Les médecins qui ne télétransmettent pas seraient-ils en train de devenir persona non grata pour l'assurance-maladie ?
Après un ophtalmologiste des Hauts-de-Seine il y a quelques semaines, c'est au tour du Dr Jacques Comelade, médecin généraliste à Perpignan, de s'estimer restreint sur sa fourniture en feuilles de soins.
« Ma caisse locale ne me donne plus que 200 feuilles par mois ce qui est insuffisant pour mon activité, sans compter que les délais de livraison s'allongent. De 15 jours nous sommes passés à un mois », explique le praticien de 65 ans, installé depuis 1981 dans la préfecture des Pyrénées-Orientales, qui n'a jamais télétransmis.
« Je ne pratique pas la télétransmission parce que je ne veux pas payer un appareil pour faire le travail de la Sécu, tout comme j'ai refusé de bénéficier de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP), par principe », témoigne le généraliste, qui souhaite rester « libéral jusqu'au bout ».
Anticiper les délais
Le médecin sait pourtant qu'il s'expose à des sanctions en ne télétransmettant pas. Depuis la convention de 2011, les praticiens doivent transmettre par voie électronique à la caisse d’affiliation de l’assuré les feuilles de soins pour au moins deux tiers de leurs actes. S'ils ne respectent pas cette disposition, la prise en charge d'une partie de leurs cotisations URSSAF par l'assurance-maladie peut être diminuée, voire coupée.
Une obligation que rappelle l'assurance-maladie, contactée par le « Quotidien ». Elle souligne également que « des aides financières et d'accompagnement existent pour soutenir les médecins » qui voudraient faire de la télétransmission. L'assurance-maladie rappelle par ailleurs que la convention médicale prévoit dans son article 65 que « les commandes doivent être effectuées selon le volume d’activité du médecin et être suffisamment anticipées pour permettre une fourniture dans des délais compatibles avec les besoins du médecin et inférieurs à six semaines ». Les faibles volumes de feuilles seraient donc dus à des délais de commande trop courts, selon elle.
« Carcan administratif ubuesque »
Malgré cela, le Dr Comelade a pris la décision de partir à la retraite un an plus tôt que prévu, quitte à ne pas bénéficier d'une pension à taux plein.
« Je ne supporte plus ce carcan administratif ubuesque, c'est pour cela que je prendrai ma retraite en septembre 2017, annonce-t-il. J'aurais pu continuer jusqu'à 70 ans, car j'aime mon métier, mais avec l'arrivée du tiers payant général l'an prochain, je ne préfère pas. »
Le généraliste perpignanais n'apprécie plus non plus les échanges sur le sujet avec la CPAM locale, qui selon lui fait du « blocage téléphonique ». « Avant, nous avions un annuaire interne de la caisse, désormais il n'y a plus que le numéro unique des professionnels de santé », explique le Dr Jacques Comelade.
Le médecin, non-informatisé et qui se qualifie lui-même de « dinosaure » n'a qu'un regret, celui de devoir quitter ses patients.
« J'ai toujours eu d'excellentes relations avec eux, et de manière générale ils ne m'ont jamais fait aucun reproche quant à mon fonctionnement, qui n'est pas un cas isolé dans le département », conclut le généraliste.
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