Des spécialités fragilisées, des territoires qui se dépeuplent médicalement. Le nouvel atlas de la démographie médicale dresse un tableau sombre de l'accès aux soins.
Même si la France n’a jamais compté autant de praticiens inscrits, le nombre de médecins en « activité régulière » – ni retraités, ni remplaçants – baisse (lire ci-dessous). Résultat : non seulement les inégalités territoriales persistent mais elles se creusent dans les départements déjà touchés, comme le traduisent les écarts de densités départementales (carte).
La densité moyenne s'établit à 270,3 médecins pour 100 000 habitants, avec des disparités du simple au quadruple, entre Paris (687), la Mayenne (167), l'Ain (162) ou l'Eure (154). « Les plus hautes densités sont caractérisées par un phénomène de métropolisation. Les grandes villes bénéficient d'une prime de l'attractivité des centres hospitalo-universitaires », confirme l'Ordre.
Les statistiques révèlent un accroissement des inégalités entre les départements les mieux lotis en termes de densité médicale (décile 10) et les moins bien lotis (décile 1). « Le rapport entre ces deux déciles est passé de 1,4 en 2010 à 1,6 en 2018 pour les médecins généralistes et de 2,3 à 2,5 pour les spécialistes médicaux et de 2,1 à 2,3 pour les spécialistes chirurgicaux », note l'Ordre.
Fracture territoriale
La situation est « très préoccupante » pour la médecine générale. En 2018, les omnipraticiens de premier recours ne sont plus que 87 801 (tous modes d'exercice), en repli de 0,4 % sur un an et 7 % depuis 2010. En un an, la grande majorité des régions métropolitaines ont perdu des généralistes en activité régulière (sauf Pays de la Loire, Bretagne, Auvergne Rhône-Alpes, PACA).
Selon le Dr Jean-Marcel Mourgues, président de la section santé publique et démographie médicale à l'Ordre national, « la dégradation de la densité médicale est encore plus importante pour des départements déjà les plus mal lotis. Alors que la densité des généralistes a baissé de 9,8 % dans les départements les mieux lotis entre 2010 et 2018, elle chute à 20 % pour les département les moins bien lotis », commente le Dr Mourgues.
Ce phénomène d'inégalités territoriales frappe également trois spécialités étudiées par l'Ordre : la dermatologie, l'ophtalmologie et la psychiatrie. « Pour 100 000 habitants, il y a 3,6 fois plus de dermatologues dans les départements les plus lotis que ceux qui sont moins dotés. Là où il y a trois fois moins de dermatologues, vous comprendrez que l'accès aux soins ne peut être assuré de la même façon », avance le Dr Jean-Marcel Mourgues. Ce rapport est de 2,6 pour l'ophtalmologie et de 2,7 pour la psychiatrie. Cette dernière spécialité a subi entre 2010 et 2018 une très forte érosion de l'exercice libéral et mixte.
Apparaît une France médicale coupée en deux : d'un côté le littoral atlantique, le sud-est et la plupart des départements disposant d'un CHU ; de l'autre une diagonale intérieure du sud-ouest au nord-est de l'Hexagone.
Mobilité, flexibilité
Les mesures incitatives à l'installation sont-elles inefficaces ? Le Dr Mourgues ne va pas aussi loin. « Les difficultés s'aggravent en raison d'autres facteurs comme l'aménagement du territoire, l'accès à certains services, crèches, écoles ou encore la desserte numérique insuffisante. Il faut tenir compte de ces critères dans les incitations à l'installation des jeunes médecins ».
Alors qu'un projet de loi de santé est programmé pour 2019, l'Ordre appelle de ses vœux des « mesures fortes » et non « du colmatage », en écartant toute mesure de régulation à l'installation. « Il faut créer de la mobilité, de la flexibilité, de la professionnalisation et de la coopération pour les jeunes médecins », plaide le Dr Patrick Bouet, également favorable à l'activité multisite. Pour le président de l'Ordre, la première mesure consiste à favoriser les stages ambulatoires pour « ramener les étudiants dans les territoires ». « En France, lance-t-il, il y a 30 000 internes qui pourront sortir de l'hôpital et aller se professionnaliser... »
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