LE QUOTIDIEN – Vous êtes le rapporteur de la proposition de loi Fourcade. Quel sont les enjeux de ce texte ? Dans quel état d’esprit abordez-vous ce débat ?
ALAIN MILON – C’est un texte important. Les articles 1 et 2 revoient les principes de la loi HPST [Hôpital, patients, santé et territoires] dans la coopération des professionnels médicaux et paramédicaux. Le texte prévoit la création des sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires. On consolide le statut fiscal et financier de l’exercice regroupé pluridisciplinaire. On permet le partage des fonds versés par la Sécurité sociale dans le cadre de l’éducation thérapeutique. L’objectif, bien sûr, c’est de lutter contre la désertification médicale.
Outre ce volet « travail en groupe », on abroge les fameuses mesures de la loi HPST ayant braqué le corps médical. On supprime l’obligation de contrats pour les médecins des zones surdotées d’aller travailler en zone sous-dotée. Pas de sanction si le médecin refuse ou ne remplit pas le contrat santé solidarité, ce sera sur le mode du volontariat. On retire aussi les déclarations obligatoires d’absence à l’Ordre, même si le médecin devra prévenir ses patients. Autre point : on rétablit tous les contrats de bonnes pratiques qui n’avaient plus de base légale et on toilette les anciens textes.
Ne pensez-vous pas que des sénateurs défendront à l’inverse des amendements allant dans le sens de mesures contraignantes pour les médecins visant à garantir partout une présence médicale ?
Bien sûr. Des sénateurs défendront des contre-amendements obligeant les étudiants en fin d’année de médecine d’aller faire trois ans dans telle ou telle zone sous-dotée, ou plafonnant les nouvelles installations en zone surdotée. Je vais rejeter ces amendements en accord avec le gouvernement. J’espère qu’une majorité se dégagera pour les refuser.
On a beaucoup dit que c’est un texte pour réconcilier la droite avec les médecins… C’est le cas ?
Moi je suis médecin de droite, je me sens en accord avec moi-même ! Sur HPST, il fallait faire un nettoyage !
À l’époque de la loi Bachelot déjà, quand le texte était sorti de l’Assemblée nationale, il y avait eu de grosses manifestations de médecins. Le Sénat avait déjà repris beaucoup de propositions de praticiens, hospitaliers et libéraux, afin d’arrondir les angles. On continue de faire en sorte que les médecins reconnaissent les gens qui les défendent.
La proposition de loi Fourcade peut-elle intégrer d’autres revendications des syndicats ?
Sur la RCP [responsabilité civile professionnelle], je pense qu’il n’y aura rien dans le texte. On en parlera sans doute mais ce sera traité plus tard. Cette proposition de loli n’est qu’une étape qui s’inscrit dans le toilettage des mesures HPST contraignantes pour les libéraux. Mais Jean-Pierre Fourcade n’a pas fini son analyse sur la loi HPST. Un rapport est programmé en juillet sur le versant hospitalier et sur la RCP. Il y aura sans doute un deuxième coup de balai.
Allez-vous supprimer la taxe sur les feuilles de soins ?
Je n’ai pas vu d’amendement déposé en ce sens et je ne pense pas que le gouvernement reprenne l’idée de l’annulation pure et simple de cette taxe.
Vous attendez-vous à une bataille autour de ce texte ?
Il y aura une vraie discussion. Le texte n’est pas si consensuel. Au Sénat, l’UMP n’est pas majoritaire et on a besoins des voix centristes. Or, il se trouve qu’il y a plusieurs amendements centristes extrêmement contraignants pour les médecins libéraux. Et qui sont identiques, à la virgule près, à des amendements du Parti communiste. Je ne sais pas jusqu’où ira la bataille législative mais j’espère que le Centre ne suivra pas sur la voie de la contrainte. On verra bien.
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