Face aux graves difficultés d'accès aux soins, l'Académie nationale de médecine met à son tour son grain de sel, avec une série de recommandations issues d'un groupe de travail dédié aux déserts médicaux.
Mesure phare, qui risque de faire bondir la jeune génération : face à l'urgence, l'instance propose d'imposer « un service citoyen médical d'un an pour tout médecin nouvellement diplômé ». Cette mesure devrait être maintenue « tant que la situation de pénurie l'exigera ». Piloté directement dans les territoires par les agences régionales de santé (ARS), en coordination avec les facs de médecine, ce service se ferait « dans le cadre d’un salariat et en utilisant les infrastructures mises à disposition ».
Numerus apertus, hausse exigée
Côté formation, les rapporteurs du groupe de travail, les Prs Patrice Queneau et Rissane Ourabah, appellent l'État à augmenter immédiatement et de manière conséquente le « numerus apertus » (qui a succédé au numerus clausus) en adaptant l'offre médicale en fonction des besoins réels des territoires. Ce travail suppose une cartographie précise et actualisée, « comportant le nombre des médecins exerçant à temps partiel, le nombre des médecins exerçant une profession non soignante et le nombre des médecins n'exerçant pas ou que très peu ». Cela démontrerait « qu'il faut en moyenne plus de deux médecins pour remplacer un médecin partant à la retraite », peut-on lire dans la synthèse du rapport.
Parallèlement, l'Académie invite à développer dès le deuxième cycle des stages obligatoires en zones sous-denses, en augmentant le nombre de semestres ambulatoires dans toutes les spécialités, comme le nombre de maîtres de stage universitaires (MSU). Et si la 4e année d'internat de médecine générale, prévue dans le PLFSS 2023 est actée, elle doit être professionnalisante, bien encadrée par des MSU et avec une formation au management du cabinet, à la gestion et à la fiscalité. Cette année « ne peut être une solution pour pallier les déficits dans les zones sous-dotées », recadrent les académiciens.
Libérer le temps médical
Pour aider les médecins à prendre davantage de patients, l'Académie préconise de leur libérer du temps médical en développant les délégations de tâches à d'autres professionnels de santé, notamment les infirmiers, IPA ou pharmaciens, une mesure qui monte depuis plusieurs mois. Mais tout comme l'Ordre des médecins, l'Académie juge que ces nouveaux partages d'actes doivent « s’inscrire dans des parcours de soins coordonnés par le médecin, en respectant le champ de compétence de chacun ».
L'institution plaide aussi en faveur du recrutement accru d'assistants médicaux et de secrétaires grâce à des aides financières pérennes, de la « levée des obstacles administratifs » pour faciliter le cumul emploi retraite (et avec des cotisations permettant l'acquisition de droits supplémentaires) ou encore de la réévaluation « des visites à domicile, en tenant compte des surcoûts ».
Bonus de 20 % des honoraires en zone fragile
Enfin, pour favoriser l'exercice en zone sous dense, les « académiciens » proposent de soutenir l'exercice multisite et surtout d'encourager financièrement les primo-installations via des primes majorées et sécurisées dans ces secteurs fragiles. Mesure forte, cet effort financier passe aussi par la majoration des honoraires de tous les médecins de 20 % dans ces zones déficitaires. « Cette majoration sera maintenue deux ou trois ans après la fin du classement en zone sous-dense, suggère l'institution. Le surcoût pour l'Assurance-maladie doit se concevoir hors l'enveloppe globale budgétaire des actes médicaux. »
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