Dans le déluge des plus de 700 amendements déposés sur la proposition de loi « pour améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels » imaginée par le député Horizons, Frédéric Valletoux, le tri s'est d'abord fait naturellement.
Les députés de la commission des affaires sociales ont commencé à débroussailler le terrain à partir de lundi après-midi dans un esprit constructif. Entre les nombreux doublons – preuve que les parlementaires de tous bords se rejoignent sur beaucoup de points – et les articles jugés irrecevables pour des raisons budgétaires (un amendement ne peut pas aggraver la charge publique) ou parce que sans rapport direct avec l'objet de la PPL, un premier nettoyage de 200 amendements s'est déjà opéré.
Préavis de six mois avant de déplaquer
Lundi soir, en fin de séance, la commission était arrivée au troisième article de la PPL et avait déjà conservé 42 amendements dont plusieurs du fameux groupe de travail transpartisan mené par le député socialiste de la Mayenne, Guillaume Garot, lui-même défenseur de mesures directives. L'un d'eux agace déjà la profession : c'est l'obligation pour les libéraux de respecter un préavis de six mois avant de déplaquer, en devant prévenir l'ARS et leur Ordre. Des cas de force majeure, notamment de maladie grave, pourront néanmoins être prévus par décret. « Cette mesure doit permettre aux autorités d'anticiper la situation et de disposer du temps nécessaire pour s'organiser afin que l'accès aux soins continue d'être assuré », font valoir les députés du groupe. Une mesure également proposée par les députés de la Nupes.
S'agissant du moment de l'installation, la nécessité de lutter contre les effets d'aubaine est apparue évidente à la commission des affaires sociales. Ainsi, les aides à l'installation et les exonérations fiscales ne pourraient être accordées à nouveau qu'après un délai de dix ans. Un amendement similaire a été déposé par des députés centristes et par le groupe transpartisan. Dans le même temps, la nécessité de déployer des « guichets uniques » d'aide à l'installation dans chaque département a réuni un large consensus, une partie des députés proposant que ce guichet puisse accompagner les libéraux tout au long de leur carrière.
Fonctionnaires territoriaux en renfort
Le député Laurent Marcangeli a profité de l'occasion pour transformer une proposition de loi récente du groupe Horizons en amendement : ouvrir aux maisons de santé et cabinets libéraux le bénéfice de la mise à disposition de fonctionnaires territoriaux.
Et dans les centres de santé, les députés centristes ont proposé que les médecins exerçant comme contractuels de la fonction publique puissent jouer les prolongations jusqu'à l'âge de 72 ans, au lieu de 67 ans actuellement…
Les députés se sont ensuite appesantis sur les conseils territoriaux de santé (CTS), un dispositif local issu de la Touraine de 2016 resté « coquille vide », selon Frédéric Valletoux. « Il s'agit de faire du territoire de santé le périmètre de référence de la déclinaison locale des politiques, a argumenté l'ancien président de la FHF. Les CTS seront le lieu de pérennisation des CNR santé ». Les députés de la Nupes ont repris à leur compte une proposition de la CSMF visant à « rajouter les représentants des associations de permanence des soins, du service d’accès aux soins, des équipes de soins spécialisés, à la liste des participants au conseil territorial de santé ». Une façon d'associer directement la profession à cette gouvernance locale.
Insécurité sociale
L'examen des amendements en commission se poursuivra ce mercredi. « Six millions de Français n'ont pas de médecin traitant et c'est vécu comme une insécurité sociale dans le pays, qui a fait de la Sécurité sociale un des fondements de son vivre ensemble », a plaidé Guillaume Garot. Et le député PS de rappeler la constitution du groupe transpartisan « avec des députés de droite, de gauche et du centre ayant le souci de trouver des solutions qui puissent nous rassembler dans une intelligence collective ». La séance publique aura lieu du 12 au 15 juin.
Du côté des syndicats de jeunes médecins, la pêche aux amendements a été maigre. Seuls deux amendements – sur les onze proposés conjointement par l’Anemf, l’Isnar-IMG et Reagjir – ont été retenus par la commission des affaires sociales. Le premier concerne l’accompagnement des jeunes « dans la construction de leur projet professionnel d’installation » via la généralisation des guichets uniques départementaux. L'autre a trait à la détermination des zonages de l’offre de soins réalisé par les ARS. Les trois syndicats demandent que ces derniers soient effectués annuellement et non plus tous les quatre ans, comme actuellement. Mais exit les mesures prioritaires pour les juniors, comme le report de la 4e année d'internat de médecine générale, un conventionnement spécifique pour les remplaçants ou encore la valorisation de l’allocation perçue dans le cadre du contrat d’engagement de service public (jugée irrecevable). « Ce qui nous a surtout irrités, hier, c’est la teneur des échanges (...) Nous avons entendu des propos extrêmement violents sur les médecins libéraux accusés de tous les maux, qui devaient accepter les contraintes, comme tout le monde », témoigne le Dr Raphaël Dachicourt, secrétaire général de Reagjir. Les syndicats juniors entendent revenir à la charge la semaine prochaine. « Ces amendements qui n’ont pas été retenus, nous continuerons à les porter, d’une manière ou d’une autre lors des discussions en séance plénière », prévient le Dr Dachicourt.
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