Imaginez deux photos de famille prises à dix ans d'intervalle. C'est l'exercice auquel s'est livré l'Ordre des médecins avec son traditionnel atlas de la démographie médicale. Âge, sexe, spécialité, mode d'exercice, répartition géographique... l'instance a étudié comment a évolué le corps médical entre 2007 et 2017. Zoom.
• Stagnation du nombre de médecins en activité régulière
Au 1er janvier 2017, le CNOM a recensé 290 974 médecins actifs, soit + 1,8 % par rapport à 2016. Cette augmentation est un trompe l'œil. Le nombre de médecins en activité totale stagne à 215 941, soit 0,9 % de plus qu'en 2007, tandis que le nombre de généralistes (88 137 inscrits) baisse de - 9,1% depuis 2007. Les autres spécialistes en activité, sont eux, plus nombreux de 7,2 % (84 862).
Cette variation globale des effectifs a-t-elle une répercussion sur le plan territorial ? Oui, affirme l'Ordre. En dix ans, deux France se dessinent : l'une dont la population médicale croît, incluant essentiellement tous les départements de la façade Atlantique sans exception, une large majorité de la région Auvergne-Rhône-Alpes et de façon géographiquement isolée quelques départements hospitalo-universitaires (Nord, Somme, Haute-Garonne, Doubs, Hérault, Indre-et Loire, Maine-et-Loire, Vienne). L'autre France, représentée largement par une diagonale de l’intérieur du territoire, du Nord-Est au Sud-Ouest de l’Hexagone, et par la région PACA, perd ses médecins.
• Une profession âgée, féminisée, choisissant davantage l'exercice salarié
Entre 2007 et 2017, les médecins ont vieilli. En dix ans, l'âge moyen des praticiens en activité régulière est passé de 50 ans à 51,2 ans. Les moins de 40 ans représentent 20 % de la population médicale, tandis que les 60 ans en pèsent 28 %.
La féminisation de la profession s'est affirmée, quel que soit le groupe de spécialité. Les femmes représentent aujourd'hui 47 % des médecins en activité régulière contre 38 % en 2007. Parmi les classes d'âge les plus jeunes (moins de 40 ans), 61 % sont des femmes. Au point que l'Ordre anticipe la totale parité en 2020.
Le choix du mode d'exercice a fortement évolué. Les médecins en activité régulière sont aujourd'hui à 46,5 % salariés (soit + 10,7 %), 42,8 % en libéral (en baisse de 10,5 points) tandis que 10,7 % ont un exercice mixte. « Il y a une désaffection de l'exercice libéral sur la décennie. C'est un constat que l'on ne peut pas nier », souligne le Dr Jean-Marcel Mourgues, président de la section santé publique et démographie médicale à l'Ordre.
• Multiplication par six des médecins en cumul emploi-retraite
L'étude de l'Ordre fait apparaître une explosion du nombre de médecins retraités et une propension très forte des praticiens à cumuler emploi et retraite. Sur les 75 033 médecins retraités inscrits, 19 236 (soit 26 % d’entre eux) ont fait le choix de continuer d’exercer la médecine. Âgés en moyenne de 69,8 ans, il s'agit quatre fois sur cinq d'un homme. En 2025, le CNOM projette que plus de 35 000 praticiens seront en retraite active. La poursuite d'activité de ces médecins ne devrait pas permettre cependant pas de lutter efficacement contre la désertification médicale de certains territoires. « Ces territoires sont faiblement attractifs pour les médecins retraités actifs » indique l'Ordre, carte à l'appui. Ce phénomène devrait attendre ses limites, selon le Dr Mourgues. « Les jeunes retraités sont d'une génération issue d'un numerus clausus qui n'a pas cessé de baisser. Cette source va donc tarir. Au milieu des années 90, le numerus clausus est tombé à 3 500 par an ».
• Creusement des inégalités
En dix ans, la cartographie du CNOM a permis de montrer que les départements qui avaient au départ une densité médicale faible continuent à perdre des médecins. C'est le cas de la Nièvre (département qui enregistre la plus forte baisse de praticiens, -27% entre 2010 et 2017), de la Creuse, de la Dordogne... Pour expliquer cette tendance, le Dr Mourgues évoque la perte d'attractivité des territoires. « Certains cumulent plusieurs handicaps qui ne sont pas uniquement liés à la densité médicale. » Ces handicaps cités par l'Ordre sont « la classe d'âge, la prévalence des pathologies chroniques, la précarité ou encore la couverture numérique ». Le CNOM appelle le gouvernement à être exigeant dans la définition et la description des territoires fragiles. « Nos outils cartographiques démontrent qu'il existe des contrastes importants d'un bassin de vie à l'autre dans un même territoire. Il ne faut pas se limiter seulement à la seule évaluation de l'offre de soins pour déterminer les territoires fragiles », conclut le conseiller ordinal.
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