Depuis le 1er août, le centre de radiothérapie de Ris-Orangis dans l’Essonne (CRRO) - le seul du département - a perdu ses quatre médecins spécialistes. En cause : un différend financier qui oppose le groupe privé Almaviva qui possède l'établissement accueillant chaque année 2 200 patients, et ses radiothérapeutes, autour d’une redevance trop élevée.
Interrogés dans « Le Parisien », les spécialistes indiquent que leur conflit avec Almaviva remonte à début 2020. « Nous nous sommes rendu compte que l'on payait très cher notre redevance, leurs bénéfices sur le centre dépassaient nos revenus, ce qui est contraire au Code de santé publique », racontent-ils. La clinique a donc décidé de mettre fin à leur contrat d’exercice. Ils seront remplacés par d’autres radiologues à partir du 1er septembre.
L’affaire a vivement ému la branche spécialiste de la Fédération des médecins de France (FMF), qui souhaite le 1er août défendre ses « médecins contre les groupes financiers qui veulent les spolier de leur instrument de travail ».
Danger pour 120 patients
À quelques jours de leur fin de contrat, les quatre radiothérapeutes - qui exercent depuis 10 ans au CRRO - avaient décidé d’alerter la presse. Mais la situation n’est toujours pas réglée et le groupe de spécialistes limogés s'est résolu le 28 juillet à écrire directement à la directrice de l’agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France, Amélie Verdier, pour l’appeler à l’aide.
Dans cette lettre, les radiothérapeutes alertent « d’un danger mortel » pour leurs patients, couplés à une « inertie administrative ». « 120 patients en cours de traitement en radiothérapie au CRRO sont exposés à un risque majeur et imminent dès le début de la semaine prochaine », avertissent-ils. Les confrères précisent ainsi que ces patients sont traités « en VMAT et en stéréotaxie, les deux techniques de radiothérapie les plus précises et donc les plus à risque, dans le cadre d'une radiothérapie adaptative ». Or, « nous, leurs médecins, ne sommes pas autorisés à être présents sur le site pour calibrer les machines, encadrer les séances et accompagner nos propres malades », déplorent-ils, craignant que la mise en place d’une nouvelle équipe vienne perturber cette prise en charge.
« Dérive purement comptable »
Même inquiétude du côté du Dr Bernard Huynh, président de la FMF Spécialistes, qui regrette que d’ici début septembre « aucune transmission médicale ne soit prévue », pour ces malades du cancer. D’autant plus que les traitements utilisés sont « sophistiqués et potentiellement très dangereux si mal appliqués ».
Bernard Huynh est même allé jusqu’à adresser un mail aux remplaçants pressentis pour le poste à la rentrée, leur précisant que la FMF Spécialistes était « opposée au remplacement des radiothérapeutes actuels par une nouvelle équipe médicale moins nombreuse, moins disponible dont la qualité principale serait d'être plus rentable pour le groupe financier ». « Cette dérive purement comptable fait courir à la profession le risque d'une course au moins demandant et d'une paupérisation dramatique à terme », peut-on lire sur le mail.
L'Ordre appelé à la rescousse
Dans leur courrier à l’ARS, les radiologues regrettent, eux aussi, que des arguments financiers aient pris le pas sur la prise en charge des malades. « Les intérêts économiques servent rarement les intérêts des patients… Ce qui nous a opposés au groupe Almaviva c'est le refus des clauses financières de leur nouveau contrat, non acceptables car contraires à l'indépendance de notre profession comme l'impose la loi », écrivent-ils. Ils contestent ainsi en bloc « avoir mis le bazar ».
De son côté, l’agence régionale de santé avait assuré fin juillet au « Quotidien », suivre « de près la situation », en lien avec la CPAM de l’Essonne. Elle indique aussi s'être assurée « de la continuité de service et de la prise en charge des patients pendant la période de transition ». Le groupe Almaviva aurait ainsi « répondu aux attentes de l’Agence » en recrutant deux radiothérapeutes qui assureront le suivi durant le mois d’août, et en conventionnant avec trois autres structures de soins.
Pas convaincue, la FMF Spécialistes en appelle aujourd’hui au Conseil de l’Ordre des médecins de l’Essonne. Le syndicat polycatégoriel demande à l’Ordre de s’assurer « que toutes les dispositions ont été prises pour qu’il n’y ait aucune perte de chance pour les malades cancéreux présents et futurs au sein du CRRO ». Pour l’heure, selon le Dr Bernard Huynh, les malades et leurs familles n'auraient aucune information sur la continuité des soins.
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