La faute à la crise ? Au vieillissement de la population qui fait que le nombre de salariés de plus de 55 ans a doublé entre 2001 et 2015, passant de 7,5 % à 15 % de la population (soit 1,2 million de personnes supplémentaires) ? Au recul de l’âge moyen de départ à la retraite ?
Les tentatives d’explication ne manquent pas, mais les faits sont là : au cours des dix premiers mois de 2014, le nombre de bénéficiaires d’indemnités journalières (IJ) a baissé de 2,7 % (en raison notamment d’une épidémie de grippe beaucoup moins forte qu’en 2013). En revanche, le nombre de jours indemnisés par arrêt a augmenté de 5,1 %. Résultat, le nombre total de jours indemnisés en 2014 a augmenté de 2,8 %, a récemment révélé l’assurance-maladie. Le comité d’alerte, instance indépendante chargée de sonner le tocsin en cas de risque de dérapage des dépenses, n’a pas manquer de relever cette croissance dangereuse des IJ supérieure à 4 % en 2014. Et 2015 ne s’annonce pas sous de meilleurs auspices. Au cours du premier trimestre, les dépenses d’IJ ont continué de croître de 3,4 %, selon la CNAM.
Après une forte baisse entre 2010 et 2012 (voir courbe ci-dessus), le coût IJ pèse de plus en plus lourd. En 2013, le coût total de ces arrêts se montait à 12,8 milliards (en incluant les congés maternité et les accidents du travail).
L’assurance-maladie tente de comprendre le phénomène dans son ensemble pour mieux l’enrayer. Elle observe que les troubles musculo-squelettiques et les épisodes dépressifs représentent 55 % des IJ prescrites dans les arrêts de plus de six mois. Elle relève aussi que les arrêts de un à six mois représentent 19 % du volume (mais 41 % des dépenses). Au-delà de six mois, ils représentent 5 % du volume... et 39 % des dépenses. Si chaque prescripteur raccourcit d’une journée le total de ses prescriptions d’IJ, calcule la CNAM, ce sont 33 millions d’euros qui seront économisés.
Marges de manœuvre étroites
L’assurance-maladie rappelle dans son projet que les précédentes baisses du nombre d’IJ prescrits entre 2004 et 2006 ont correspondu à une intensification des contrôles. Les caisses vont donc renouer avec cette méthode en identifiant les médecins qui prescrivent à la fois « plus d’arrêts et des arrêts plus longs que leurs confrères, à patientèle comparable ». Rien de bien nouveau pour les très gros prescripteurs, déjà placés sous entente préalable. Pour les autres, l’assurance-maladie veut renforcer la pertinence de la prescription. Elle va élargir le champ des pathologies pour lesquelles elle élabore avec la HAS des fiches repères, mentionnant la durée d’arrêt de travail préconisé. Des recommandations sur la prise en charge de la lombalgie, du cancer du sein et la grossesse devraient être élaborées dans un délai de 6 mois à 12 mois, précise la CNAM.
Nicolas Revel se défend de vouloir stigmatiser les médecins, mais les syndicats en doutent. MG France note que « le généraliste est une nouvelle fois montré du doigt pour ses prescriptions d’IJ », et rappelle que le médecin traitant a un rôle d’« amortisseur social » dans les problèmes de souffrance au travail. De son côté, la CSMF appelle la CNAM à mettre fin « au délit statistique ».
Coincé entre les pouvoirs publics qui réclament un renforcement du pilotage des dépenses, et des médecins libéraux rendus chatouilleux par le projet de loi de santé, la marge de manœuvre de Nicolas Revel s’annonce étroite.
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