La fin des ECN en tout QCM est annoncée dans la réforme du deuxième cycle des études médicales. Force était en effet de constater qu’il était impossible, par le mode d’évaluation précédent, de déterminer les aptitudes de raisonnement, le comportement, la communication, l’empathie, le professionnalisme des étudiants… C’est ce qui a conduit à la mise en place d’un nouveau type de validation du deuxième cycle qui comprend à la fois une partie théorique, un portfolio de la carrière et des Examens Cliniques à Objectifs Standardisés (ECOS).
Cette approche développée au Canada et en Suisse repose sur l’évaluation clinique et la prise en charge de « patients » ou « collègues » « standardisés ». L’objectif affiché est de remettre au cœur des études la relation médecin-malade, de réduire le fossé qui existe aujourd’hui entre les études de médecine et le début de l’internat. Comme l’explique l’équipe pédagogique de l’Université Nancy Lorraine qui teste déjà les ECOS pour l’évaluation des étudiants, « grâce à ce type d’examen, l’étudiant peut analyser ce qui lui reste à travailler pour avoir une approche plus humaine, adapter son comportement et son approche médicale en fonction du patient. Tout ce qu’un futur médecin doit savoir n’est pas inscrit dans les référentiels. Les connaissances théoriques sont nécessaires tout comme les compétences apprises lors des stages par exemple ».
Quelles aptitudes peuvent être appréciées ? Comme il est précisé dans les objectifs génériques d’évaluation des Ecos, différentes valeurs peuvent être analysées : aptitude à la communication, encouragement à l’expression verbale du patient, examen des demandes du patient, analyse du cadre de références du patient (dans une époque de circulation de fake news), verbalisation des émotions, empathie, reformulation, démarche centrée sur le patient… mais aussi réalisation d’examens (ECG), mise en condition des patients (lunettes O2, perfusion, déshabillage…), relation avec les autres soignants, argumentation pour une demande d’examens…
À Nancy, 350 étudiants de troisième année du deuxième cycle se sont déjà prêtés au jeu. « Pour cet exercice, les étudiants ont élaboré eux-mêmes les scenarii par groupes de 5, chacun encadré et guidé par un tuteur chef de clinique assistant. Lors des mises en situation, chaque étudiant endosse tour à tour le rôle de patient, médecin, observateur et évaluateur. Ce processus pédagogique a permis aux étudiants de mieux appréhender les épreuves et d’en connaître toutes les subtilités », explique l’Université. 70 scénarii ont ainsi été élaborés, permettant une diversité des sujets pour les étudiants évalués et la constitution d’une banque de scenarii pour le comité de pilotage. À la faculté de Nice, en mai 2021, près de 180 étudiants ont aussi été évalués (soit 900 situations) par 50 enseignants évaluateurs et 30 patients standardisés (patients partenaires ou étudiants plus âgés).
Qui sont les patients standardisés choisis pour évaluer les étudiants ? « A l’Université de Paris Cité, nous avons choisi d’intégrer des "patients type standardisés issus de la société civile" dans le processus d’évaluation des étudiants. L’idée est de privilégier une certaine "naïveté" qui permet d’éviter les biais induits par la connaissance médicale », explique le Dr Sacha Rozencwajg, chef de clinique chargée d’enseignement, au Quotidien.
Les premiers patients standardisés ont été recrutés par le biais d’affiches posées dans les hôpitaux et par des relais dans les réseaux sociaux. Une quinzaine de personnes ont déjà acceptées de jouer le jeu (étudiants en théâtre, auteurs, informaticiens, retraités…). « Nous proposons aux volontaires un script détaillé leur donnant des informations sur leur "rôle" et sur les points qui semblent déterminants dans l’entretien. Ils font un retour sur leur sentiment en tant que patient naïf qui complète l’évaluation par les enseignants », continue le Dr Rozencwajg. L’Université de Paris Cité poursuit actuellement sa campagne d’intégration de personnes issues de la société civile qui souhaitent s’impliquer dans la formation des nouvelles générations de médecins (cf. annonce).
Situations, patients et collègues
Si les institutions (ministère de l’enseignement supérieur et ministère de la Santé) n’ont pas encore proposé de liste des situations à analyser au cours des ECOS, certaines Universités se sont penchées sur le problème. Ainsi, la faculté de médecine de Nancy a proposé une liste de 500 items qui pourraient être utilisés. Ils comprennent des symptômes et signes cliniques (nausées, bouffées de chaleur, perte d’autonomie, ivresse aiguë, anxiété…), des situations cliniques (découverte d’une anomalie abdominale, rédaction d’une demande d’examen d’imagerie, diagnostic positif d’un VIH…), l’analyse de la prise en charge aiguë ou chronique (recueil de consentement d’un geste invasif, expliquer une hospitalisation en psychiatrie à la demande d’un tiers, consultation de suivi d’un patient polymédicamenté…), des items de prévention (consultation de voyageurs, patient à risque suicidaire, suspicion de maltraitance…) et des sujets généraux (arrêt de travail, accompagnement de l’aidant, situation de harcèlement…). Si tous ces sujets semblent indispensables à connaître, la durée limitée des évaluations (moins de 10 minutes en moyenne à la faculté de Nice, par exemple) peut poser question.
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