Deux jours après le lancement du volet santé du Conseil national de la refondation (CNR), l'intersyndicale des Libéraux de santé (LDS) regroupant 11 syndicats représentatifs de dix professions (médecins, infirmiers, pharmaciens, biologistes, chirurgiens-dentistes, kinés, orthoptistes, orthophonistes, audioprothésistes, podologues) lance l'offensive d'une seule voix sur l'évolution du périmètre des métiers. L'objectif est de « renverser la table », de façon concertée, et de sortir des « expérimentations ou évolutions réglementaires », souvent « parcellaires » qui se font au détriment d’une profession par rapport à une autre.
Pour l'instant, ce chantier sensible de l'évolution des compétences a été confié par le ministre de la Santé, François Braun, aux Ordres professionnels réunis au sein du comité de liaison des institutions ordinales (Clio). « Jamais nous n'avons été saisis par le gouvernement sur cette question, se désespère Daniel Guillerm, vice-président de l'intersyndicale, président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI). Notre objectif est de trouver des voix de passage et d'éviter des décisions descendantes »
Multiplier les portes d'entrée
L'intersyndicale propose en premier lieu de supprimer réglementairement la terminologie des « auxiliaires médicaux », qui « date du siècle dernier » pour la remplacer par celle de « professions médicales à compétence définie ». « Ce changement sémantique accompagne l'évolution des compétences des professionnels et la réingénierie des diplômes », a expliqué ce mercredi Sébastien Guérard, président des LDS et de la FFMKR (kinés). « Aujourd'hui on parle de partage de compétences et non de délégation de tâches. Les auxiliaires médicaux n'ont pas vocation à être les OS du système de santé », renchérit Daniel Guillerm.
Dans cette logique de refonte, l'intersyndicale invite à multiplier « les portes d'entrée dans le parcours de soins avec la garantie de remboursement pour le patient ». Si le médecin traitant reste « le chef d'orchestre » du parcours de soins, la réglementation devrait être modifiée pour autoriser l'accès direct à certaines professions, sous réserve d'un retour d'information systématique.
« On part d'une pathologie… »
Selon Sébastien Guérard, cet accès direct pourrait concerner par exemple la traumatologie légère pour les kinés, les plaies, les sutures ou la réhydratation par voie parentérale pour les infirmiers, l'aspiration endotrachéale pour les orthophonistes ou encore la dispensation protocolisée pour les pharmaciens. L'intersyndicale propose ensuite d'élargir le droit de prescription pour les pansements, les lits médicalisés, certains antalgiques ou actes de biologie (INR, hémoglobine glyquée…).
Pour avancer, les LDS suggèrent de travailler sur plusieurs parcours concrets en commençant par trois champs : diabète, insuffisance rénale chronique (IRC) et perte d’autonomie de la personne âgée. « On part d'une pathologie et on voit comment chaque soignant intervient dans le parcours de façon pertinente », plaide Philippe Besset. Dans ce contexte, l'intersyndicale regrette que le modèle de coordination souple porté par l'UNPS – les équipes de soins coordonnées autour du patient, dites Escap – ne soit pas toujours reconnu par l'Assurance-maladie.
Revaloriser l'expertise
Comment les professionnels de santé seront-ils rémunérés ? « Nous sommes très attachés à la tarification à l'acte, cadre Sébastien Guérard. Mais sur le parcours, nous sommes en train de réfléchir à un forfait pour l'intervenant, qui nous semble pertinent ».
Côté médecins, l'évolution des compétences est jugée nécessaire, même si « cela crée des émois et des tensions », confie le Dr Franck Devulder, vice-président des LDS et président de la CSMF. Mais cela suppose alors de revaloriser l'expertise médicale. « Sinon, le généraliste risque de se retrouver avec des consultations complexes à 25 euros. C'est pourquoi nous défendons une hiérarchisation des consultations, la seule façon d’avancer. Pour y arriver il faut nous donner les moyens ». Et dans ce cadre, le budget alloué aux soins de ville dans le budget de la Sécurité sociale est jugé « insuffisant ».
Pour éviter que cette transformation s'opère « en silos », à travers les seules conventions monoprofessionnelles (médecins, pharmaciens, infirmières, kinés, etc.), les Libéraux de santé proposent d'instaurer « une concertation interpro en fonction des besoins » et d'ouvrir des « espaces interprofessionnels de discussions conventionnelles par thématique ». « En cela, avance Daniel Guillerm, nous sommes d'accord avec les préconisations de la Cour des comptes », qui propose justement de renforcer le cadre pluriprofessionnel des négociations conventionnelles.
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