'objectif fixé par Emmanuel Macron : 1 000 CPTS en 2022.
Ce que les CPTS proposent
Les CPTS ont formulé des propositions pour accélérer leur développement. Elles souhaitent une simplification administrative pour accélérer le processus d’adhésion à l’accord conventionnel interprofessionnel (ACI). Dans les territoires encore dépourvus d'une telle organisation mais en présence de professionnels qui se sont organisés pour gérer la crise, la phase d'amorçage du dispositif doit être facilitée et financée rapidement. Certaines réclament aussi d’adapter l’ACI pour augmenter le financement des postes de coordinateurs et prévoir une enveloppe pour la gestion des crises sanitaires (outils, indemnisation des libéraux consacrant du temps à la coordination). Enfin, elles proposent de participer à la préparation et à la mise en œuvre d’un « plan blanc ambulatoire » en cas de crise sanitaire (mise en place de cellules de crise par département, répartition des tâches entre les acteurs institutions et professionnels, organisation et le suivi des files actives de patients infectés, etc.).
* Atlantique Nord (PDL), Arles (PACA), Pays d’Auray (Bretagne), Boischaut Nord (CVL), Pays de Bourges (CVL), Bray et Bresle (Normandie), Bretagne romantique Dol Baie du Mont St-Michel (Bretagne), Bugey Sud (ARA), Centre Hérault (Occitanie), Champigny/marne (IDF), Colomiers (Occitanie), Noé Santé (IDF), Pévèle en Douaisis (HDF), Haute-Tarentaise (ARA), Liévin (HDF), Mauléon (NAQA), Metz (GE), Moselle Sud (GE), Nancy (GE), Nord-Cantal (ARA), Paris XIe, Paris XVIIIe (IDF), Quimper (Bretagne), Rueil-Malmaison (IDF), Saint-Dizier (GE), Sud 28 (CVL), Sud-est Grenoble (ARA), Sud lochois (CVL), Sud Toulois (GE), Sud vVlence (ARA), Sud Vendée (PDL), Val d’Yvette (IDF), Vénissieux (ARA), Vexin (IDF)
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