LE QUOTIDIEN – « Un homme politique peut-il dire toute la vérité ? » C’est le titre du livre que vous venez de publier (1). Vous répondez par l’affirmative et appuyez votre démonstration avec un parallèle sur la vérité médicale dite aux patients. Homme politique, médecin : y a-t-il de fortes correspondances entre ces deux métiers ?
BERNARD ACCOYER – Attention. Il y a un métier – celui de médecin – et un engagement, une fonction – élu. Je tiens à cette différence fondamentale car un élu, si c’était son métier, défendrait son job plutôt que ses convictions.
Avec le recul, je pense que la vérité qui s’est imposée progressivement en médecine s’apprécie de la même façon dans les relations médecins-malades que dans les relations élus-citoyens. Surtout quand la situation est sérieuse, voire grave. Les malades, comme les citoyens d’un pays malade, ne peuvent accepter les décisions qui doivent être prises les concernant que s’ils en connaissent le rapport coût/bénéfice.
En matière de vérité, vous semblez considérer que la médecine a une longueur d’avance sur la politique.
J’ai pu suivre moi-même, au cours de mon parcours que j’ai débuté dans les années soixante, le chemin effectué quant à la vérité à l’égard du malade. Qu’il s’agisse de l’annonce du diagnostic du mal dont il souffre ou de la nature, des conséquences et de l’efficacité du traitement qui lui est proposé. La préoccupante judiciarisation de la médecine a d’ailleurs accompagné cette évolution. Il faut bien reconnaître que la vérité dite au malade est parfois ressentie comme brutale, parfois même inhumaine. Mais en médecine comme dans la vie politique, la vérité est finalement toujours moins violente que le mensonge.
LA VÉRITÉ DITE AU MALADE EST PARFOIS RESSENTIE COMME BRUTALE, PARFOIS MÊME INHUMAINE
Vous décrivez précisément ce qu’est la vie d’un homme politique. Physiquement, est-ce tenable ? Que dit le médecin que vous êtes ?
C’est vrai que je porte un regard de médecin sur la vie politique, sur ses pendants psychologique et physique. Mais je dois dire que la vie d’homme politique m’est apparue beaucoup moins pénible physiquement que celle d’un otorhinolaryngologiste au programme opératoire chargé et aux consultations bien remplies !
Sur le plan psychologique, il se trouve que j’ai mené un combat homérique contre les psychothérapeutes autoproclamés qui auraient bien voulu avoir ma peau politique et qui auront multiplié les tentatives pour m’atteindre. Cela m’a conduit à approfondir les connaissances que j’avais en psychologie et en psychopathologie. Et à constater que l’engagement public est beaucoup plus fréquent chez ceux – dont je suis – qui ont envie de défendre leurs idées, leurs propositions et de les voir aboutir.
Vous parlez dans votre livre des « grands fauves » politiques – et vous sous-entendez que vous n’en êtes pas un. Quel genre d’homme politique êtes-vous donc ?
À vrai dire, je ne me suis jamais vraiment senti dans la peau d’un homme dont la politique serait l’alpha et l’oméga de sa vie. Je ne suis pas de cette nature. Mais je pense que certaines fonctions – et essentiellement la présidence de la République – exigent pour être atteintes des caractéristiques psychologiques particulières qui font ce que l’on appelle les grands fauves.
Vous écrivez n’avoir jamais imaginé devenir un jour président de l’Assemblée nationale…
C’est vrai. Comme quoi, le travail peut permettre d’accéder à des responsabilités politiques et institutionnelles importantes.
À vous lire, on a le sentiment que vous avez un profil particulier parmi vos pairs. Vous confirmez ?
Je suis considéré dans le monde politique comme plutôt atypique dans la mesure où j’ai eu trente ans de vraie vie avant de m’engager totalement dans la vie politique. Trente années d’exercice intense de la médecine ancrent profondément en soi la hiérarchie des événements de la vie : le bonheur, la santé, la maladie, la souffrance, la séparation, la mort. La politique n’est pas un long fleuve tranquille mais les pires coups que l’on puisse y recevoir sont des coups qui affectent votre ego, votre ambition… Ce qui est sans gravité au sens médical du terme.
Parmi les références médicales dont vous truffez votre livre, vous écrivez que les députés sont « le pouls » du pays. Qu’est-ce que cela signifie ?
J’ai toujours perçu à l’Assemblée nationale que les députés rentraient de leurs circonscriptions en illustrant fidèlement l’état de la Nation : ce que les Français pensent, ressentent, condamnent, souhaitent ou espèrent.
Les médecins sont nombreux parmi les députés. Ont-ils des spécificités dans l’hémicycle ?
La catégorie la plus représentée à l’Assemblée, ce sont les fonctionnaires. Si l’on parle des professions les plus représentées, alors on trouve les enseignants, les médecins et les avocats. Chacun apporte son expertise. S’agissant des médecins devenus députés, il est saisissant d’observer que, s’ils interviennent en tous domaines, ils le font surtout sur les textes à caractère social, sanitaire ou éthique. Pour ma part, avant d’accéder à des responsabilités au sein de mon groupe, je travaillais de manière préférentielle sur les questions sociales, médico-sociales et sanitaires. Je les ai toujours présentes à l’esprit.
1) Bernard Accoyer, « Un homme politique peut-il dire toute la vérité ? », éditions Jean-Claude Lattès, 306 p., 17 euros.
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