Entretien avec un médecin généraliste de la CPTS de Vénissieux

Dr Pascal Dureau : « La coordination ouvre la voie à un modèle économique qui n'est plus basé sur l'acte »

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Publié le 20/01/2020
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La première communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) de France, basée à Vénissieux, expérimentera dès cette année l'incitation à une prise en charge partagée (IPEP). Médecin généraliste de cette CPTS, le Dr Pascal Dureau explique l'intérêt de ce financement dérogatoire au paiement à l'acte.

Crédit photo : DR

LE QUOTIDIEN : La CPTS de Vénissieux a été retenue pour expérimenter pendant quatre ans l'incitation à une prise en charge partagée (IPEP), financement dérogatoire créé par l'article 51. De quoi s'agit-il ?

Dr PASCAL DUREAU : Fin 2019, nous avons répondu à un appel à candidature du ministère de la Santé pour expérimenter l'IPEP. Il s'agit d'inciter les professionnels de santé à tester une organisation territoriale pour améliorer la prise en charge de la patientèle commune et le service rendu avec un mode de financement forfaitaire collectif [intéressement en complément du paiement à l'acte, NDLR].

Sur notre territoire, nous avons identifié des problèmes d'accès aux soins pour les patients qui présentent à la fois une insuffisance cardiaque, une insuffisance rénale et du diabète, qui ont des difficultés à se déplacer. Par ailleurs, ces consultations sont souvent "consommatrices" de temps pour les spécialistes. L'idée est de gagner en efficience tout en réduisant le nombre de consultations. Ce faisant, on fait gagner du temps aux médecins et aux patients.

Comment cela va se passer ?

Aujourd'hui, ces patients sont vus au minimum une fois par an par un néphrologue, un cardiologue et un diabétologue membres de la CPTS. Nous souhaitons réduire à trois le nombre de ces consultations spécialistes pour 50 patients inclus dans le projet en 2020.

Pour cela, nous allons mettre en place un télésuivi à domicile par l'infirmier. L'équipe de spécialistes va définir précisément des paramètres comme le poids, la fréquence cardiaque ou l'hypertension artérielle à surveiller et à rapporter régulièrement par l'infirmier. Les données recueillies sont partagées entre les médecins sur des plateformes d'échange comme « Mespatients ». En cas de problème comme une augmentation soudaine du poids, les médecins seront tout de suite prévenus et pourront intervenir rapidement. Les médecins traitants seront inclus dans la boucle.

Comment les professionnels de santé vont-ils être rémunérés ?

La coordination dans une CPTS ouvre la voie à un modèle économique qui n'est plus basé sur l'acte. Une négociation va démarrer la semaine prochaine au ministère de la Santé pour définir le montant du forfait qui doit nous être alloué. Cette enveloppe va dépendre de critères relatifs à la qualité de la prise en charge des patients et à la maîtrise des dépenses. 

Ensuite, nous devrons nous entendre sur sa répartition pour chaque professionnel de santé intervenant au service de cette patientèle. Nous pensons donner davantage aux professionnels de proximité comme l'infirmier et un peu moins aux médecins. Si on s'aperçoit que le suivi coordonné du patient permet d'économiser 2 000 euros par an, on décidera que la moitié du montant ira au professionnel qui assure le quotidien – qui est le plus souvent l'infirmier.

Propos recueillis par Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin