BRÉHAN, 2 300 habitants, un secteur semi-rural. Deux médecins, deux pharmaciens, deux dentistes, deux kinés, trois infirmiers, un podologue, une diététicienne, un ergothérapeute, un psychologue et un ostéopathe. Tout ce petit monde médical et paramédical exerce au pôle de santé Ty Lann, une structure créée en 2004 par le Dr Nicolas Thual. Pragmatique, ce généraliste de 38 ans a bâti son projet brique par brique, en commençant par construire un premier bâtiment abritant deux cabinets médicaux, un secrétariat et deux cabinets de dentistes. Un an après, disposant d’un hectare de terrain autour de son cabinet, il en cède une parcelle à la pharmacienne de Bréhan, qui y installe son officine. En 2006, c’est à un jeune kiné et à une infirmière qu’il cède une autre parcelle. Un nouveau bâtiment construit par ces deux professionnels héberge les cabinets des paramédicaux à deux pas. Un peu plus tard encore, Nicolas Thual fera construire lui-même un quatrième espace qu’il loue à la médecine du travail. « Nous avons tout bâti, tout mis en œuvre sans un sou d’argent public, et sans aucune subvention », se félicite ce médecin qui a toujours des projets plein la tête.
Dédramatiser l’exercice rural auprès des étudiants.
Son nouveau projet, c’est l’« interpôle ». Nicolas Thual a pris langue avec deux médecins qui envisagent de créer leur propre structure, l’un à Réguiny, l’autre à Pontivy, deux gros bourgs situés à environ 15 km chacun de Bréhan. À Réguiny, la première pierre sera posée d’ici peu par le porteur de projet, le Dr Christophe Chateauneuf. Ce généraliste cherche un autre confrère pour partager l’aventure, mais il a déjà avec lui les professionnels paramédicaux du bourg, six infirmières, deux kinés et un pharmacien.
À Pontivy, le porteur du projet est le Dr Bertrand Morin, lui aussi généraliste. Son pôle, qui sera abrité dans les murs de l’ancienne polyclinique rachetée à cet effet, rassemblera à terme un laboratoire d’analyses, une pharmacie, des paramédicaux et 8 cabinets médicaux ! « Le but de cet interpôle n’est pas de mettre en place une structure juridique commune, précise Nicolas Thual, mais plutôt une association informelle pour partager les expériences,et faire tourner sur les trois sites les étudiants en médecine venus faire leur stage dans ce coin de Bretagne ». Pour héberger ces stagiaires, le généraliste a négocié avec la commune la mise à disposition d’un ancien presbytère. Pour le Dr Thual, « l’idée est que parmi ces étudiants, certains aient envie d’exercer ensuite avec nous, et que les autres dédramatisent auprès de leurs compagnons d’études l’exercice en campagne ».
Pour les professionnels comme pour les patients, l’avantage du mode d’exercice regroupé pluridisciplinaire est évident : il facilite le suivi protocolisé des patients, par exemple pour le diabète (protocole qui lie médecins, infirmières, podologues et diététiciennes) ou les lombalgies (kinés, podologue et ostéopathe).
Coquilles vides.
Tout n’est pas rose dans ce paradis apparemment si bien ordonné. Avec les déclarations d’intention des pouvoirs publics en faveur de maisons de santé pluridisciplinaires, le pôle Ty Lann se trouve en concurrence avec de nombreux projets publics (24 en Bretagne). « Mais, précise le Dr Thual, ces futures structures, qui s’apparentent davantage à des projets immobiliers qu’à des projets de santé, risquent d’être des coquilles vides. Les élus feraient mieux de miser sur la coordination, ou de financer des aides ou des équipements pour les structures existantes plutôt que de financer des murs, avec les risques que l’on connaît ». Le généraliste se sent un peu frustré de voir tous ces budgets se profiler, alors qu’il a mené à bien son projet sans l’aide de personne. « En Bretagne, pour attirer l’attention des institutionnels et des pouvoirs publics, ajoute-t-il, les idées ne suffisent pas, il faut surtout demander de l’argent ». Aujourd’hui, il aimerait obtenir un budget, notamment pour mener à bien les études nécessaires à la coordination entre les trois pôles de santé. Avec 30 000 ou 40 000 euros, l’affaire serait bouclée. Une paille, au regard de sommes parfois allouées au financement des murs d’une structure dont rien ne dit qu’elle attirera un jour des professionnels de santé.
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