LE QUOTIDIEN : L'accord conventionnel interprofessionnel (ACI), signé il y a un an, devait enclencher une dynamique de création des 1 000 CPTS programmées par Emmanuel Macron en 2022. Mais ces collectifs libéraux de soins peinent à décoller. Quelles sont les difficultés ?
DR CLAUDE LEICHER : Il y a aujourd'hui près de 600 projets sur le territoire mais seulement 40 CPTS signataires de l’accord conventionnel interprofessionnel. Monter une communauté reste trop complexe et demande du temps. Deux ans sont nécessaires pour passer du projet à la réalisation en raison du grand nombre de professionnels concernés ! Il faut les fédérer, identifier les besoins, établir un diagnostic territorial, rédiger un projet de santé puis une lettre d’intention. Enfin, il faut formaliser tout ça dans un contrat en vue d’une signature de l’ACI… Nous devons simplifier les modalités d'adhésion et de suivi du contrat. Surtout, le financement des CPTS doit être augmenté.
Les négociations interpro démarrent ce jeudi 24 septembre entre la CNAM et l'ensemble des professions concernées. Quelles devraient être les priorités ?
Elles sont simples. Les porteurs de projet doivent être accompagnés de façon précoce dans la création de leur CPTS. Pendant cette phase d'amorçage, les dotations attribuées par le fonds d’intervention régional (FIR) doivent être améliorées pour financer un coordinateur de projet afin d'aider à établir le diagnostic territorial, rédiger la lettre d’intention et le contrat conventionnel. Ce dernier doit être simplifié, beaucoup plus souple pour s'adapter aux aléas, comme le départ des médecins retraités, une crise sanitaire…
Dès la validation de la lettre d’intention, l'entrée dans l'ACI devrait être automatique pour éviter toute insécurité financière. Et pendant cette année blanche, la future CPTS ne devrait pas avoir d'objectifs, afin de lui permettre de finaliser son projet de santé, de construire l'équipe et le contrat – tout en bénéficiant d'une dotation de fonctionnement.
Après le démarrage enfin, les financements actuels pour chaque mission sont insuffisants. À terme, nous souhaitons une hausse de 50 % du budget total pour les CPTS. Aujourd'hui, il y a encore beaucoup de bénévolat.
La prise en charge des soins non programmés est l’une des missions socles des CPTS. Comment valoriser l’implication des médecins ?
C’est un point de blocage car les sommes allouées sont totalement insuffisantes! Aujourd'hui, les collectifs disposent d’un montant de 10 000 euros à 20 000 euros [selon la taille de la CPTS] à verser sous forme d’honoraires au titre de cette mission. Une enveloppe de 30 000 à 70 000 euros est aussi prévue si la CPTS propose un dispositif de régulation des demandes de soins non programmés. Il faudrait aussi pouvoir indemniser les professionnels lorsque les plages de disponibilité dégagées n’ont pas été prises.
C’est pourquoi il est crucial d'ouvrir des négociations avec les médecins libéraux pour valoriser leur engagement direct. Aux négociateurs de décider si cette rémunération bénéficie individuellement à chaque médecin, sous réserve de son adhésion à une organisation territoriale coordonnée comme une CPTS, ou si cette dotation s'ajoute aux enveloppes forfaitaires déjà prévues. En tout cas, l'articulation entre les conventions interprofessionnelle et monoprofessionnelle sera essentielle.
Les équipes de soins primaires vont bénéficier d'un appui conventionnel. Mais le ministre ne souhaite pas octroyer de rémunérations individuelles pour des coopérations qui ne seraient pas structurées à l'échelle d'une patientèle. Il a raison ?
Oui. Cela veut dire que l’activité des médecins ne sera valorisée que s’ils acceptent de s’inscrire dans un cadre d’exercice coordonné pluriprofessionnel sur un territoire. C’est une évolution fondatrice ! Les médecins peuvent très bien avoir une activité libérale dirigée vers une patientèle mais aussi être mobilisés pour rendre service à une population d’un territoire, et donc rémunérés à ce titre. À travers l'avenant à négocier, les équipes de soins primaires recevront une dotation pérenne comme pour les maisons de santé et les CPTS. La coordination sera indemnisée pour les réunions des membres de l'équipe.
Certains syndicats, comme le SML, défendent des équipes de soins libérales ouvertes, sans aucun formalisme. Qu'en pensez-vous ?
Je ne vois pas de différence avec les équipes de soins primaires déjà prévues. Il ne s’agit pas d'ajouter des contraintes mais l’équipe doit formaliser un minimum ce qu’elle fait et montrer les résultats si elle veut que le financeur mette de l’argent ! Cette idée d'équipes libérales ouvertes, c'est un combat d’arrière-garde mené par certains pendant le Ségur de la santé.
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique