La part de temps consacré aux tâches administratives dans notre profession n’a pas vraiment diminué au cours des 20 dernières années.
Pourtant, l’informatisation des cabinets médicaux semblait promettre une amélioration et surtout un redéploiement de ce temps administratif vers un temps médical. Ainsi, la principale incitation financière pour favoriser l’informatisation date de 1998. À l’époque, les médecins ont été encouragés à télétransmettre leurs feuilles de soin à l’assurance maladie en échange d’une compensation financière.
L’informatique s’imposait dès lors petit à petit dans nos environnements professionnels avec la promesse de lendemains meilleurs tant cet outil allait nous faire gagner du temps et diminuer celui passé à remplir des documents administratifs au format papier. Mieux encore, à l’heure où les thèmes écologistes commençaient à se faire entendre, c’étaient des tonnes et des tonnes de papier qui allaient de facto être économisées. Gagner du temps médical tout en sauvant (un peu) la planète.
Le papier reste toujours de mise
Plus de 20 ans plus tard, les ordinateurs sont devenus incontournables dans la pratique quotidienne de tous les médecins de France, à quelques exceptions près. Les dossiers patients sont gérés avec des solutions logicielles qui parfois même ne nécessitent plus la gestion complexe d’un serveur au sein du cabinet médical. Les prescriptions sont désormais guidées et aidées, permettant d’éviter des associations de médicaments contre-indiquées par exemple. Elles sont dites « informatisées » car établies depuis un ordinateur et imprimées, mais le papier reste toujours de mise, plus de 20 ans plus tard. Des expérimentations locales existent pour la transmission de ces ordonnances par voie électronique, mais il n’est toujours pas question de généralisation à grande échelle avant plusieurs années au mieux.
Les arrêts de travail en cas de maladie ou d’accident de travail peuvent désormais être réalisés par voie électronique et font gagner un peu de temps, quand le site de l’assurance maladie fonctionne. Grande avancée pratique pour les patients qui ne doivent plus déposer leur document à leur caisse de rattachement. Mais il nous faut toujours imprimer un document papier pour l’employeur. On passe donc d’un document papier à remplir à un document électronique à remplir, suivi de son impression papier.
Quant aux feuilles de soin électroniques, elles sont devenues la norme et leur côté pratique n’est plus à démontrer. Le patient est remboursé rapidement et cela diminue le risque d’un non accès aux soins pour des raisons financières. Sauf quand la mutuelle du patient ne rembourse pas la consultation en tiers-payant, à moins… d’imprimer une facture papier attestant le versement du tiers payant. Pire encore, les feuilles de soin au format papier sont à réaliser quand nos patients oublient leur carte vitale. La possibilité technique existe pour les saisir informatiquement et manuellement dans notre logiciel, mais il faut ensuite imprimer un double papier, accompagné d’un bordereau (papier également), qu’il convient de déposer ou d’envoyer à la CPAM. Gageons que l’empreinte carbone de ce dispositif n’est pas des plus optimisées… Le tout au prix d’un temps administratif qui n’a, en rien, diminué. Il s’agit là de la sacro-sainte procédure, si ubuesque soit-elle.
Étonnamment, cette dernière avait pourtant pu être simplifiée lors du premier confinement. Il n’était plus nécessaire d’envoyer les feuilles ou les bordereaux, seule la saisie informatique suffisait. Ainsi, les médecins ont pu récupérer ce temps administratif qu’ils ont pu redéployer au profit du soin auprès de patients qui, dans certains départements, en avaient énormément besoin. Mais, il faut croire qu’à l’heure où l’on parle de pénurie de personnel médical, de déserts médicaux, de patients ne trouvant plus de médecin traitant qui accepte de les suivre faute de place, la priorité des autorités de tutelles n’était pas au soin apporté à la population, mais au respect de procédures surannées…
Redonner du temps médical sans alléger les contraintes administratives est un vœu pieux. Pourtant, à grand renfort de discours et de chocs de simplification, les médecins se sont vus promettre monts et merveilles. Fort est à parier que nous attendrons encore longtemps l’Arlésienne de la simplification.
Exergue : À grand renfort de discours et de chocs de simplification, les médecins se sont vus promettre monts et merveilles
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