LE QUOTIDIEN - Vous avez remis au gouvernement un rapport controversé pour endiguer la désertification médicale. La levée de boucliers de la part des médecins n’a pas tardé. Vous êtes surpris ?
HERVÉ MAUREY - Je ne suis pas surpris par ces réactions, mais je suis étonné de constater qu’elles ont été très violentes et excessives. Cela constitue un aveu de faiblesse. Il y a beaucoup d’invectives, d’agressivité, avec des termes parfois proches de l’insulte, mais peu d’arguments de fond.
De plus, certains arguments sont inexacts et parfois à la limite du scandaleux. Affirmer que les déserts médicaux sont uniquement là où il y a des déserts tout court est faux. Ce problème existe aussi en zones urbaines et d’autres déserts commencent à apparaître dans des territoires qui ne sont pas comparables au Sahel. Cependant, il faut différencier les réactions des médecins sur le terrain de celles des syndicats. Nombre de praticiens sont conscients du fait qu’il faudra en venir à la régulation à l’installation. Ils savent que cette méthode peut apporter des solutions.
Les syndicats sont en décalage avec leur base ?
Oui, très nettement. Je rencontre très régulièrement des médecins, aucun n’a des propos aussi caricaturaux que les responsables syndicaux. Aucun n’est sur ce registre de l’agressivité ou de la caricature.
La régulation à l’installation des médecins libéraux vous semble inéluctable ?
Je suis convaincu qu’à terme, il faudra prendre des mesures courageuses. Si on continue à faire la politique de l’autruche et à être uniquement guidé par le souhait de ne pas fâcher quelques responsables syndicaux, on sera obligé d’ici 5, 10 ou 15 ans, d’aller vers la coercition.
Cette coercition, vous la proposez déjà, notamment pour les jeunes médecins spécialistes…
Pour les spécialistes, nous en parlons de manière très mesurée puisqu’elle n’est pas généralisée. Elle est proposée uniquement dans les départements où il y a un manque [de professionnels] avéré et constaté par l’ARS, ce n’est donc pas systématique. De plus, nous la présentons sous forme d’une mission de service, et elle ne comporte pas d’obligation de s’installer. Un médecin peut très bien faire le choix de venir exercer deux ou trois fois par semaine dans ces zones fragiles.
Vous aviez rendu public votre rapport à la veille du discours de Jean-Marc Ayrault sur sa stratégie nationale de santé. Est-ce une coïncidence ?
C’est le hasard du calendrier! Nous n’avions pas la prétention de penser que M. Ayrault, qui pourtant il n’y a pas si longtemps, proposait des mesures bien plus drastiques pour les médecins, aurait le courage de sortir du discours officiel du gouvernement.
Quelles suites espérez-vous pour ce rapport ?
Nous demandons à être reçus par Mme Touraine pour lui expliquer ce que nous préconisons. Ce n’est d’ailleurs pas forcément antinomique avec ce qu’elle propose elle-même, parce que nous considérons qu’il faut avancer sur deux jambes, l’incitation et la régulation. On peut tout à fait travailler avec le volet incitatif qu’elle propose dès lors qu’on dispose aussi d’un volet régulation. Si Marisol Touraine ne nous entend pas, nous déposerons une proposition de loi.
Ces rapports et ces propositions de loi avançant des mesures autoritaires n’ont pas manqué ces dernières années, sans être jamais suivis d’effet…
Ce n’est pas une raison pour baisser pavillon. J’ajoute que la régulation que nous proposons, et qui s’inspire de qui a été fait pour les infirmiers, a donné de bons résultats en trois dans la répartition territoriale de cette profession de santé. Ca mérite donc d’être tenté.
En direct du CMGF 2025
Un généraliste, c’est quoi ? Au CMGF, le nouveau référentiel métier redéfinit les contours de la profession
« Ce que fait le député Garot, c’est du sabotage ! » : la nouvelle présidente de Médecins pour demain à l’offensive
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent