LE QUOTIDIEN DES LECTEURS

Des mesures simples pour les déserts

Publié le 07/03/2012
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Saint-Firmin (05)

Dr Pierre Rozier

Le débat est intense et, j’ose le dire, devenu un phénomène de mode sur les maisons de santé. La raison – le prétexte – en est la désertification médicale sur les zones géographiques dont on connaît les périmètres, autour de la campagne ou de la montagne.

Les structures nouvelles sont-elles pour autant en mesure de répondre au problème de base, le seul au fond, qui est celui du manque de médecins, le syndrome des murs vides guettant les maisons de santé construites à grands frais ?

Le problème pourrait, au fond – et j’en parle après 55 ans d’expérience professionnelle –, être résolu plus simplement et par des mesures ciblées. Attirer des médecins vers des zones défavorisées n’est pas affaire de murs, clinquants et vacants, c’est affaire de condition d’exercice et de valorisation professionnelle et financière.

Exercer en campagne, exercer en montagne, comporte des conditions de travail qu’il faut tout simplement compenser, et cela passe inéluctablement par le montant des honoraires : déplacements spécifiques, les gardes de nuit, disponibilités particulières vis-à-vis de patients éloignés des villes et centres médicaux.

Ne faut-il pas, à titre d’exemple, examiner de nouveau la prise en compte des parcours depuis le premier kilomètre des médecins dont l’essentiel du métier est d’assister les patients éloignés et isolés ?

Les avancées auxquelles la CSMF fait allusion dans « le Quotidien » (édition du 23 janvier) paraissent une solution équitable de juste compensation – abattement de 2 km AR en montagne au lieu de 6 km actuels (disposition ancienne de quatre décennies) qui pénalisent les médecins qui se déplacent sur des chemins souvent tortueux.

C’est au prix de telles mesures simples, pratiques et pragmatiques, plutôt qu’à partir de schémas relevant des vues de Sirius sur les dispositifs immobiliers de santé, que l’on réussira, espérons-le, à ramener des vocations sur les zones abandonnées.

Rions avec le Dr Pelloux

Chazay d’Azergues (69)

Dr Jean-Pierre Micolle

Ha les journalistes de la télé et de la radio ! Vous l’aimez cet ineffable anesthésiste-réanimateur parisien et ses petites phrases antigénéralistes*. Que sait-il de notre métier, ce people gauchisant qui ne manque pas une occasion d’énoncer des sentences lapidaires qui tiennent lieu de réflexion sur notre système de soins ! S’il savait qu’après nous (les généralistes) avoir passablement agacés il nous fait aujourd’hui hurler de rire…

(*) Citation : « les médecins généralistes qui soit disant assurent la permanence des soins », sur TF1 samedi soir 25 février.

Volonté et obstination font toujours avancer les bonnes causes.

Banyuls-sur-Mer (66)

Dr Pierre Frances

C’est avec beaucoup de satisfaction, que j’ai noté, dans votre article sur les réservistes des maraudes (« le Quotidien » du 16 février), la ténacité de certains de nos confrères qui, par le biais de l’EPRUS, ont décidé de s’investir durant les quelques mois de grand froid auprès des SDF. Ainsi, grâce aux maraudes, ils ont pu venir au « chevet » de ces patients, et favoriser dépistage et évaluation de ces populations.

Cependant, je reste surpris par les propos d’un confrère qui s’est investi dans cette mission. Ce dernier explique en effet qu’il serait nécessaire de créer un service continu avec des fichiers et une coordination médicale. Comment ne s’investit-il pas dans cette action ?

Dans ce cas, contrairement à ce qui se passe au sein de l’EPRUS, il lui faudra donner bénévolement de son temps. C’est de cette manière, en constatant les déficiences de la prise ne charge de ces populations que je suis intervenu dans deux associations. Il est certain, qu’avant de « faire son trou », c’est assez long, d’autant plus qu’il est nécessaire de travailler en équipe.

Néanmoins, cette expérience débutée il y a 15 ans m’apporte beaucoup dans la connaissance des attentes de ces populations mais aussi dans la manière d’« apprivoiser » ces patients qui ont des comportements différents de ceux observés dans une clientèle classique.

C’est à partir de ce travail que je tente de sensibiliser mes jeunes confrères à la problématique liée à cette prise en charge qui ne s’apprend malheureusement pas à la faculté de médecine.

Comme le dit dans cet article un autre confrère, les SDF ne parlent pas, et n’énoncent pas leurs symptômes.

Aussi, comme le fait remarquer le psychologue également cité, il faut du temps pour tisser des liens pérennes avec ces populations en grande clochardisation, et ce n’est pas en deux mois qu’une telle approche est possible.

Aussi, si notre confrère est intéressé pour s’investir dans de telles actions, il sera toujours reçu les bras ouverts dans une association de SDF.

La fin des carrières sacrificielles

Neuilly (92)

Dr Patrick Leboulanger

Que désire un/une jeune médecin généraliste au seuil de sa carrière ? Posez-lui la question ! Il veut d’abord pratiquer la médecine qu’on lui a apprise, c’est-à-dire une médecine de groupe pluridisciplinaire,

entourée des techniciens épaulant rapidement diagnostics et thérapeutiques. La médecine solitaire l’inquiète terriblement. Il veut pouvoir être relié immédiatement à une clinique ou un hôpital. Il veut un enseignement post-universitaire proche, riche, diversifié et du temps pour cela.

Souvent marié avec parfois déjà des enfants (l’autre époux pouvant même être aussi praticien… ce qui double le problème) il veut demeurer dans l’orbite d’écoles puis, pour après, de lycées compétents… bref, il n’envisage pas du tout d’exercer « dans un champ de betteraves », pour reprendre les récents propos de notre président du Conseil national de l’Ordre.

Il ne veut définitivement pas subir l’esclavage administratif, délirant et chronophage qu’endurent les derniers soi-disant médecins libéraux, asservis à des horaires déments pour des aumônes inférieures de 20 % aux émoluments de leurs collègues britons ou germains… Et cela sans souvent de week-end ou même parfois de vacances ! On abuse d’eux. Qui veut prendre la relève ? À de rares exceptions près, personne. Aussi, toutes ces tentatives de ré-habitation des « déserts » me semblent plus des sauvetages des derniers « moutons » qui restent, contraints et forcés, face aux vœux de la nouvelle génération.

Or elle a en face d’elle un État qui a des obligations envers la population, laquelle demande une médecine de qualité, certes, mais impossible à lui procurer dans les déserts, surtout adossée à une judiciarisation croissante pour tout et rien ! Va-t-il falloir amener les patients (avec 40 ° ou une impotence) vers des centres de cités représentatives ? La télémédecine devrait s’intercaler avant ces déplacements. Elle nécessitera un interlocuteur en amont. Est-ce la renaissance des « officiers de santé » d’antan, demi-médecins acceptant de faire du tri ?

J’ai connu les joies du médecin de campagne avec accouchements au début des années soixante. Déjà, à l’époque, ceux que je remplaçais désiraient migrer vers la grande ville pour les études des enfants, moins d’astreintes, plus de repos… Il y a donc 50 ans ! Les problèmes actuels ne sont pas fortuits. On a méprisé (si vous insistez, je dirai qui est « on ») nos extraordinaires généralistes des campagnes, en n’écoutant pas leurs demandes. Les carrières sacrificielles sur les autels de la sacro-sainte Sécurité sociale vont se terminer avec la nouvelle génération. On ne peut pas leur en vouloir ! Ils ont bien compris que les médecins actuellement en exercice sont salariés de fait de la Sécu qui a droit de vie ou de mort sur leur pratique, sans aucun des avantages du salariat. Ils appellent cela le libéralisme ! Tôt ou tard, l’État va être contraint de prendre des mesures autoritaires qui ne plairont à personne. Il y a donc tout à redéfinir et à créer… mais avec eux.


Source : Le Quotidien du Médecin: 9094