À l’heure où se construit déjà le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2021, dans un contexte budgétaire très marqué par la crise sanitaire, la CNAM prescrit – dans son traditionnel rapport annuel « charges et produits » – un plan d’économies de 1,07 milliard d’euros pour l'an prochain (tableau ci-dessous), soit presque deux fois moins qu'en 2020 (2,07 milliards). Ces efforts n'incluent pas les mesures sur les prix des produits de santé (sous la houlette du comité économique des produits de santé – CEPS) et la régulation gouvernementale du médicament (clauses de sauvegarde sur le chiffre d’affaires).
Récapitulatif des économies attendues des actions
de l'Assurance-maladie en 2021 (millions d'euros)
Source CNAM
Pour l'Assurance-maladie, l'heure n'est donc pas à la cure d'austérité mais aux programmes de maîtrise médicalisée et de pertinence des soins. La très nette baisse du volant d'économies attendues est justifiée par « la moindre progression des soins de ville qui se traduira par un effet de base potentiellement favorable ». L'activité libérale (médecins, dentistes, kinés, infirmières...) s'étant partiellement effondrée pendant plusieurs mois, il semblerait peu judicieux de réclamer des efforts supplémentaires.
Antidiabétiques, hypolipémiants : cap sur la juste prescription
Pour traquer les dépenses inutiles, la CNAM mise principalement sur le bon usage des produits de santé. Elle attend 462 millions d'euros d'économies à ce titre dont 322 millions d'euros sur la prescription efficiente de médicaments.
La « juste prescription des antidiabétiques » doit procurer 25 millions d'euros d'économies, grâce à une nouvelle action d'accompagnement des généralistes. « Le recours à la metformine reste trop faible par rapport aux recommandations », constate la CNAM qui identifie plusieurs points d'amélioration (recours insuffisant en initiation du traitement, prescription en dessous du dosage optimal, arrêt fréquent). Lancée en septembre 2020, l'action concernera près de 26 000 généralistes, identifiés comme moindre prescripteurs de metformine en initiation de traitement ou en traitement au long cours des patients diabétiques de type 2.
Le « bon usage des nouveaux hypolipémiants » est au programme. Quelque 35 millions d'euros sont attendus grâce notamment à des actions de sensibilisation au mésusage de l'ézétimibe seul ou associé par certains prescripteurs (généralistes, cardiologues, endocrinologues). L'objectif est d'accompagner ces praticiens qui ne respectent pas la stratégie thérapeutique des traitements hypolipémiants de deuxième ligne. Parallèlement, la CNAM a décidé la mise sous demande d'accord préalable « d'ici à la fin de l'année 2020 » des anti-PCSK9, médicaments de 3e intention qui représentent une innovation dans la prise en charge des désordres lipidiques. La CNAM veut éviter un minimum de 10 millions d'euros liés à des prescriptions non conformes, un « enjeu majeur de santé publique ainsi que financier ».
Dispensation adaptée et DM
Nouveauté, la caisse mise sur la dispensation adaptée, dispositif conclu avec les pharmaciens qui permet aux officinaux d'ajuster la délivrance de la quantité pertinente de médicaments afin d’éviter le risque de mésusage (60 millions d'euros sont espérés).
La diffusion des génériques doit procurer 45 millions. La caisse fait valoir que le taux de recours à la mention « non substituable » (NS) est en baisse et atteint 3,2 % en 2020 (soit 4,6 points de moins que fin 2019).
La CNAM poursuit en 2021 ses actions ciblées sur les dispositifs médicaux inscrits à la liste des produits et prestations (LPP) avec trois nouveaux modèles de prescription valant demande d'accord préalable : sièges coquilles, traitement par oxygénothérapie de long terme et prothèses mammaires externes. 100 millions d'économies sont visés.
Biologie et radiologie : des protocoles négociés plutôt que le rabot
Sur les actes et prescriptions (autres que produits de santé), la CNAM veut épargner 438 millions d'euros dont 100 millions pour le seul poste des indemnités journalières (ce qui équivaut à la diminution d'une journée de prescription pour la moitié des arrêts maladie). Outre les échanges confraternels auprès des généralistes et chirurgiens, et les visites de délégués de l'assurance-maladie, la CNAM mise sur l'expérimentation de « plateformes de services départementales » pour prévenir la désertion professionnelle. 25 territoires sont concernés d'octobre 2020 à fin 2021.
Le rapport programme aussi 30 millions au titre de la pertinence des analyses de biologie (contre 180 millions l'an passé). Plutôt que des décotes unilatérales, les biologistes et la CNAM ont négocié des économies dans le cadre d'un protocole triennal renouvelé (2020-2022) qui privilégie la maîtrise médicalisée (dosage d'hormones thyroïdiennes, choix des examens en cas de suspicion de carence en fer, etc.).
Même approche médicalisée sur l'imagerie : 58 millions d'euros sont attendus en prolongeant les actions négociées avec les radiologues (imagerie lombaire, produits de contrastes, radios du thorax, de l'abdomen et du crâne, etc.).
Comme les années précédentes, la CNAM mise sur la diffusion des programmes PRADO (maternité, chirurgie, insuffisance cardiaque et BPCO qui accompagnent le retour à domicile de près de deux millions de patients). Nouveauté : la caisse espère éviter 5 millions d'euros l'an prochain sur les opérations de chirurgie bariatrique à la faveur d'une procédure d'accord préalable dématérialisée.
Enfin, la lutte contre la fraude et les abus reste une priorité. La CNAM renforcera ses actions de contrôle face aux risques nouveaux dont les fraudes complexes en bande organisée. Un partenariat est en cours avec Polytechnique pour des travaux sur un big data concernant les médicaments.
Pas d'économies à l'hôpital ? Des efforts qui ont disparu...
Outre son adaptation au contexte de crise, la CNAM a privilégié les cibles de dépenses qu'elle maîtrise directement, donc principalement en médecine de ville. Plusieurs postes ont ainsi totalement disparu du tableau des économies comme la gestion de la liste en sus à l'hôpital (100 millions l'an passé), la chirurgie ambulatoire (200 millions) ou les traitements facturés par les établissements. À la lumière de ce programme, le secteur hospitalier semble ainsi très largement épargné à la veille d'annonces dans le cadre du Ségur de la santé...
Quatre généralistes font vivre à tour de rôle un cabinet éphémère d’un village du Jura dépourvu de médecin
En direct du CMGF 2025
Un généraliste, c’est quoi ? Au CMGF, le nouveau référentiel métier redéfinit les contours de la profession
« Ce que fait le député Garot, c’est du sabotage ! » : la nouvelle présidente de Médecins pour demain à l’offensive
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur